Je venais de quitter mon appartement. Snow au bout de ma laisse était en train d’humeur le goudron par terre, alors que je fourrais mon autre main libre dans la poche de ma petite veste. Dans mon sac se trouvait ma nuisette, des habits de rechange et ma brosse à dent. J’allais retrouver Jordan et dormir avec elle. Elle ne se trouvait pas bien… encore. Ca m’attristait de la voir dans cet état, et j’avais l’impression d’être impuissante face à ça. Et ça m’énervait. Contre moi-même. Je laissais mon husky marcher un peu, avant d’aller direction ma voiture, le faisant monter à l’intérieur. Je roulais jusqu’au sud, c’était tard, et c’était cool pour la route y’avait personne. J’arrivais en même pas dix minutes devant l’immeuble de ma meilleure amie. Attrapant la laisse, je l’enfouissais dans mon sac, laissant Snow sortir tranquillement, avant de l’appeler pour rentrer dans le bâtiment. Je montais les étages, mon chien me suivant docilement, jusqu’à arriver devant la porte où je frappais trois petits coups, avant d’entrer sans attendre de réponse, « Jordan ? C’est moi.. » j’annonce, en laissant passer Snow qui s’en va tranquillement chercher la maîtresse des lieux alors que je ferme la porte derrière moi.

C’est la merde. Rien ne va, rien du tout. Quelle merde. T’as l’impression que ça fait que quelques jours à peine qu’on t’annonçait qu’il s’était pris cette putain de balle. Putain, la douleur est là, vive, les souvenirs aussi t’assaillent, te mordent le cœur. T’es à l’agonie, Jo’. T’as essayé de lutter, t’as bu, t’as fumé, t’as sniffé mais rien, que dalle. Ca passe pas. Tu souffres. T’arrives à faire genre que non devant les autres, pas de cœur brisé. Non, Jordan Wayans, n’a jamais le cœur brisé, elle est au-dessus de tout ça mais non, que dalle. T’es censée être la fille forte, elle qui tient toujours debout mais non, pas ce soir, pas depuis un an. Depuis que t’as trouvé de l’intérêt dans la picole. Même l’alcool ne fait plus effet. T’as plus de drogue, t’as plus rien de toute, que de l’alcool dans les veines, dans le corps. T’es rien sans lui Jo. Jordan rien sans homme, t’as envie de rire. Tu ris d’ailleurs, plutôt tu souris. Devant cette vidéo que t’avais fait de Ash à l’époque, il racontait encore des conneries, pour changer et bordel qu’est-ce qu’il était beau. Ton sourire fait écho au sien. Des bruits attirent ton attention derrière toi, tu bouges un peu la tête pour te rendre compte que c’est Denver puis ton attention se porte encore à la TV. « Il est beau ce con quand même » que tu dis en souriant légèrement. T’arrives pas à utiliser le passé en parlant de lui, il est trop présent. Non, tu veux pas y croire, un jour il va apparaitre pour te dire que c’était une blague. Tu avales encore une gorgée de ton verre « Il va revenir bientôt tu crois ? »

Je pose mes affaires près du hall d'entrée. Snow est déjà parti, alors que j'enlève ma veste pour la poser à côté de mes sacs. Pas de réponse non plus. Bon... Peut être qu'elle dort déjà ? Ca m'étonnerait. Y'a un peu de bruit dans le salon, on dirait. Je passe le couloir tranquillement, sans faire de bruit, puis je la trouve là, assise dans le canapé, à fixer la télévision où des images de son ex, Ash, défilent. C'est pas bon... elle devrait pas regarder tout ça. Je me mords un peu la lèvre, ne sachant pas vraiment comment aborder la chose, alors qu'elle devine que je suis là, derrière elle, « Il est beau ce con quand même » je ne dis toujours rien, je souffle un peu, terminant par la rejoindre et m'asseoir à ses côtés, alors que Snow pose sa tête sur ma cuisse. Je la caresse tranquillement, observant Jordan, « Il va revenir bientôt tu crois ? » Comment répondre à ça ? Je lui fais une petite moue, avant d'attraper son verre et de le poser un peu loin d'elle. Je termine par lui prendre la main doucement, « Tu devrais pas regarder ça Jordan... ça te fait plus mal qu'autre chose. » je dis doucement, en caressant le dos de sa main avec mon pouce.

Tu sais pas pourquoi t’as posé cette question. Tu sais pas pourquoi t’es dans cet état. Tu sais pas pourquoi il est plus là. Tu sais plus rien. Merde, qu’est-ce que t’as loupé ? Qu’est-ce qui s’est passé ? Pourquoi tout est devenue une telle merde ? Tu sais pas. Tu sais plus. Tu veux juste qu’il revienne. Ton regard quitte pas l’écran. Ouais, tu veux qu’il débarque, qu’il revienne se foutre de ta gueule comme il le faisait avant. Que vous vous foutiez encore sur la gueule, comme avant. C’était votre truc ça, vous disputer, vous séparer et puis vous remettre ensemble et tout ça dans la même journée. C’était votre façon de fonctionner et vous étiez heureux comme ça. Ouais, t’étais heureuse. « C’est là que tu te trompes » que tu lui réponds, sans toujours la regarder. Ton esprit est obnubilé par ce sourire. « Il me manque un peu moins » tu souris en le voyant faire une grimace, las que tu le filmes avant qu’il n’attrape la caméra et ne te fasse basculer sous lui. Il te manque un peu moins maintenant, mais ça sera quoi quand t’auras éteins la télé ? Tu vas boire pour remplir le vide, comme d’habitude. D’ailleurs, t’attrapes ton verre de ta main libre et le vide d’un trait. Tu sens même plus la brulure, quelle merde. « Et puis, t’inquiètes, je sais qu’il est six pieds sous terre… » qu’il reviendra plus. Il reviendra plus. Cette phrase danse inlassablement dans ton esprit. Il reviendra plus. Ta main relâche ton verre qui s’échoue sur le sol. Il reviendra plus. Sans même t’en rendre compte, t’éclate en sanglots. Salopard.