Courir partout, c'était ça en gros le boulot d'une infirmière. J'avais été affectée au service des urgences depuis peu, et sans blague, je devais courir au moins dix kilomètres par jour. Au moins, ça faisait une partie de mon sport chaque jour, à part mes étirements et mon yoga que je faisais chez moi. Et puis ça permettait aussi de ne pas penser à autre chose, tellement j'étais concentrée sur la santé de mes patients. Ouais, parce que ce qu'il se passait à l'appart depuis pas longtemps... Je savais pas trop pourquoi ça m'affectait autant ce que m'avait dit Julie. Et tant j'en avais pris de l'importance, je m'étais un peu calmée au sujet de mon colocataire. Et ça devait largement se voir sur mon comportement qui d'habitude était joyeux, festif, gamin aussi. Et ça se ressentait aussi sur l'ambiance qui régnait. Contre mon gré en plus. C'est comme si... j'avais mis des barrières entre Quinn et moi. Pourtant je n'étais pas du genre à me laisser influencer, et l'opinion des gens, je m'en foutais. Mais j'avais peur de ne pas être bien pour Quinn. Et si Julie avait raison, si j'étais bien trop "âgée" pour lui... Trop de questions.

Rentrée de boulot, je me focalisais sur une autre tâche ingrate: les factures. Ô joie. J'y étais depuis un peu plus d'une heure, lunettes sur le bout de mon nez, à classer les différentes feuilles et à noter sur mon ordinateur portable tous les chiffres... A force de me concentrer, je plissais les yeux et puis... « Hey ! » Levant mes yeux des feuilles qui se trouvaient dans une de mes mains, je croisais le regard de Quinn derrière la table du salon, en face de moi. « On peut causer de l'ambiance dans l'appart depuis que t'as parlé avec Julie ? » Lâchant son regard un instant, je me mordais nerveusement la lèvre inférieure. Ok. Je m'en doutais que cette conversation allait venir tôt ou tard, sauf que je ne m'étais pas préparée psychologiquement à ce qu'elle vienne... là, maintenant, tout de suite. Bon. Je prenais une inspiration, posant les feuilles sur le rebord de la table, attrapant également mes lunettes que je posais à côté, me grattant un peu les yeux au passage. « Si tu veux... » répondis-je doucement alors que je fermais mon ordinateur portable, posant finalement mes yeux sur lui ensuite. « Dis moi tout... » Je savais pertinemment ce qu'il allait me dire, et je commençai à réfléchir à toute vitesse pour trouver quoi lui répondre.

La nervosité d'Héliya était quasiment palpable depuis que j'avais engagé le contact, mais comme à mon habitude, ce n'est pas cet état émotionnel altéré chez la jeune femme qui modifia quoi que ce soit de ce que je voulais lui dire. Nous devions parler, défaire le nœud, c'est tout. Néanmoins, lorsqu'elle me dit qu'elle était à mon écoute, je secouais lentement la tête. « Tu sais ce que je pense... j'trouve que c'est juste des conneries. » Je clignais un coup des yeux, puis m'approchais de la table en décroisant les bras. « C'est à toi de me dire pourquoi ça t'affecte autant. »

« Tu sais ce que je pense... j'trouve que c'est juste des conneries. » Me mordillant un peu la lèvre inférieure, je continuais de le fixer, ne sachant pas trop quoi faire d'autre à vrai dire. « C'est à toi de me dire pourquoi ça t'affecte autant. » Great. J'allais devoir tout déballer ce que j'avais sur le coeur. Ca n'avait jamais été mon fort ce genre de truc. Restant assise, je me mis à joindre mes mains entre elles, tortillant un peu mes doigts. « Je sais pas... » commençai-je par dire avant de soupirer un peu, laissant une de mes mains remettre une mèche de mes cheveux en place : « J'ai peut être peur que ta soeur ait raison, je sais pas Quinn... que t'aille avec les filles qui ont plus ton âge que le mien... » ajoutai-je en haussant les épaules alors que je commençais par ne plus trop vouloir croiser son regard tellement je me sentais... bête.

J'écoutais ce qu'elle me disait, mais je l'observais aussi et... quelque chose dans son comportement me toucha. Cette gêne qu'elle présentait, à quoi se rapportait-elle? Je n'étais peut-être pas un expert dans le domaine de la gestuelle, mais plus je grandissais et plus j'avais l'impression de m'améliorer là dedans. En me décentrant peu à peu de moi-même pour m'intéresser aux autres, j'avais le sentiment de mieux comprendre bien des choses. Pourquoi untel agissait comme ça et pas autrement, pourquoi on sourit, pourquoi on baisse les yeux... ça n'étais pas si évident de saisir la valeur profonde de tous ces signes muets. « Pourquoi ? » La question devait sembler assez enfantine, mais je n'avais rien trouvé d'autre à dire, même en voyant que cette confrontation gênait Héliya. Alors, je me suis approché d'elle. « Peut-être qu'elle a raison... » Je posais mes mains sur le bord de la table qui se trouvait derrière la jeune femme, un bras étendu de chaque côté de son corps. « Et peut-être que toi t'en sais rien, mais je suis assez grand pour faire des choix tout seul et si j'avais pas envie d'être proche de toi tu l'aurais compris l'autre soir. » Un léger soupir m'échappa et je baissais les yeux un instant, mais finis par ramener mon attention vers la jeune femme. « Hé... regarde moi. »

« Pourquoi ? » J'haussais les épaules. Trop de pourquoi, trop de questions... j'étais moi même un peu perdue dans ma tête en ce qui concernait toute cette histoire avec Quinn que j'avais à peine les infos pour lui expliquer tout ce qu'il me passait par la tête depuis que Julie m'avait parlée. « Peut-être qu'elle a raison... » Maybe... peut être que je devais laisser Quinn tranquille, le laisser vivre sa vie de jeune adulte et continuer à vivre la mienne de mon côté... Je sentis la présence du jeune homme se rapprocher, jusqu'à sentir ses bras de chaque côté de moi. Encerclée, un peu. Et je continuais d'éviter un peu son regard, me concentrant plus sur mes mains. « Et peut-être que toi t'en sais rien, mais je suis assez grand pour faire des choix tout seul et si j'avais pas envie d'être proche de toi tu l'aurais compris l'autre soir. » Je fermais lentement mes yeux, hochant un peu la tête, souriant légèrement plus intérieurement qu'extérieurement... Ca me faisait plaisir ce qu'il me disait. Parce que je ressentais quasiment la même chose. J'avais apprécié d'être aussi proche de lui la dernière fois et... « Hé... regarde moi. » Rouvrant les yeux, je levais mon visage pour me retrouver en face du sien, croisant son regard. Je m'y perdais presque dedans... Je restais silencieuse. Je savais pas trop quoi dire en plus. C'était la première vraie conversation qu'on avait eu depuis l'intervention de la soeur Evans. Et j'espérai tellement que ça m'enlève un poids...

Je devais passer pour quelqu'un qui n'avait pas peur de grand chose, dernièrement, n'est-ce pas ? J'aurais voulu que ce soit le cas... car après tout, quel garçon n'a jamais rêvé d'être un héro, mais la vérité était toute autre. Je me posais une multitude de questions et hésitais sur plein de choses, mais c'est juste que... je ne sais pas, j'étais persuadé que tout ce qu'on disait « difficile » ne l'était pas tant que ça. Cependant, pour pouvoir confirmer mes croyances, il fallait que je sache si ce qui se disait était vrai. Les gens avaient leurs opinions sur divers sujets et moi, j'avais le mien, mais est-ce que l'un des deux camp était forcément obligé d'avoir raison ? Peut-être qu'il existait des réalités multiples qui variaient d'un individu à l'autre, selon sa mentalité et ses ressources, mais aussi ses actions. Maintenant que j'étais là, je savais ce que je voulais, je savais ce qui était Vrai pour moi... enfin, je pensais le savoir, en tout cas, car peut-être n'était-ce en fait que des rêves et que tout ce que je désirais n'était pas ce qu'il me fallait.... peut-être. Mais où allais-je finir à force de réfléchir à coup de « peut-être » ? Nul part. Je ne voulais plus être spectateur de ma vie, je voulais en être l'acteur principal.

Lorsque mon regard accrocha celui de Héliya, j'eus l'étrange impression de me retrouver face à une personne que je pouvais qualifier comme étant mon égal. L'âge ne comptait pas, la situation professionnelle non plus. Si ce n'était que ça, le problème, eh bien attendez encore un an et demi et nous en reparlerons lorsque je serais payé pour travailler en laboratoire de recherche... bande de mauvaises langues. Au contraire, j'étais content d'avoir de la proximité avec une femme plus âgée que moi, ça correspondait plutôt bien à la façon dont je voulais être perçu : suffisamment évolué mentalement pour tenir des conversations avec quelqu'un de plus « expérimenté ». J'apprenais des choses depuis que je vivais à son contact, c'était indéniable... mais j'imagine qu'il y avait une certaine réciprocité dans ce processus. Peut-être que je lui rappelais des choses dont elle avait oublié l'importance. Je l'espérais.

Un très léger sourire se déposa sur mon visage durant une fraction de secondes, puis je m'approchais finalement de celui d'Héliya pour l'embrasser. Calmement, mais sans hésiter. Ca n'était pas comme cet autre soir.... je savais très bien pourquoi j'agissais ainsi. Je n'avais pas besoin qu'on me dise ce qui était bien pour moi... ou alors qu'on dise aux autres comment vivre leur vie. Je finis par lâcher une main de la table pour venir la placer derrière la tête de la jeune femme.

Rien qu'à regarder son visage angélique et ses yeux tellement prenants. Wow. Je m'y perdais vraiment. C'était indéniable, si tout ce que me disait Julie me touchait c'était que y'avait bien anguille sous roche. Sinon je m'en foutrais royalement et je serais vite passée à autre chose me connaissant. Mais non. Ça m'avait trotté dans la tête jusqu'à maintenant où j'avais enfin la conversation si attendue avec Quinn. J'espérai y trouver des réponses. Parce que oui, obligé, je tenais à Quinn. J'adorais presque tout chez lui. Et rien que sa façon de me regarder, je l'adorais aussi. Et aussi sa façon de se rapprocher... et de m'embrasser. Fermant instinctivement les yeux, c'était comme une bouffée d'air frais qui venait de s'emparer de moi. C'était comme si ce baiser enlevait toutes les questions et donnait carrément les réponses directement. Comme un deux en un. Et je ne le repoussais pas. Je pouvais pas et je ne voulais pas. Je répondais juste à son baiser, doucement... Jusqu'à mettre mes mains sur son visage, voulant plus l'attirer vers moi.

J'étais bien. Sentant sa main derrière ma nuque, ses lèvres contre les miennes. J'avais envie de continuer et de continuer... mais Quinn se détacha au bout d'un moment en me fixant comme s'il voulait trouver quelque chose dans mon regard. Comme s'il ne me pensait pas sincère. « Est-ce que ça va être de nouveau la même chose si quelqu’un d’autre te fait un commentaire sur notre relation ? » L'observant à mon tour, silencieuse, je soupirais doucement, laissant mes yeux vagabonder un peu partout. Ca m'énervait que ce genre de chose m'atteigne autant. Alors que je ne voulais pas qu'elle m'atteigne, je voulais être loin de tout ça, vivre ma vie comme bon me semblait et avec qui je voulais sans qu'on me fasse des remarques du genre. Et je restais silencieuse, contre mon gré parce que je voulais lui répondre que non, ça n'allait pas être la même chose. Mais je ne savais pas, et je ne voulais pas lui mentir. Et mon silence n'était pas bon puisque je le vis reculer une nouvelle fois « Est-ce que je te pose un problème… ? », « Quoi ? » répondis-je du tac au tac, fronçant les sourcils. Je commençai à secouer ma tête de droite à gauche, en me levant pour le rejoindre « Non non non... » Me postant devant lui, je lui fis un pauvre sourire, étant désolée de tout ce que j'avais l'impression de lui faire subir « C'est moi le problème Quinn... » Je soufflais doucement, attrapant sa main dans la mienne, « Je t'apprécie vraiment... vraiment beaucoup... »

Well, les réponses de la jeune femme me laissaient dans un certain état d’incertitude et je n’étais pas certain que cette impression d’être au mauvais endroit, au mauvais moment s’en irait de sitôt… néanmoins, le fait qu’elle se lève et m’attrape la main, en plus de ses dernières paroles, suffit à mettre temporairement mes questionnements de côté. Je finis par sourire un peu et laissais quelque mots s’échapper dans un souffle. « Vraiment vraiment beaucoup, ça me semble assez pour le moment… ». Je n’en pouvais plus de rester là, de l’avoir devant moi, de sentir son regard posé sur le mien de la sorte, tout en sachant qu’elle ne faisait pas semblant. Il fallait que je mette fin à ce truc qui prenait presque toute la place dans ma poitrine et qui se diffusait maintenant dans le reste de mon corps. Je ne savais pas tellement s’il s’agissait d’une émotion ou d’une réaction physiologique, mais ça devenait insupportable de la garder en-dedans.

Je pris une inspiration, puis cessais de respirer pendant quelques secondes. Immobilité totale. Instant immortalisé. Une photographie prise juste au moment d’entamer la descente qui s’ensuit, récompense de cette longue montée qui nous aura demandé de mettre en œuvre toutes nos ressources. Je le veux. Je le veux vraiment. Pas seulement pour le geste, mais parce qu’il n’y a pas d’autre suite possible à notre conversation, parce que c’est ici que je me sens bien et pas ailleurs, parce que le ressenti me dit que c’est bon. Et je le veux surtout parce que ça ne signifie pas quelque chose uniquement pour moi. Le sentir ailleurs que juste dans mes tripes, laisser une marque au fer rouge dans ma tête et dans mon cœur, c’est tout ça que je veux.

Ma main se referma sur celle d’Héliya et je la tirais ensuite vers moi avant d’entourer sa taille de mon bras libre, tout en me penchant pour l’embrasser avec une passion notable, retirant au passage toute la gêne et la retenue que j’avais eues vis-à-vis de nos contacts physiques jusqu’à présent.

Je voulais me rappeler de ça, parce que c'était important.

Je savais pas si mes réponses avaient suffis, si elles avaient eu du sens pour Quinn. A vrai dire, je ne pensais pas trop. J'avais été très vagues, mais c'était tout ce que je pouvais lui dire pour l'instant. Je n'étais même pas sûre moi même... Mais en tout cas, sur mes sentiments, j'en étais sûre. Oui, Quinn me plaisait vachement et comme je le lui avais dit, je l'appréciais beaucoup. Je ne lui mentais pas, de toute façon plus honnête que moi, tu meurs. « Vraiment vraiment beaucoup, ça me semble assez pour le moment… » J'eus un petit sourire, le regardant, toujours ma main dans la sienne. Ca se voyait qu'il n'avait pas l'air convaincu sur tout. Et c'était normal, je ne l'aurais pas été non plus. Mais je n'eus pas trop le temps de me questionner sur tout que je sentis la poigne du jeune blondinet se refermer sur ma main, me tirant vers lui. Puis tout se déroula très vite. Je me retrouvais à nouveau collée à ses lèvres et je sentais que c'était une passion nouvelle qui l'habitait. C'était... différent et bon. Je me demandais même si il avait déjà passé ce cap avec une fille... Mais j'étais trop occupée à répondre à son baiser, avec la même envie, que je ne réfléchissais pas vraiment à ça. Mes pensées étaient plutôt tournées vers autre chose. J'en avais envie aussi. Ma main libre passant dans ses cheveux, je me collais plus à lui, reculant vers le couloir qui menait à nos chambres. Pas vraiment de yeux derrière la tête, je me heurtais à un mur, puis lâchant ses cheveux, je descendais sur le haut de son torse. Avec l'aide de mon autre main, toujours continuant à l'embrasser langoureusement, je commençais à déboutonner sa chemise, assez... rapidement. Oui, je le voulais aussi.

* * * quelques minutes plus tard * * *

Une grimace s'afficha sur mon visage au moment où je vis apparaître un air bizarre dans les yeux d'Héliya. " Qu'est-ce qui se passe? " Non, sérieusement, qu'est-ce qui se passait ? C'était pas vraiment le moment idéal pour interrompre QUOI QUE CE SOIT, parce que je ne me trouvais pas tellement dans la position la plus confortable pour avoir une discussion philosophique.

Etre dans l'action, c'est bien. Mais être coupé dans un moment pareil... c'était dur. Mais indispensable. "T'as ce qu'il faut...?" Je le regardais, en mode sérieuse. Ouais, je rigolais pas trop avec ça, même si je prenais la pilule. Infirmière oblige. Même si je savais que j'étais sa première fois, vive les précautions. J'étais peut être un peu parano, mais valait mieux ça, que se trouver un jour avec une MST. " Qu'est-ce qui se passe? " A califourchon sur moi, je l'observais. J'eus un petit sourire en le voyant comme ça, ses cheveux blonds qui en tombant me chatouillaient presque le front. "Le préservatif Quinn..." murmurai-je avant de m'approcher pour l'embrasser un peu, m'écartant ensuite en voyant sa tête euh... bizarre. "T'en... as hein ?"