La pire soirée de toute sa vie, sans aucun doute, Ambre venait de la vivre. Rien ne serait plus pareil après cette nuit. Elle avait peur, elle tremblait encore et n'arrivait pas à se calmer. Rentrer chez elle n'avait jamais été dans ses options, elle n'avait nulle part où aller. Sauf chez lui. Parce qu'elle savait que c'était lui qui le prendrait le moins mal et elle était sur qu'il n'irait pas voir les flics, c'était vraiment pas son genre. Cela faisait longtemps qu'ils ne s'étaient pas vu, surement à cause de Luca. Il n'avait pas apprécié le coup de la photo ou Sergej et elle avaient l'air plus que proches. Elle s'en foutait maintenant, il s'était barré, elle était libre. Le taxi la déposa devant ce qui servait de logement au russe, elle s'y était habituée. Ambre entra sans frapper, toujours ouvert. Elle se regarda, pied nus, du sang sur les jambes, du mascara sur les joues, des bleus partout. Elle ne ressemblait plus à rien et c'était le cadet de ses soucis. Il ne semblait pas dans les parages. Elle ne savait pas s'il accepterait de l'aider ou même de l'accueillir, il était si imprévisible.. Il n'était peut-être même pas là.
- Sergej ?
Voix tremblante, enrouée et faible, elle ne pouvait pas faire mieux.
La soirée a été longue, enfin plutôt la journée. L’échéance se réduit et la masse de boulot est encore énorme. On ne dirait pas comme ça mais c’est plutôt d’organiser une révolution. Ca demande du temps et de l’investissement personnel, ce à quoi Sergej consacrait toutes ses nuits et ses journées, tout son temps libre quoi. Enfin c’est un moyen pour lui d’éviter de penser. Le comportement d’Ewan a changé à son égard ces derniers jours et dire que Sergej n’y comprend rien serait un se foutre de la gueule du monde. Il est à des années lumières et peu désireux de se prendre la tête, il préfère éloigner le sujet de son esprit. Il ne veut pas ressembler à tous ces niais qui se torturent l’esprit pour une paire de couilles, mais bon, son inconscient ne semble pas être de cet avis puisque lui continue à s’interroger. Sinon, Sergej est un mec très simple. Un cri désespéré le fait émerger de son début de sommeil. Sur ses gardes, il se redresse et jette un coup d’œil aux alentours, recherchant l’origine de la voix avant de tomber sur une silhouette féminine. S’extirpant de son canapé en boxer, il se dirige vers la jeune femme qui s’avère être Ambre qui est dans un état des plus pitoyables. Cela ne le choque pourtant pas, il en a vu d’autre mais il se dirige tout de même vers elle. A vrai dire, il ne sait que faire face aux larmes de l’italienne, on ne peut pas dire qu’il soit très doué lorsqu’il s’agit de réconforter, lorsqu’il s’agit de sentiments tout court en fait. Il l’observe un moment.
« Assied-toi »
Est la seule chose qu’il est capable de dire. Il l’aide à s’installer sur le canapé.
Ne le voyant pas sortir elle pensa que c'était une erreur, elle n'aurait pas du venir le voir lui. Ils ne s'étaient pas parlés depuis si longtemps, il n'en avait surement plus rien à foutre d'elle Enfin, s'il en avait eut à foutre un jour, par rapport à n'importe qui. Elle doutait qu'il soit douté de sentiments humains et normaux par moment, sans doute l'une des raisons qui l'avaient poussée à venir chez notre cher russe et pas chez quelqu'un d'autre. Pas de morale, pas de panique, pas de sentiments donc. Espérons qu'il en ai assez, juste pour avoir pitié d'elle pendant quelques heures grand maximum. Sergej se leva, il était sur le canapé et elle ne l'avait même pas vu. Ça n'allait vraiment pas, au point qu'elle avait presque oublié qu'elle pleurait toujours. Il était à moitié, ou plus trois-quarts, à poil. Rien de bien étonnant le concernant. Il à l'air de ne pas savoir quoi faire, évidemment.. Ambre n'aurait vraiment pas du venir ici, elle allait faire marche arrière lorsqu'il lui recommanda de s'asseoir, l'aidant même. Elle obéit, incapable de refuser, ses jambes ne supportaient plus son poids depuis un moment déjà. Elle mit sa tête dans ses mains, tentant de se calmer ou au moins d'arrêter de pleurer. De grandes inspirations l'aidèrent à ralentir son rythme cardiaque, beaucoup trop élevé depuis qu'elle s'était rendue compte de tout. Elle releva la tête, essuyant ses joues et soufflant un bon coup pour s'expliquer. Comment expliquer ça ?
- J'-J'ai.. J'ai tué quelqu'un Sergej..
Elle ressentit un besoin de s'excuser, même si elle ne comprit pas pourquoi.
- J'suis désolée, jveux pas te déranger.. si tu veux j'me barre c'est pas grave..
Sergej ne réagit pas à sa confession. Non pas qu’il soit choqué ou quelque chose du même acabit, simplement il trouve qu’il n’y a rien à dire là, où une personne normalement constituée aurait assailli Ambre sous des centaine des questions enfin de savoir le pourquoi du comment, lui s’en fiche, d’une certaine manière, ce n’est pas très important à l’heure actuelle et puis vu son état, elle n’a pas vraiment besoin de ça en ce moment alors il se contente d’acquiescer. C’est donc ainsi réagisse les personnes normales…cela lui rappelle soudain ce mec qu’il avait envoyé à l’hôpital dans un état lamentable et il se demande s’il est d’ailleurs toujours vivant. Fausse inquiétude qui ne s’installe que quelques secondes avant de disparaitre aussi rapidement qu’elle est arrivée. Il ne juge pas Ambre, précisons-le, les jugements il les laisse volontiers pour tous ces coincés du bulbe se noyant sous des kilomètres de préjugés.
« Dis pas n’importe quoi, tu vas pas aller loin dans ton état »
Il lâche avec sa nonchalance habituelle. Il disparait un instant dans la salle de bain, remplir la baignoire avant de revenir vers la brune. Heureusement pour cette dernière, la colocataire du russe n’est pas là ce soir, car sans doute qu’elle réagirait bien différemment de lui.
« Allez viens, il faut nettoyer tout ça »
La sachant incapable de se déplacer par ses propres moyens, il la soulève sans plus de cérémonie et avec une facilité déconcertante avant de se diriger vers la salle d’eau.
Rien que le fait de lui avoir avoué ce qu'elle avait fait lui fit tourner la tête. Les images revenaient, de plus en plus fortes, de plus en plus précises. Au fur et à mesure qu'elle reprenait ses esprits et que la drogue cessait ses effets, tout devenait plus clair. Ambre savait ce qui s'était passé mais pas en détails. Les images étaient d'abord apparues dans le désordre, entourée d'un brouillard blanc qui l'empêchait de tout voir. Elle se souvenait maintenant de tous, même des pires détails comme les effusions de sang et les bruits d'os brisés qu'elle avait causé. Comme prévu Sergej ne la jugea pas une seule seconde, il se contenta d'acquiescer. « Dis pas n’importe quoi, tu vas pas aller loin dans ton état » Elle aurait accepté de partir s'il le luit avait demandé, elle le foutait dans la merde en venant ici et ce n'était pas ce qu'elle voulait. Le russe alla dans la salle de bain, elle ne se posa pas de questions, elle n'était vraiment pas en état d'essayer de comprendre quoi que ce soit. « Allez viens, il faut nettoyer tout ça » Ambre aurait aimé se lever toute seule, ses jambes n'obéirent pourtant pas aux ordres envoyés par son cerveau. Plus aucune force dans ce pauvre corps fragile. « Allez viens, il faut nettoyer tout ça » Il la souleva sans plus attendre et sans aucune difficulté, elle était très maigre et lui musclé, pour l'emmener dans la salle de bain. Pas vraiment dur.
- T'es pas obligé tu sais..
L'italienne abandonna, elle savait que quand il voulait faire un truc on ne l'en empêchait pas. S'il avait décidé de l'aider, elle ne pouvait le contredire. Ambre, la fille la moins pudique du monde, enleva ce qu'elle put avec sa maigre force : son t-shirt. Elle n'était décidément plus qu'une loque, elle eut envie de pleurer mais se retint, préférant regarder dans le vide.
Alors qu’il s’apprêta à sortir, il remarqua que la jeune femme était incapable de se débarrasser de ses vêtements par ses propres, alors, lâchant un léger soupir plus de résignation que d’agacement, il décida de lui porter son aide. Il n’était pas embarrassé, loin de là, un corps était un corps, à la seule différence avec le sien qu’elle avait des seins et un vagin. Ce n’était pas la première fois qu’il voyait une femme, sûrement pas la dernière, il n’y avait franchement pas de quoi rougir. A savoir que cela ne suffirait pas à l’émoustiller puisqu’il manquait quelque chose pour lequel le blond était plutôt friand, un pénis. Donc cela avait autant d’effet sur lui que déshabiller une statue d’albâtre : rien. Cela aurait pu être insultant pour la jeune fille mais bon, il s’en fichait, pour changer en somme. Le pantalon et les sous-vêtements retirés avec la même impassibilité, il la plongea dans l’eau chaude avant d’arrêter le robinet.
« Débrouille-toi pour le reste, évite de te noyer, ça m’arrangerait »
Le russe n’avait jamais prôné la délicatesse et il était certain que ce mot lui était complètement inconnu. Il prit la direction de la porte et s’arrêta un moment à l’entrebâillement, lui jetant un regard en biais.
Sergej avait du l'aider pour qu'elle se déshabille, elle ne supportait pas l'idée d'avoir besoin d'autant d'aide pour une tâche aussi simple néanmoins elle devait accepter le fait qu'elle n'était pas en état de faire quoi que ce soit. Tout ce qu'elle voulait à cet instant c'était disparaître, pas seulement de la ville mais également de la surface de la terre. Ambre s'en foutait que le russe la voit à poil, il n'était largement pas le premier et surement pas le dernier. Quoique, après ce qu'il s'était passé cette nuit, sa confiance en elle déjà largement manquante ne faisait que décroitre au fil des heures. Elle n'avait aucunement envie de finir dans le lit de quelqu'un et ça risquait de durer longtemps. Sergej la plongea dans l'eau chaude. « Débrouille-toi pour le reste, évite de te noyer, ça m’arrangerait » Elle ne pouvait rien lui promettre, elle s'efforça juste de faire un petit signe de tête en guise de « oui ». « Appelle si t’as besoin » cette fois elle ne prit pas la peine d'acquiescer, si elle avait un problème elle se débrouillerait toute seule. Il la laissa seule, c'était la première fois depuis « l'incident » qu'elle se retrouvait avec elle-même. Ambre baissa les yeux sur son corps et surtout sur l'eau du bain qui avait prit une teinte rose. Du sang, toujours. Ça ne l'aidait vraiment pas à se sentir mieux. Elle se laissa tomber le long de la paroi du bain jusqu'à ce que sa tête se retrouve sous l'eau. C'est là qu'elle se sentait bien, elle ne respirait plus, elle n'entendait plus rien, elle était coupée du reste. Ambre retarda le plus possible le moment où elle du remonter à la surface pour reprendre son souffle. Elle se lava aussi vite qu'elle put et sortit difficilement de la baignoire, se retrouvant assise sur le sol. L'italienne se sécha, enfila sa culotte et s'enroula dans la serviette. Elle ne voulait en aucun cas remettre ses vêtements encore imprégnés de sang et de mauvais souvenirs. Ambre se dirigea vers Sergej en se tenant au meubles.
- J'ai fini. Merci, jvais rentrer maintenant, j'ai pas envie de te faire encore plus chier.
Le russe était retourné s’asseoir près de la fenêtre, une clope roulée en bouche. Il détestait les industrielles, tout d’abord elle coûtait nettement plus cher pour pas grand-chose et ensuite elles possédaient plus de merde qu’elles n’auraient dû. Bon certes le tabac qu’il achetait n’était pas non plus épargné mais en tout cas, c’était déjà mieux que les autres. Il se fit la brève réflexion qu’il devrait sûrement arrêter de fumer, qu’à la longue, bien qu’il n’était pas un très grand fumeur, cela pourrait avoir des effets néfastes sur sa santé mais cette pensée n’eut pas le temps germer dans son esprit, pour lui il n’était pas accro et il pouvait bien arrêter quand il le voulait. La puissance de la volonté, hein.
A la déclaration de la jeune femme, il se contenta de jeter sur elle un regard neutre, le détaillant sans aucune gêne. Elle tenait difficilement debout, elle était aussi blanche qu’un cadavre, mine déconfite, corps amaigri, quoique ça, ce n’était pas une information nouvelle. Il prit le temps de recracher sa fumée, sans la lâcher du regard avant de prendre la parole.
« Si tu souhaites tant que ça arriver chez toi demain après-midi, t’as qu’à rester ici »
Il faisait ainsi implicitement référence à son état, il ne fallait pas être devin pour se comprendre qu’elle n’irait pas bien loin et risquait fort bien, vêtue comme elle était de terminer dans une tournante qu’elle n’aurait pas provoquée. Et puis, cela lui permettait également de l’inviter à passer la nuit chez lui, vu l’heure avancée. Il indiqua d’un geste simple les vêtements féminins sur le canapé, le pyjama de Lizzie, elle ne lui en tiendra pas rigueur.
Sergej, proche de la fenêtre une clope à la main, la détailla de haut en bas. Elle se faisait pitié. Elle était tombée dans l'anorexie après que Jared l'ai quitté, à ça s'était ajouté le départ de Luca. Elle qui avait été si forte, avait surmonté tant de choses, n'avait pas tenu le coup. Elle s'était attachée au premier et était amoureuse du deuxième. Ambre s'était retrouvée seule, Jaxton n'était pas encore revenu. Elle s'était plongée à corps perdu – et c'était peu de le dire – dans le travail et avait enchainé les shooting. Maigrir, sa nouvelle obsession. Elle qui avait toujours eu confiance en elle, s'était toujours trouvée magnifique. Elle n'était à présent plus qu'un tas d'os inutile. Cette nuit, elle savait déjà qu'elle n'en sortirais pas indemne. Elle n'irait pas se dénoncer à la police, qu'est-ce qu'elle irait bien foutre en prison ? Elle deviendrait bien vite une victime. Elle n'y avait pas sa place, elle n'avait sa place nulle part. Elle ferait mieux, elle s'en irait loin, très loin. Pas dans un autre pays, pas sur un autre continent, pas sur une autre planète. Elle s'en irait pour de bon comme on le fait tous un jour a ou l'autre, elle espérait juste que ça arriverait vite. Pourquoi quelle raison resterait-elle ici ? « Si tu souhaites tant que ça arriver chez toi demain après-midi, t’as qu’à rester ici » Retour à la réalité grâce à la voix du russe. Elle ne souhaitait pas rentrer chez elle, elle ne voulait pas rester. On peut dire qu'elle n'avait pas le choix, plus aucune force dans les muscles et Sergej qui ne la laisserait surement pas partir. Il lui montra des vêtements posés sur le canapé, « Tu seras mieux avec ça », ils appartenaient surement à sa colocataire. Elle se demanda un instant comment on pouvait vivre avec une personne aussi singulière que Sergej, elle-même l'appréciait, mais il ne semblait aimer personne. Ça ne devait pas être facile tous les jours. Ambre s'approcha lentement du canapé, puisqu'elle ne pouvait pas faire autrement, et s'assit. Elle enfila le pyjama en se concentrant pour faire fonctionner ses membres réticents. Une fois la tache accomplie, et elle n'était pas peu fière, elle se tourna vers son « ami ».
- Merci au fait. Pour tout ça.
Elle se devait de le remercier, dans une situation pareille elle n'aurait pu espérer mieux comme accueille et réaction. Elle regarda dans le vide, tout de même gênée qu'il la voit dans un état pareil. Et puis, elle ne savait plus quoi faire. Son cerveau avait arrêté de tourner ou presque.
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