Je venais de vomir pour la dixième fois en ligne. Entre la conversation avec ma sœur et celle que j'avais avec Viktor sur Facebook, parce que oui, quand je ne suis pas dans la même pièce que lui, on communique ainsi, je devais me rendre à l'évidence. Perte d'appétit, nausées matinale, sommeil omniprésent, perte d'énergie, absence de règles. Il devait forcément y avoir un truc et je savais fort bien ce que c'était, mais je refusais d'y croire. Je ne voulais pas être enceinte. Viktor ne voulait pas d'enfant et moi je ne voulais pas lui ajouter cette charge sur les épaules. Un enfant non désiré par son père ce n'est pas une chose facile à vivre et puis comment est-ce qu'il allait réagir si nous apprenions que j'étais enceinte. Pourtant nous nous sommes protéger à chaque fois, les chances que cet incident arrive son très très mince... et il fallait que ça tombe sur moi, la femme d'un homme qui ne m'aime pas et qui n'arrive pas imaginer une vie heureuse avec moi, prisonnier du passé.
Je voulais en avoir le cœur net. Je préférais largement faire un test de grossesse que de rencontrer un médecin à la demande de mon mari. Beaucoup plus simple et moins coûteux en prime. Je me suis donc relever et me suis diriger vers le lavabo afin de me nettoyer le visage. Chose faite, je retins mon envie d'être malade une fois de plus et m’empressai de sortir en prenant une veste avec moi. Il faisait nuit, mais le grand air me ferait sans doute du bien. Le chauffeur se tenait prêt, je lui fit signe de rester là où il se trouvait et pris la direction de la pharmacie à pied. Celle de notre quartier était ouverte 24/7.
J'avais l'impression que tout autour de moi s'écroulait. Les chances que mon mari tombe amoureux de moi s'envoleraient sans doute s'il apprenait que j'étais enceinte, mais en même temps, je devais savoir. Une fois devant le rayons, je remplis mon panier avec un boîtier de chaque marque de test et alla payer avant de retourner à la maison. Je ne prévins pas Viktor de mon arrivé et monta tout simplement à l'étage pour m'enfermer à clé dans la salle de bain histoire de faire les tests un à un.
J’avais la très nette impression que quelqu’un ou quelque chose était en train de m’envoyer des signes, depuis quelques temps, pour me bousculer dans mes habitudes. Bras croisés, je m’étais assis sur l’un des fauteuils de mon bureau, dans le noir, afin d’observer la lune qui brillait dans le ciel tout en réfléchissant. Les événements de ces derniers mois ne pouvaient pas être dus au hasard, ce n’était pas quelque chose en quoi je croyais. Ca commençait par une grosse dispute avec mon frère qui m’avait incitée à me déplacer à San Francisco pour reprendre contact avec Sergej, puis par une amie qui me demandait de prendre soin de sa fille, laquelle faisait maintenant tout son possible pour que je l’apprécie, ensuite l’entrée en scène d’Alexander qui n’hésitait pas à jouer le rôle de conscience en me disant ouvertement ce qu’il pensait être bien pour moi et finalement… ça.
Je fermais les yeux et trempais mes lèvres dans mon verre de cognac. Depuis un peu plus d’une semaine, à présent, j’avais remarqué qu’Eleonora était souvent sujette à des maux d’estomacs, à des nausées et à un régime alimentaire complètement désordonné. Bien qu’elle-même n’ait pas voulu se poser des questions à ce sujet, je m’étais questionné à plusieurs reprises de mon côté… et la réaction que la jeune femme avait eu tout à l’heure, lorsqu’elle avait émit la possibilité qu’elle soit enceinte, venait de confirmer qu’on avait les mêmes soupçons à son sujet. Honnêtement, je ne savais pas comment le prendre et ne comprenais même pas comment ça aurait pu arriver. C’était fâcheux, voila tout… et vraiment précipité.
Un soupir m’échappa alors que je me passais une main sur le visage pour évacuer la pression. J’avais bien remarqué la façon donc ma compagne avait réagi dès le moment où elle a prit conscience qu’elle portait peut-être un enfant, sa peur. Non pas celle d’être mère, mais plutôt vis-à-vis de ma réaction par rapport à ça. Quelle était ma réaction, tiens ? J’avais le sentiment d’être totalement vide et ça me dégoûtait profondément. Vide, vide, vide. Mes sourires étaient transparents et mon regard ne voyait que des faits. Pas une seule fois ne m’étais-je posé de questions du genre « qu’est-ce qui se passerait, si… » depuis la mort de ma femme, à part bien sûr « si elle n’avait pas prit la voiture ce jour-là ». Ah, si… je m’étais demandé où en serait Sergej aujourd’hui, s’il avait reçu plus d’amour dans son enfance. Mais toutes ces pensées étaient au passé, était du parasitage dans mon esprit, je ne me projetais pas dans l’avenir car j’avais déjà tout ce dont un homme pouvait rêver. Richesse, santé, culture… ne restait que la case « amour » à remplir, mais c’était plus difficile à dire qu’à faire car mon cœur ne voulait pas lâcher prise. Cependant, avec tous ces signes, dernièrement, je commençais à croire que mon ancienne épouse mettait tout en place pour que je puisse être heureux à nouveau, de là où elle était. C’était bien son genre, tiens...
Le bruit de la porte de la salle de bain se fit entendre dans mon dos, me poussant à me retourner en fronçant les sourcils. Une nouvelle crise de vomissements ? Je suis resté immobilisé dans cette position pendant environ une minute, comme s’il m’était possible de voir à travers le mur, puis ai finis par me lever pour sortir de la pièce à pas pressés, direction la porte d’à côté. Fermée. Si elle était en train de pleurer à l’intérieur, je crois que j’allais me détester pour le restant de mes jours.
La première chose que j'ai fais en arrivant, fût de jeter le sac contenant tout les tests au sol. Je restais là adosser contre la porte a fixer les boîtes, hésitante. Est-ce que je le faisais ou pas? Je pourrais très bien mettre de l'eau dessus et les montrer à Viktor comme ça avec le résultat négatif clairement apparent sur chacun des tests, mais au vu des symptômes, celui-ci m'obligerait quand même à voir un médecin pour s'assurer que je n'aie rien de grave. Un soupir m'échappa. À quoi bon se mentir après tout. Peut-être que c'était le stresse qui provoquait tout cela chez moi. Depuis mon arrivé ici, tout défilait à la vitesse grand V si bien que je n'avais pas le temps de rien prévoir. Entre les ouvertures de magasins, les réunions, les défilés... C'est à peine si j'avais le temps de voir mon mari dans la journée. M'enfin, c'était une bonne chose, moins je le voyais, moins je m'attachais. Je ne voulais pas vivre une telle relation, je ne voulais pas être dépendante d'un homme prisonnier de son passé et complètement froid avec moi sauf quand il est question d'aller au lit. Je devais trouver un moyen de décrocher, de redevenir celle que j'étais avant que j'arrive ici, la femme indépendante, sans sentiments, froide comme l'hiver.
N'ayant d'autre choix, je fis les tests un à un et laissa le temps aux produits de faire leur analyse, pendant que je me lavais les mains et que j'aspergeais mon visage d'eau afin de me rafraîchir un peu. J'espérais vraiment que tout ces tests soient négatifs, que j'aie attraper un simple virus. Je ne voulais pas faire face à la colère de Viktor si jamais je devais être enceinte. Il me l'avait clairement fait comprendre qu'il ne voulait pas d'enfant avec moi, qu'il n'arrivait pas à se projeter dans le futur et encore moins s'imaginer faire des projets avec moi, sauf une balade a cheval dans la semaine. Ce qui se passerait le mois prochain, il n'arrivait même pas à le prévoir alors à quoi bon se leurrer?
Mon mari attendait de l'autre côté de la porte, je l'avais entendu me demander si ça allait, mais j'étais tout simplement incapable de lui fournir une réponse à sa question. Est-ce que je devais lui mentir? Dans un premier temps, il faudrait que je commence par regarder les résultats, mais je n'en avais pas du tout envie, mais mon subconscient, lui, voulait connaître la réponse. Je me suis donc approcher des tests, cœur battant et je tendis la main afin d'en prendre un entre mes doigts. Positif. Mon cœur s'arrêta de battre automatiquement et l'envie de vomir me prit automatiquement … peut-être que j'aurais plus de chance avec les autres et qu'ils seraient tous négatif, un défaut de fabrication sans doute... Je les pris donc un à un et chacun d'eux affichait le même résultat, positif.
S'en était trop pour moi … j'étais tout simplement incapable d'encaisser le coup et me mit à pleurer bruyamment avant de poser une main devant ma bouche afin de me faire taire pour ne pas que Viktor entende... D'ailleurs je n'ai pas pu résister à l'envie de vomir et vida le contenu de mon estomac une fois de plus. Je devais me ressaisir et vite avant que mon mari ne se doute de quoi que ce soit. Je me suis donc lever pour aller me laver les mains et brosser mes dents avant de lui balancer un. « Tout va bien. » de la façon la plus vrai possible en jetant tout les test à la poubelle au passage. « Tu peux retourner travailler, ça va Viktor. » Dis-je sèchement. J'attendis quelques instants qu'il retourne dans son bureau – du moins j'espérais qu'il le fasse – Et sortis finalement de la salle de bain en vitesse pour être certaine qu'il ne voit pas mon visage tout défait si toutefois il était rester planter devant la porte.
Je restais derrière la porte en attendant qu’il se passe quelque chose, mais aucune réponse ne me parvint dans l’immédiat, ce qui ne me rassurait pas vraiment. Il me fallut attendre plusieurs longues secondes avant qu’Eleonora ne prenne la parole. Inutile de vous préciser qu’entre-deux, j’avais écouté plus qu’attentivement ce qui se passait à l’intérieur de la salle de bain et que mes yeux s’étaient fermés difficilement en entendant certains sons. Je n’avais pas besoin d’autre chose pour avoir de réponse à la question que je venais de poser… et à présent, il s’agissait de réagir de la bonne façon.
Lorsque la voix de la jeune femme retentit, je n’ajoutais rien mais n’obéis pas à ses indications pour autant. Il était hors de question que je m’en aille maintenant ! Alors, je me suis simplement décalé contre le mur en attendant l’ouverture de la porte, ce qui ne tarda pas. Presque aussitôt, mes bras s’allongèrent en direction de Nora et je la ramenais, dos contre mon torse, afin de l’étreindre sans lui laisser le temps de réagir. « J’ai compris… » Lentement, je nous laissais glisser au sol et appuyais ma tête contre la sienne, caressant ses épaules du bout des doigts par la même occasion. Ce qui était en train de se passer en ce moment était un moment-clé dans notre relation et j’en avais pleinement conscience, alors je ne gâcherais pas tout ça bêtement. Ce corps que je tenais était à la limite de céder à une crise de tremblements, mais ce n’était pas tout. Je connaissais les peurs d’Eleonora me concernant, je connaissais d’autant mieux les barrières que je lui imposais par la même occasion celles que je m’imposais à moi-même. En fermant les yeux, je me suis remémoré la fois où mon épouse m’avait annoncé qu’elle était enceinte, il y a vingt ans de ça. L’événement, car oui c’en était un, avait été particulièrement joyeux et j’avais été plus heureux que jamais lorsque notre fille était née. Je sais que cet enfant avait bien vécu même si elle nous avait quittés trop vite, toujours souriante et enjouée, épanouie et en confiance. Un tel résultat n’aurait cependant pas été possible dans d’autres circonstances… comme par exemple, si elle n’avait eu « qu’un parent » pour s’occuper d’elle. « Je ne suis pas fâché contre toi »
J’ouvris lentement les yeux et décollais ma tête de la sienne, puis vins prendre ses deux mains avec douceur. Ce n’était pas une mauvaise nouvelle. Ce que nous venions d’apprendre ne devait pas être une mauvaise nouvelle, même si j’étais incapable de donner mon avis concernant cette situation, tant elle me rendait confus. Dans l’immédiat, il me fallait rassurer la jeune femme mais me rassurer aussi moi-même. C’était le destin, il n’y avait pas d’autre mots pour parler de cet événement qui n’avait pas lieu d’être et que je n’aurais jamais considéré comme envisageable en temps normal. Quelque chose se mit à s’agiter dans ma poitrine au fur et à mesure que la prise de conscience se faisait. « Regarde-moi… ». Je me redressais un peu et baissais les yeux sur elle, la gorge nouée. « Je n’ai qu’une seule question à te poser. » Un silence. « Donnes-moi les deux premiers prénoms qui te passent par la tête ». Malgré moi, mes yeux étaient devenus vitreux, mais aucune larme ne s’en échappa. Je finis par sourire en soupirant, puis fermais les paupières avant de poser mes lèvres sur le front d’Eleonora.
Comme je m'y attendais, Viktor attendait juste à coté de la porte et avait tout entendu en prime. La honte que je me prenais à cet instant précis. Je venais de lui mentir, en sachant fort bien qu'il n'avait rien manquer de ce qui venait de ce produire dans la salle de bain. Malgré tout, il m'attira contre lui et me serra dans ses bras ce qui eut pour effet de déclencher mes larmes à nouveau. C'était plus fort que moi, je n'étais plus en contrôle de ce qui se passait à l'intérieur de moi, tout m'échappait depuis un moment. Pourquoi est-ce qu'il faisait tout cela? Pourquoi est-ce qu'il agissait ainsi avec moi? N'avais-je pas suffisamment mal comme ça? Être enceinte d'une homme qui ne m'aime même pas et qui se force à être gentil avec moi juste pour me rassurer durant un des moments les plus difficile de ma vie? Une tonne de questions plus déchirantes les unes que les autres me percutèrent l'esprit alors que nous glissions le long du mur pour finalement atterrir sur le sol ou j'éclatai littéralement en sanglot.
J'avais besoin de pleurer, de me laisser aller. J'avais accumuler pas mal de chose ces derniers temps et la pression sortait enfin. Je m'en voulais de tomber graduellement amoureuse de cet homme, de m'accrocher a l'espoir qu'un jour tout les deux on formerait une vrai famille heureuse et aimante et pour moi, cet enfant venait gâcher toute mes chances de rendre ce rêve réalisable. Je savais ou se trouvait le cœur de Viktor et ce n'était sûrement pas pour ce petit être qui grandissait en moi qu'il battait chaque jours. Lorsqu'il prit parole, je déglutis. Il disait ne pas m'en vouloir, mais je ne croyais pas un traître de mot de ce qu'il me disait, malgré toute la tendresse qu'il y mettait. Je connaît mon mari, sûrement plus que vous ne le croyez et je sais qu'il réagis comme ça parce qu'il le faut et non parce qu'il le veut et c'est ce qui me brise le cœur dans cette histoire. Pas pour moi, enfin si un peu, mais surtout pour l'enfant à naître qui n'allait recevoir d'amour de la part que d'un seul de ses parents, si toutefois je décidais de le garder.
Ses mains virent prendre les miennes avec tendresse et pour être honnête, je n'avais pas la force de le repousser, chose que j'aurais sûrement fais en temps normal si je n'avais pas été dépasser par les événements. Je culpabilisais et les paroles de Viktor me revenait sans cesse en tête, me faisant trembler un peu plus à chaque fois, malgré sa tentative de me calmer. J'étais incontrôlable, je ne voulais pas de cet enfant, pas dans ces circonstances... Un soupir m'échappa alors que je levais le bras pour sécher les larmes qui coulaient en rafale sur mes joues. Dieu que je suis faible!
Après un court moment à essayer de calmer la tempête qui faisait rage en moi, je levai les yeux sur lui à sa demande et retint mes larmes une fois de plus en ravalant sans cesse ma salive afin d'éviter tout débordement. Ce qu'il dit ensuite, me troubla au plus au point... tout comme son regard qui c'était embrumé au passage...« Je n'en sais rien, je n'ai rien qui me vient en tête pour le moment, je suis tout simplement incapable de penser à ce genre de chose.» Dis-je nerveusement en me redressant à mon tour afin de venir m'installer confortablement au creux de ses bras, visage niché au creux de son cou. Son odeur m’apaisait énormément, c'est tout ce dont j'avais besoin pour le moment.
Pour moi, ça n'avait rien d'une bonne nouvelle et il m'en faudrait beaucoup pour que mon opinion change sur la chose, mais Viktor semblait vouloir que je prenne ce événement positivement. Je ne suis pas comme lui, je n'arrive pas à faire semblant d'être heureuse quand je ne le suis pas... même si j'ai toujours rêver d'être maman et de poter un petit enfant dans mon ventre. « J'avorterai … je le ferai pour que tout rentre dans l'ordre... ne me laisse pas je t'en supplie. » Mes mains agrippèrent fermement sa chemise pour être certaine qu'il ne tente pas de nous séparer et je ne voulais pas non plus qu'il me force à le regarder, parce que pour l'heure, j'avais terriblement peur de lui. « Je le ferai … promis. » Ajoutais-je d'une voix tremblante. « Parce que je t'aime » Ces mots étaient sortis d'eux même, mais le timbre de ma voix était tellement faible que j'ignore s'il l'a entendu ou non... Sa façon d'agir avec moi face à cette situation, même si elle était forcée, venait de m'achever … Parce qu'il venait de me faire réaliser une chose; je suis éperdument amoureuse de lui.