Lera fixa les deux barres d’un air hébété, incapable d’aligner deux pensées cohérentes à la suite. Son cerveau semblait avoir rendu l’âme. Court-circuité aussi soudainement que cette nouvelle qui lui tombait sur les bras. Sous les poids du choc, ses jambes se dérobèrent sous elle. Sa respiration était si lente que l’on eut dit qu’elle ne respirait plus. Son regard fit la navette entre le test qu’elle tenait entre les doigts et les deux autres gisants à ses pieds, indiquant tous le même résultat. Deux barres bien visibles. Elle était enceinte. Un éclat hystérique menaça de s’échapper, mais toujours ahurie par cette nouvelle, il n’en fut rien. Elle était incapable d’esquisser le moindre le mouvement, c’était une aubaine que l’air put encore rejoindre ses poumons intoxiqués par toutes ces années de tabagismes exacerbés.
Le plus drôle dans l’histoire, si l’on pouvait le qualifier ainsi, était que sans sa sœur, sans doute qu’elle ne s’en serait rendu compte que lorsque son ventre aurait pris quelques rondeurs, quoique là encore, elle se serait simplement dit qu’elle avait grossi et aurait entamé un régime des plus drastiques. L’idée même qu’un être pût grandir dans son ventre lui était tellement absurde qu’elle avait ri au nez de Nora lorsque cette dernière lui avait sommé, au vu de tous ses symptômes, de se soumettre au test de grossesse. Devant l’insistance de cette dernière -le sang Vilte coulait bel et bien dans ses veines-, elle s’y était résolue, de mauvaise grâce cependant, persuadée qu’il s’agissait là d’une perte de temps monumentale. Apparemment non. Et à plus de trois semaines de grossesse, comme l’indiquait le test à sa gauche –merci les merveilles des technologies modernes-, il était grand temps qu’elle le découvre.
Elle ferma les yeux, serrant fortement ses paupières l’une à l’autre et les rouvris. Non, il ne s’agissait pas là d’un songe fantasmagorique qui s’évaporerait une fois qu’elle aurait ouvert les yeux, douloureux mirage dont elle avait plus d’une fois fait l’expérience. Un coup porté à la porte coupa court à ses réflexions. Elle se leva, se tenant au lavabo pour ce faire et alla ouvrir à sa cadette d’une démarche mécanisée. Elle planta ses prunelles désorientées dans celle de Nora.
« C’est…C’est positif… »
Il n’était pas nécessaire de le préciser puisque seul son air à la fois fantomatique et ahuri suffisait amplement, mais elle en avait besoin, comme si l’entendre rendrait tout cela plus…vrai. Miss Vilte était enceinte. Si l’on la trouvait chiante au naturel, attendez de voir ce que ça donnera lorsque les hormones y seront mêlées car oui, il était certain qu’elle le garderait. Enfin, comme on le dit si bien, chaque chose en son temps.
Ces quelques jours à New-York s'étaient écouler beaucoup trop vite pour moi. Je n'avais aucunement l'envie de retourner chez moi. Je voulais continuer de visiter la ville, sortir, faire la fête avec ma sœur, même si elle semblait un peu étrange comparativement à l'habitude. Elle avait le teint pâle, elle vomissait tout les matins minimum deux fois à chaque jours et en prime, elle n'arrêtait pas de s’empiffrer de pâtisseries au chocolat, de gâteaux, de bonbons et tout le reste. Ce qui ne lui ressemblait vraiment pas.
Pour avoir déjà regardé quelques émissions sur des femmes qui parlaient de leur grossesse du début à la fin et pour avoir bien retenue mes leçons de biologie, je me suis mise en tête qu'elle était peut-être enceinte. Tout semblait l'indiquer en tout cas et même si elle m'avait déjà dit être stérile, je ne la croyais pas du tout. Je lui fis donc part de mes déductions et comme je m'y attendais, celle-ci me rit au visage, me trouvant limite timbrer de croire une telle chose.
Comme je ne suis pas du genre à abandonner lorsque j'ai quelque chose en tête, je me suis moi-même rendu à la pharmacie la plus proche et j'ai pris avec moi toute les sortes de test mis à disposition sur le présentoir afin de la mettre devant le fait accompli. Je voulais en avoir le cœur net, parce qu'au fond de moi, j'étais persuadé qu'elle portait un enfant et si c'était le cas, elle devrait tout de suite cessé de consommer de l'alcool et se prendre en main pour le bien-être de ce petit être.
Je l'ai donc enfermer dans la salle de bain avec le sac remplit de test en tout genre et me mit à faire les quatre cent pas dans la chambre à savoir comment j'allais réagir si le test affichait un résultat positif. Lera et moi n'avions jamais prit le temps de parler de ce genre de chose à savoir si nous voulions avoir des enfants, garçon ou fille. Ce qui me stressait dans l'histoire, c'est qu'elle se tape une dépression si toutefois les résultats n'étaient pas ceux qu'elle espérait.
Cinq minutes plus tard, top chrono, je vins toquer à la porte, impatiente de connaître les résultats du test. Ma sœur vint m'ouvrir et seul l'expression sur son visage aurait suffit à me mettre au courant des faits. Elle était bel et bien enceinte. Le choc. Autant pour elle que pour moi. Ne sachant quoi faire d'autre que cela, je vins la prendre dans mes bras et la serra très fort sans rien dire. Il était inutile de lui répéter dans un moment comme celui-ci que j'avais raison et qu'elle avait tord, j'aurais tout le temps pour cela plus tard. « Comment tu prends ça? » Dis-je simplement en venant déposer mon front contre le sien, mes mains remontant vers son visage pour le caresser doucement. « Tu crois que c'est une bonne chose? » Je me mordis la lèvre avant qu'un sourire étire mes lèvres. J'étais heureuse pour elle. Être mère devait sans aucun doute être la chose la plus merveilleuse du monde, même si l'enfant n'était pas désiré ou attendu pour le moment.
Comment le prenait-elle ? En voilà une bonne question. Il n’était pas difficile de tirer les conclusions en voyant son visage aussi blafard que celui d’un mort, on eut dit qu’elle venait de voir un fantôme. Un contre cinq qu’il s’agissait là de la tête qu’elle avait tiré lorsqu’elle avait cru reconnaître son ex en ville il y a des mois de cela. Enfin, ceci était un autre sujet qu’il valait mieux développer plus tard même s’il était plus ou moins lié à ce qui se déroulait présentement.
En réalité, elle ne savait que penser. Elle ne s’y était pas attendue, persuadée aux dires qu’elle n’aurait plus jamais d’enfants, chose qu’il l’empêchait d’être pleinement femme à ses yeux et nous voilà, elle, habitée par un petit être. Le choc était incommensurable, tellement qu’il l’empêchait même de s’en réjouir, puisqu’elle s’était toujours vue dans le rôle de mère et lorsqu’on lui avait annoncé que cela ne serait que pure fantasme chimérique, le monde avait semblé se dérober sous ses pieds. Elle avait tenté toutes les choses possibles pour remédier à la situation, sans grand succès. Et des années plus tard, alors qu’elle avait complètement abandonné l’idée d’enfanter, les choses changeaient une nouvelle fois, à croire que le destin l’avait désigné comme son jouet favori.
« Je sais pas, je crois…mais… »
Elle s’interrompit un instant, cherchant ses mots et s’humectant les lèvres. Mais…tellement de choses qu’elle ne savait laquelle elle devait mettre au premier plan. Elle ferma les yeux, afin de calmer tous les sentiments qui l’assaillaient digne des plus grands phénomènes météorologiques et après un interminable silence, elle reprit la parole.
« Mais…je ne sais pas si c’est le bon moment, si je suis prête, si je serais capable de prendre une telle responsabilité, un enfant ça demande énormément de temps alors qu’avec mon travail je suis toujours en déplacement. Un enfant signifie aussi laisser tomber les fêtes, les soirées, les sorties…bref, ça va demander énormément de changements et je ne sais pas si je suis prête à les accepter et puis je suis trop égoïste, trop centré sur moi-même, j’ai une vie trop dissolue, je suis… »
Elle se tut pour respirer, ayant déballé tout ça dans un seul et unique souffle. Une vie dissolue c’était le moins que l’on pût dire, ex-pute recyclée en photographe de mode qui faisait sensation en ce moment, elle avait la main légère sur la bouteille –encore plus depuis qu’elle avait tué quelqu’un- et sur les drogues ce qui avaient fait d’elle une meurtrière. Soudain elle prit conscience de quelque chose de grave. Toutes les soirées alcoolisées qu’elle avait enchaînées ces dernières semaines n’avaient pas été sans conséquence, étant enceinte, l’enfant n’y avait sûrement pas échappé.
« Et puis j’ai ingurgité pas mal d’alcool ces derniers jours, encore une preuve que c’est pas l’idée du siècle »
Si on enlève aussi l’histoire du père n’est-ce pas ? Bref, on est pas encore sortis de l’auberge, en fait, on en est encore bien loin.
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