Mon téléphone sonna, sans doute la troisième fois de la journée. Comme les autres fois, le nom qui s'afficha à l'écran me parut bien trop familier. Je restai à fixer l'écran quelques secondes le temps de laisser passer une ou deux sonneries puis appuyais sur le téléphone rouge. Comme les autres fois, un sentiment de culpabilité m'envahit en même temps que le soulagement. Culpabilité, car je n'aimais pas éviter ainsi mon meilleur ami. Mais soulagement puisqu'en l'évitant j'évitais aussi de parler d'un sujet devenu sensible. Je m'adossais de nouveau au canapé en me mettant automatiquement à ronger mes ongles, un tic que j'avais quand j'étais stressée. Je soupirais, mais ne pus m'empêcher de garder les yeux fixés sur mon téléphone. Il vibra quelques minutes plus tard, et je me retins de ne pas me jeter dessus. Oksana qui sortait à ce moment-là, me jeta un regard dédaigneux avant de franchir la porte. « Je rentrerai pas ce soir. Bye. » Je n'eu même pas le temps de répondre - et de toute façon, qu'est-ce que j'aurais répondu ? Ok barre toi ? - qu'elle avait déjà claqué la porte derrière elle. Je haussais les épaules, puis reportais mon attention sur mon portable. Je déverrouillai l'écran pour voir ce qu'Alek' m'avait envoyé, mais je poussais un soupir en constatant que ce n'était pas lui. Je me dépêchai de répondre à Léonie avant de -enfin- me sortir du canapé pour aller prendre une douche. Je passais au moins une demi-heure dessous, essayant de me relaxer. L'eau chaude ayant fait son effet, j'étais presque détendue en sortant de la salle de bain. Comme la plupart des soirs, j'étais habillée en mode « gros tas », du genre avec un jean et un sweat. En plus vu mon état, ce n'était pas ce soir que j'allais sortir faire la fête. Je me contentais d'allumer la télé, et de m'allonger sur le canapé en regardant l'écran d'un oeil vide et en démêlant mes cheveux humides d’un geste automatique. Je n’étais pas déprimée, non. Juste anxieuse. Je ne savais même pas si je regrettais ce qui s’était passé avec Alek, c’était bien ça le problème. Alors j’essayais d’y réfléchir mais y penser me faisait stresser, donc au final je n’avançais en rien. Cela devait faire une heure que j’étais plantée là, quand la sonnette de la porte d’entrée retentit. Je songeais d’abord à rester là, ne rien faire et attendre que le visiteur s’en aille. Après tout, il pouvait revenir demain. Après tout, il aurait pu venir à une heure moins tardive. Là je reconnus la vraie Ana’ ! Mais énervée de moi-même, car je détestais ne rien faire généralement, je me levai d’un bond pour me diriger vers la porte malgré moi. J’arrangeais rapidement mes cheveux, ne sachant pas sur qui j’allais tomber. Après tout, c’était peut-être un livreur de pizzas craquant qui s’était trompé d’adresse ! J’ouvrais la porte, un grand sourire aux lèvres, et restais figée devant le visiteur. Je restais quelques secondes sans rien dire, puis, essayant de me détendre, j’invitais Alek à rentrer d’un signe de la tête. Refermant la porte sur lui, je me raclai la gorge tandis qu’il rentrait dans l’appartement. « Salut. Tu vas bien ? » lui demandai-je d’une voix que je voulais ferme. Si il fallait qu’on parle, eh bien qu’on parle ! Cela devait arriver à un moment ou un autre de toute façon. Un rire nerveux m’échappa quand je me rendis compte de l’absurdité de ma question. Je me retournais alors, croisais les bras, et attendis face à lui.
Depuis l'incident qui s'était produit l'autre soir avec Anastasya, ma meilleure amie, cette dernière ne répondait plus à mes appels, ni même à mes textos. Je lui avais laissé plusieurs messages vocaux pour savoir ce qu'il se passait, j'aurais aimé comprendre. Mais rien à faire, je restais dans le néant total. J'avais comme l'impression que cette dernière ne voulait plus me parler depuis que nous avions couché ensembles. Nous étions un peu chaud ce soir là, et pour je ne sais quelles raisons, nous avions commencé à se tenter mutuellement, sauf que comme on dit à force de jouer avec le feu, on risque de s'y brûler, et pas manqué, nous avions fini dans le même lit. Et quelque part, je pense qu'elle était gênée de ce qu'il avait pu se passer. En ce qui me concernais, je ne regrettais pas, et pour moi, rien ne changeait à notre relation. Elle restait ma meilleure amie. Bien que je l'avoue, ça pouvait paraître bizarre de savoir que nous avions couché ensembles. Généralement, on ne couche pas avec sa ou son meilleur ami, mais bon il y a des choses qu'on ne peut pas forcément contrôler. Et ce soir là, j'avais vraiment eu envie d'elle, et inversement. Tout cela me travaillais. Le fait que cette dernière filtre mes appels et messages ne me plaisais pas vraiment. J'aurais aimé lui demander si elle était libre pour se voir, mais comment le faire, sachant qu'elle ne me répondrait pas. J'avais alors passé la journée à réfléchir, tout en composant un morceau sur ma guitare. Le soleil n'était pas au rendez-vous, alors, quoi de mieux pour réfléchir, que de gratter sur guitare. Rien selon moi. En début de soirée, Ewan m'apprenais qu'il ne rentrerait pas de sitôt à la maison, car il avait rencontré une jolie minette sur le chemin et qu'il passait la soirée avec elle. Sacré Petrakos. Je riais à la lecture de son message, et regardais l'heure qu'affichait mon portable. 19h50. En ayant assez de tout ça, je décidais de me rendre chez ma meilleure amie. Une petite visite surprise s'imposait. Avant tout, je m'habillais convenablement, et passais au restau chinois, afin d'acheter deux repas. Je me rendais ensuite chez Ana. Planté devant sa porte, je pointais le bout de mon index sur la sonnette et appuyais. J'attendais quelques secondes, et la porte s'ouvrait. A première vue, elle semblait surprise, peut être s'attendait elle à quelqu'un d'autre ? ou alors, était-elle tout simplement surprise de ma venue. Peut importe, j'entrais à l'intérieur, faisant comme chez moi. Je ne répondis pas immédiatement à ce qu'elle me dit, et agitais doucement le sac en plastique dans lequel se trouvait notre repas. « Regardes ce que je t'ai amené » lui dis-je en lui tendant le sac, afin qu'elle découvre ce qui l'attendait à l'intérieur. Quelques secondes s'écoulèrent. Disons qu'entre nous, s'était assez tendu. « Bon, tu m'expliques pourquoi tu m'évites comme ça ? Si c'est pour l'autre fois, il n'y a pas de gênes à avoir ! » commençais-je par dire avant de reprendre. « Et puis, entre nous, c'était plutôt pas mal » lâchais-je en souriant légèrement, afin de détendre l'atmosphère. « C'est bon déstresse hein, pas de malaise entre nous » ajoutais-je en lui donnant un léger coup d'épaule amicale, afin de la secouais un peu afin qu'elle sourit. « Et puis c'est ta faute, tu n'as qu'à pas être aussi belle et aussi attirante, ça ne serait jamais arrivé tout ça » ajoutais-je en riant légèrement. Mon but était tout simplement de lui montrer que de mon côté, rien ne changeait, que l'on reprenait là où l'on s'était arrêté. Et puis merde quoi, ça arrive de craquer parfois. Il fallait avouer que j'avais passé un bon moment avec elle ce soir là. Et que si s'était à refaire, je le referais, je n'étais pas le genre de mec à regretter ses actes.
Il me tendit doucement un sachet duquel je n'eu aucun mal à deviner son contenu. J'ouvris la bouche pour parler, mais rien ne voulais sortir. J'hésitais entre un simple Merci d'y avoir pensé, c'est gentil mais cela faisait trop classique pour quelqu'un d'aussi proche qu'Alek ; passer directement à Désolée d'avoir répondu à aucun de tes appels .. et bien d'autres choses, mais je ne sus quoi choisir entre toutes ces options et me gorge se serra. Je restais donc sans rien dire, seulement à le regarder et lui laissai le soin de briser une fois de plus le silence qui s'était installé. « Bon, tu m'expliques pourquoi tu m'évites comme ça ? Si c'est pour l'autre fois, il n'y a pas de gênes à avoir ! Et puis, entre nous, c'était plutôt pas mal » ajouta-t-il avec un petit sourire en coin. Ca y est, il avait réussi à me faire sourire. Pourquoi est-ce que je n'arrivais jamais à lui en vouloir longtemps ? Oh là je ne lui en voulais en rien, mais disons qu'il arrivait à me détendre dans chaque situation. Sentant sans doute qu'il était sur la bonne voie, il ajouta « Et puis c'est ta faute, tu n'as qu'à pas être aussi belle et aussi attirante, ça ne serait jamais arrivé tout ça » dit-il en riant. Ne pouvant lui résister plus longtemps, je m'approchais pour lui balancer un coup d'épaule joueur tout en riant aussi. « Oh, je peux te dire la même chose hein Monsieur-le-mannequin ! » lui répondis-je enfin, taquine. Dans le même esprit, je rajoutai « Et puis, tu n'as pas tort sur tous les points, c'était pas si mal. » dis-je en me mordillant la lèvre. Puis j'hésitais, parce que je savais que je lui devais des excuses, mais les excuses c'était pas mon truc. Même pour mon meilleur ami. Mais je m'y obligeais. Baissais la tête. « Désolée de ... de ne pas t'avoir parlé ces derniers temps, j'avais besoin de réfléchir à ce qui s'est passé. » dis-je avec un sourire d'excuse. Un sourire d'excuse ? Mon dieu, il fallait qu'il en profite, il n'en verrait pas tous les jours ! Au moins il pouvait savoir que c'était sincère ...
Je lui fis signe de me suivre et me dirigeai vers la cuisine pour déballer ce qu'il avait apporté. Je n'avais pas encore mangé, alors autant en profiter ! Je posai sur la table avant de tout sortir. Il vint s'installer de l'autre côté de la table, me regardant tranquillement. Tout à coup, son regard me fila la chair de poule. Pas dans le sens où il me faisait peur, mais dans le sens électrique. J'essayais de me reprendre et de me donner une contenance en allant jeter le sachet à la poubelle. Ca devenait vraiment bizarre avec Alek ... Mais pas forcément dans le mauvais sens.
Depuis que je connaissais ma meilleure amie, je devais avouer que c'était bien la première fois où on était en froid. Cela ne nous était jamais arrivé auparavant, et pourtant, on se paye tout deux un mauvais caractère, mais jamais nous ne nous étions retrouvés dans une situation pareille. Et autant vous dire que cela me faisait littéralement chier que cette dernière refuse de répondre à mes appels et sms. Je savais d'où venait le problème, je n'étais pas stupide. D'ailleurs, il fallait être con pour ne pas savoir d'où venait ce malaise. Seulement ce soir, je décidais de prendre le taureau par les cornes, et de me rendre chez elle, à l'improviste, espérant toutefois qu'elle se trouve chez elle. Enfin, étant dimanche soir, je me doutais que cette dernière serait là, bien que je ne sois pas sûr à cent pour cent. Toujours est-il qu'avant de me rendre chez elle, et connaissant ses goûts culinaires, je passais chez le restaurant chinois afin de prendre quelques petites bonnes choses à manger chez elle. Si je m'incrustais ? Oui, mais elle savait comment j'étais. Un jour m'avait-elle dit, "fais comme chez toi" et depuis, je ne me gênais pas pour le faire. C'était comme mon deuxième chez moi, j'avais pris l'habitude de squatter chez elle et sa soeur. D'ailleurs, j'adorais quand elles étaient toutes les deux là, je passais un malin plaisir à les taquiner, connnaissant leur relation. Et à chaque fois que le bon dieu fasse, je me faisais taper par les deux, et moi comme un con, ça m'amusait. Néanmoins, ce soir, j'espérais qu'Oksana ne soit pas là afin de me retrouver seul avec ma meilleure amie histoire de mettre les choses au clair. Ma visite la surprit vraiment, sa s'était vu à l'expression de son visage. Cependant, je ne me gênais pas pour entrer chez elle, constatant que sa soeur n'était pas là, je m'étais retourné vers elle. Elle semblait distante, gênée, le malaise était bien présent. Je secouais la tête, et décidais de briser la glace, employant un ton plutôt taquin. Je n'avais aucunement envie de me prendre la tête avec elle. J'étais ce que j'étais, mais je me prendre la tête avec Ana, il en était hors de question. Le coup d'épaule que cette dernière me donnait, le sourire sur ses lèvres, les rires qui s'échappaient de sa bouche était plutôt bon signe. Elle semblait plus détendue qu'à mon arrivée. Elle en venait même à se lâcher à son tour, ce qui n'était pas plus mal, pas de malaise entre nous quoi. « Ah tu admets que ça t'as plu » rétorquais-je d'un air amusé. Par la suite, alors que je m'apprêtais à ouvrir la bouche pour lui proposer d'aller déguster nos petits plats chinois, la petite blondinette à mes côtés, prit la parole pour s'excuser d'avoir filtré mes appels. « Je rêve ou Mlle Tsekhov est entrain de s'excuser ? » demandais-je amusé, car c'est vrai, depuis que je connaissais Ana, j'avais appris à la connaître, et je savais désormais qu'elle avait une fierté, aussi grande que la mienne, et le fait qu'elle s'excuse me surprenait vraiment, mais dans le fond, s'était assez flâteur. « Ca va je rigole, c'est du passé va, mais ne t'avises plus à filtrer mes appels, sinon ma sentence sera terrible » la menaçais-je en prenant un ton plus sérieux qu'habituellement, avant de légèrement rire. Suite à cela, elle m'entraînait avec elle dans la cuisine, afin de commencer à manger. Tout en suivant cette dernière, je me permettais de la reluquer de haut en bas, mon regard s'arrêtant un court instant sur son joli petit fessier. Un petit sourire malicieux se glissait sur mes lèvres. Je secouais la tête pour chasser ces idées de ma tête. Ce n'était pas raisonnable.. mais comment dire.. Je ne l'étais pas non plus, et ce qui s'était passé récemment ne m'avait pas déplu, m'enfin, là n'était pas le sujet. Je me contentais, arrivé dans la cuisine, de prendre place face à elle. Nous sortions tous deux les nemes, rouleaux de printemps, beignets de crevettes et compagnie du petit sac, et nous les disposions sur la table, à notre portée de main. Mon regard vint se poser ensuite sur elle, et pour je ne sais qu'elle raison, une nouvelle fois ces pensées me re-traversaient l'esprit, je lui adressais un petit sourire malicieux. « Arrêtes de me regarder comme ça si tu ne veux pas qu'il se reproduise ce qu'il s'est passé la dernière fois » lâchais-je tout naturellement, gardant ce même sourire sur les lèvres. « Bon par quoi veux-tu commencer ? » lui demandais-je histoire de chasser ces pensées qui avaient visiblement l'intention de rester ancrées dans ma tête. J'étais loin de m'imaginer que cette attirance se ferait d'autant plus présente aujourd'hui, seulement, j'essayais de contenir mes envies.
Oui, j'admettais. Et puis il pouvait me croire, je n'étais pas du genre à mentir ! Enfin, si. Justement. Mais pas à lui en tout cas. Bref, passons. « Je rêve ou Mlle Tsekhov est entrain de s'excuser ? » me taquina-t-il avec un sourire amusé. Cela dit, il avait quand même l'air vraiment surpris. Normal en même temps, je n'étais pas ce genre de personne qui s'excusait pour un rien. En fait, j'étais le genre de personne qui s'excusait jamais, ou alors pour des choses qui leur semblait vraiment importantes. Comme ce soir, maintenant. C'était mon meilleur ami, je ne voulais pas perdre notre amitié. Et quoi qu'il se passe, je ferai toujours en sorte de la préserver. Alors, oui, je m'excusais. Il me menaça en rigolant tout en me suivant dans la cuisine. Je lui dis qu'il n'avait pas à se faire de soucis en rentrant dans le ton de la conversation. Alors qu'il s'asseyait en face de moi, je m'empressai de sortir le dîner qu'il avait apporté du sachet. Quand je vis les rouleaux de printemps - un de mes plats favoris - , les nems, les raviolis à la vapeur, les beignets à différents goûts et d'autres plats, je me dis qu'il avait vraiment bien choisi. Enfin. Ce n'était pas vraiment un hasard, puisqu'Alekseï me connaissait à peu près par coeur. Il connaissait mes goûts culinaires aussi bien que mes goûts de couleur d'aspirateur ! Bon peut-être pas d'aspirateur, mais c'était pour l'exemple. Je sentis qu'il me regardait alors que je sortais tous les éléments du repas, aussi je relevai la tête vers lui et lui adressai un regard malicieux « Arrêtes de me regarder comme ça si tu ne veux pas qu'il se reproduise ce qu'il s'est passé la dernière fois » me lança-t-il d'un ton moqueur. Enfin, moqueur, mais il soutenait toujours mon regard de cette façon si particulière. Je haussai un sourcil moqueur. Envers lui mais envers moi même aussi. J'avais eu un passage de flou, après cette nuit-là, ignorant où est-ce que ça allait nous mener. J'avais eu peur de le perdre, lui et son amitié. Mais maintenant que j'étais rassurée ... « Bon par quoi veux-tu commencer ? » demanda-t-il alors, me coupant dans toutes mes pensées. « Personne n'a dit que je ne le voulais pas ... » marmonnai-je, mais de façon à ce qu'il m'entende. « Rouleaux de printemps ? » enchaînai-je en prenant un des rouleaux et en lui tendant par-dessus la table. Sans me quitter des yeux, il tendit la main pour attraper le rouleau que je lui tendais, et sa main effleura la mienne, me rendant aussitôt électrique. Bizarre, comme un simple contact peut provoquer autant de sensations. Un frisson, une surprise, attirance et désir ensuite. Par un simple frôlement de main. Je retirai la mienne après quelques secondes, le coeur battant. Faisant l'innocente, je m'assit et m'empressai de dérouler le plastique qui entourait les rouleaux.
« Désolée de ... de ne pas t'avoir parlé ces derniers temps, j'avais besoin de réfléchir à ce qui s'est passé. » Autant vous dire que ces dernières paroles m'avait relativement surpris. Je connaissais Ana, depuis un très bon moment pour dire que je ne l'avais jamais vu s'excuser. En fait, elle me ressemblait plus qu'on ne pouvait le penser. Elle avait ce même petit caractère que moi. Et ne parlons même pas de sa fierté, qui ne dépassait peut être pas la mienne, mais presque. Je savais comment elle fonctionnait, même si elle savait qu'elle était en tord, jamais, ô grand jamais elle n'irait s'excuser. Je le savais, parce que j'étais la même version au masculin. Pourtant des fois, il m'arrivait d'aller loin, mais j'avais bien trop de fierté pour faire un pas vers la personne, même si ce n'était pas pour m'excuser, juste pour lui parler, il en était hors de question, c'était pour moi, comme me rabaisser, et ça, il en était hors de question. Mais, ce qu'Ana venait de me dire m'avait vraiment fait plaisir, parce que pour être sincère, bien qu'elle n'en saurait rien, sa petite bouille m'avait manqué, et le fait qu'elle refuse catégoriquement de me parler ne m'avait pas laissé indifférent, c'est pourquoi, ce soir, j'avais décidé de venir la voir. Disons qu'en n'y repensant, nous avions tout deux mit notre fierté de côté, moi, pour la décision que j'avais prise de venir la voir, et elle pour ses excuses. Nous étions quittes. Cependant, je ne m'étais pas gêné pour la taquiner à ce sujet, autant chasser ce fichu malaise, pour laisser place à la bonne entente. Après cette brève explication qui se terminait plutôt bien, nous décidions enfin de nous installer à table, l'un face à l'autre, afin de commencer à manger. Ana se chargeait de sortir chaque petits plats qui se trouvaient à l'intérieur, hors du sachet pour les poser sur la table, à notre disposition. Des rouleaux de printemps, des nems, des beignets de toutes sortes tel que crevettes, poulets, crabes, et j'en passe, des raviolis, des pâtes chinoises, du riz cantonnais. Bref, j'avais pris un peu de tout, de façon à ce que nous ayons l'embarras du choix. Une fois chose faite, elle prenait place face à moi, et pendant quelques secondes, nos regards étaient plongés l'un dans l'autre. Et par je ne sais quelle raison, je revoyais dans ses yeux, ce soir là, cette nuit là, où nous avions couché ensembles. Cette vision, me fit discrètement sourire. J'ignorais pourquoi d'un coup je me remettais à penser à ça. De plus, je ne pus m'empêcher de lui faire une petite remarque à propos de son regard et de cette nuit, sur le ton de la plaisanterie, bien que dans le fond, recommencer ne me dérangerais absolument pas. Néanmoins, j'essayais de chasser ces idées saugrenues de mes pensées, enfin, elle restait ma meilleure amie. Mais... Je devais avouer qu'elle m'attirait. C'était comme ça. Son regard, son sourire, son corps si parfaitement conçu, je m'en pinçais la lèvre inférieur. Histoire de penser à autre chose, je changeais de tout autre sujet, la questionnant sur le repas. Par quoi voulait-elle commencer. Cependant, elle lâchait dans un murmure « Personne n'a dit que je ne le voulais pas ... ». Je relevais instinctivement la tête, lui adressant un petit sourire malicieux. J'avais très bien compris de quoi elle parlait. Visiblement, nous étions une nouvelle fois sur la même longueur d'onde, ce qui dans le fond, ne m'étonnais même plus. Par contre, il était clair d'une chose, Ana restait une personne vraiment très surprenante. « Rouleau de printemps » m'avait-elle répondu à ma seconde question. Tout en maintenant son regard, comme si mes yeux ne voulaient plus quitter les siens, je prenais le rouleau de printemps qu'elle me tendait, effleurant sa peau. Un sourire se dessinait sur mes lèvres, tandis qu'elle semblait gênée, ou je ne sais pas trop finalement. « Bon appétit » lâchais-je finalement, tout en attrapant une petite sauce afin de plonger mon rouleau de printemps dans cette dernière, histoire d'y ajouter un petit peu de goût à ce dernier. « Sinon, tu es toute seule ce soir ? Ta soeur n'est pas là ? » la questionnais-je par la suite, tout en savourant mon rouleau de printemps. Les plats chinois étaient pour moi un réel délice, j'adorais ça. Et Ana semblait elle aussi se régaler.
Sans plus attendre, je déroulai mon rouleau et le trempai dans la sauce qui accompagnait les plats, croquant dedans à pleines dents. Un vrai délice ! J'adorais la cuisine vietnamienne ou chinoise, mais j'avais un peu plus de mal avec les poissons crus de la cuisine japonaise. Si j'aimais aussi la cuisine épicée, ou la gastronomie française, mes plats préférés restaient tout de même les russes, ceux de mon pays d'origine. Même si j'aimais bien les goûts ici, impossible de retrouver ceux de mon enfance, qui me manquaient terriblement. Je retrouvais quelques recettes parfois, et puis on avait toujours un cahier de recette de ma mère, mais parfois l'écriture était indéchiffrable ou la recette trop compliquée pour une apprentie comme moi. En plus, j'étais la seule à regretter cette cuisine apparemment, ma soeur et mon père préféraient cuisiner simple, américain. Je n'avais donc pas beaucoup d'occasion de varier mes repas.
Je retournai son Bon appétit à Alek, et enchaînai sur différents sortes de raviolis à la vapeurs. Un délice également. Je ne savais pas où il se servait - il fallait que je lui demande - mais il fallait qu'il revienne plus souvent .. « Sinon, tu es toute seule ce soir ? Ta soeur n'est pas là ? » demanda-t-il ensuite, tout en continuant la dégustation. Je finis d'avaler ma bouchée, secouant déjà la tête de droite à gauche pour répondre à sa question, puis finis par lui répondre de manière plus ... civilisée. « Non non, mon père n'est pas là cette semaine et Oksana est partie juste avant que t'arrive ... » Je me demandais d'ailleurs si elle allait me pose des questions sur la conduite étrange qu'elle m'avait vue tenir juste avant son départ. A mon avis non, elle s'en foutait de moi et continuerait jusqu'à ma mort. Pour moi c'était pareil, mais bon dans le fond je devais quand même tenir un peu à elle, c'était ma petite soeur .. Quoique. En cherchant vraiment vraiment profond alors, parce que sinon j'avais du mal à la trouver cette amitié !
Relevant les yeux vers Alek', je lui adressais un sourire complice.