Posée devant sa fenêtre, à fixer les immeubles en face, le regard inquiet. Elle hésite un peu, légèrement pensive, avant de composer le numéro de Svetlana, elle essayait surtout de faire taire son esprit, de le calmer, en attendant que celle-ci décroche.

Le ventre noué et les phalanges fébriles, j'attendais l'appel de Gaïa. Lorsque la sonnerie s'est mise à retentir, j'ai tenté de calmer ce stress brutal et soudain sans vraiment pouvoir le faire. Tant pis. Je prends le téléphone et je décroche. Hey.. Je dis maladroitement, retardant un peu la raison de cette conversation.

Entendre sa voix de façon aussi claire et net, du moins plus net que dans les souvenirs de Gaïa, la rassurait. Elle se disait que Svet était finalement bien réelle, elle n'était plus vraiment une illusion à ses yeux, elles étaient capables de communiquer désormais, avec énormément d'appréhension certes, mais elles y parvenaient. Hey, tu.. vas bien?

Cela faisait longtemps que je n'avais pas entendu le son de sa voix. La sensation était étrange mais agréable. Je souriais légèrement en l'écoutant. Bien que j'étais toujours aussi stressée. Ça va plutôt bien et toi ? On ne s'était pas parlé depuis un bon moment et je ne savais pas du tout ce qu'il se passait dans sa vie actuellement.

Elle disait aller bien, pourtant Gaia ne la croyait qu'à moitié, elle ne savait pas ce que Svet allait lui dire, et elle imaginait déjà plusieurs scénarios dans sa tête. Alors elle avait envie de savoir, le plus tôt possible. Je vais bien, je m'inquiète surtout pour toi. Qu'est ce qui se passe?

J'aurais dû être habituée à cette sensation vertigineuse que Gaia créait depuis le début mais c'était toujours pareil et je n'avais aucun contrôle là-dessus malheureusement. Bon et bien.. Je soufflais à nouveau, comme pour me donner de l'assurance. Sans succès. C'est assez compliqué à dire. Je me mord la lèvre alors que je marque à nouveau une pause. Je suis enceinte de Salazar, ça fera trois mois le premier octobre.

Enceinte. Ce mot résonnait dans les tympans de Gaia, cillant son estomac déjà bien contracté. Elle allumait sa première cigarette de la journée, tirant une latte, puis une deuxième, et laissant planer un certain silence. Elles n'étaient pas ensemble, ne le serait probablement jamais, alors pourquoi est ce que ça lui faisait autant de mal ? Peut-être parce que ce bébé constituait une preuve concrète, palpable de la fin de ce qui les unissait toutes les deux. Vous.. hm félicitations. Elle ressentait énormément d'amertume en sortant ces quelques mots. Vous allez donc fonder une famille.. Je vois. C'est ce que tu voulais?

J'étais soulagée. D'avoir craché le morceau. Je refusais de lui mentir alors autant mettre les choses au clair directement. Le silence était pourtant pesant, bourré de questions que l'on ne prononçait pas. Ni elle ni moi. Ce n'était pas facile. Ça aurait dû être plus simple mais ça ne l'est pas. Dans ses félicitations, je percevais trop de choses contraires. Je la connaissais peut-être un peu trop. Puis sa question est apparue et j'ai décidé de m'allonger, toujours le téléphone en main. Je ne sais pas. À vrai dire, je pensais que ça se ferait bien plus tard. C'est assez imprévu. J'ai arrêté la pilule et c'est arrivé sans prévenir. Puis je me suis mise à réfléchir à des tas de choses qui n'existeront jamais. Je voulais juste que tu sois au courant avant que l'on se voit.

Une légère tension au niveau des sourcils, savoir que Svet était enceinte ne l'enchantait pas vraiment, et son expression faciale la trahissait, heureusement qu'il ne s'agissait que d'une conversation téléphonique. Gaia n'avait pas envie de raccrocher aussi tôt, elle avait encore envie de lui parler. Je ne t'ai jamais entendu dire que tu l'aimais. Est ce que tu l'aimes au moins.. Svet? Tu es heureuse avec lui?

Bien sûr qu'on avait parlé d'enfants et bien sûr que nous nous étions projetés. Pourquoi dire le contraire ? Il avait réveillé cette envie que je n'aurais jamais accepté ailleurs ou dans d'autres circonstances. Et j'ai été heureuse d'apprendre cette grossesse. Bien plus que c'était prévu. Pourtant, les ressentiments de Gaïa ont leur valeur. Ils l'auront toujours. L'idéal aurait été qu'on ne se blesse pas avec les choses qui étaient entre nous mais c'était impossible alors lorsqu'elle m'a posé " la " question, j'ai décidé d'être sincère. Fermant les yeux et passant une main nerveuse dans mes cheveux. Oui, je l'aime Gaïa et oui, il me rend heureuse. S'abîmer avec des phrases si simples. Ressentir tant de complications pour des faits si simples. Nous étions un paradoxe. Mon regard se perd un peu avant que je reprenne la parole. C'était le deal, non ? Continuer à être heureuse, chacune de notre côté...

Elle fixait sa cigarette, qui se consumait, contemplant la fumée qui s'évaporait dans l'air. Svet aimait Salazar, et ce n'était pas vraiment une surprise pour Gaia, elle s'en doutait, seulement, l'entendre aussi clairement la blessait. Il fallait qu'elle encaisse, elle n'avait pas d'autre choix de toute façon. C'est tout ce que je souhaite pour toi. J'espérais juste que tu ne me fasses pas disparaître de ta vie, même si ce sera difficile pour nous deux, je ne peux voir les choses autrement. Elle souriait avant d'écraser sa clope sur le cendrier, l'air toujours aussi absent.

Je ne savais pas si Gaïa ressentirait les choses comme je les avais ressenties lorsque j'ai su ses sentiments pour Noah. Si c'était le cas, nous étions toutes les deux passées par là et l'idée de lui donner ce genre d'émotions ne m'enchantaient pas. Pourtant, c'est là. J'ai besoin que tu sois heureuse aussi. Réellement. Parce que c'était ce qu'on s'était dit et que je ne pourrais pas être entièrement heureuse si elle ne l'est pas. J'ai marqué une hésitation à la suite de sa phrase. La voir en chair et os serait différent. Je savais les choses que ça impliquait. Si tu penses qu'on est capables de se voir, on peut essayer. Je répond, assez bancalement. Il faut juste que tu saches que ça me rend anxieuse.

Quelque chose les unissait et les séparaient en même temps, Svet ne pourrait jamais réellement se déraciner de l'esprit de Gaia. Il n'y avait aucun remède à cela, le destin n'a pas su être clément envers elles, et la jeune artiste voyait cela comme une fatalité, elle était heureuse avec Noah, et pensait même souvent ne pas le mériter, surtout lorsque des visions de sa vraie et unique muse traversait son esprit, c'est un peu comme si elle le trompait et c'était un réel tiraillement pour elle, mais elle était condamnée à cela, elle ne pouvait rien y changer. Svet... tu sais bien que moi aussi, encore plus. Je pense juste que le fait de ne pas se voir ou ne plus se parler ne résoudra rien. Nous devons faire des efforts à deux, je n'ai pas envie de te perdre, surtout pas de cette façon là.

J'ai trop de souvenirs avec Gaïa. J'ai vécu trop de choses avec elle pour faire comme si elle n'avait jamais existé et j'avais beau essayé, d'une façon ou d'une autre, elle était toujours là. Sans doute le serait-elle toujours. Tu as sans doute raison. Je finis par conclure. Nous ne pourrons pas jouer à cache-cache indéfiniment. On s'est toujours tenues éloignées l'une de l'autre pour ne blesser personne et ne pas nous blesser mais au fond, cela nous affectait tout de même. J'avais l'impression d'être maudite lorsque j'évaluais ma relation avec Gaïa. D'une façon ou d'une autre, ça ne changera rien de toute façon, n'est-ce pas ?

un long soupire venait de s'échapper, laissant la brune pensive. Elle savait qu'elle ne pouvait réellement se sortir indemne d'un tel déchirement. Elle prétendait aller bien, pourtant l'annonce de sa stérilité n'a fait qu'éveiller en elle de violentes envies de masochisme, que Noah arrivait à calmer en quelque sorte. Je crois que nous commençons à devenir plus mature.. C'est assez étrange, je n'ai jamais voulu mûrir, mais c'est la meilleure solution pour toutes les deux. Elle restait silencieuse un moment avant d'ajouter. Je vais te laisser te reposer, prends soin de toi et on se voit très bientôt?

J'étais prête à essayer. En espérant intérieurement que ce soit la bonne solution. Après tout ce qu'il s'était passé, nous n'avons plus rien à perdre. Oui, ça l'est mais c'était prévisible. Les ressentiments changent les gens j'imagine. Mes mots résonnaient de façon lointaine mais plus je les entendais et plus ils devenaient réels. Je te le retourne, fais attention à toi et bien sûr, on se voit bientôt. Je dis en un demi-sourire, avant de finalement raccrocher.