Flop. Flop. Flop. Une goutte d'eau tombait par minute du lavabo délabré de la salle obscure d'où se trouvait actuellement Julie. Elle était ici depuis bien assez longtemps pour que sa tête soit prête à exploser d'un instant à l'autre à cause du bruit incessant du lavabo. Elle ne savait pourtant pas quelle heure il était. Juste qu'elle sortait tranquillement de chez elle lorsqu'elle se fit soudainement enlever par des types cagoulés. La jeune femme avait tenté de se défendre de l'emprise de l'homme qui l'avait forcée à la suivre, mais elle n'était pas assez forte pour lui, qui en avait profité pour lui donner un méchant coup à la tête. Elle avait intégré une sorte de camionnette où elle était restée inconsciente tout le long du trajet. Elle ne savait donc pas où elle était. Quand elle s'était réveillée elle était déjà là, assise sur une chaise, avec les poignets et les pieds attachés à celle-ci. Elle ne pouvait à peine bouger. Sa tête lui faisait mal et elle se sentait extrêmement fatiguée. C'était de l'épuisement même. Julie levait sa tête avec difficulté pour scruter les environs une énième fois. Il s'avérait qu'elle se situait dans une grande pièce, très sombre avec une seule fenêtre close dont les stores étaient presque entièrement tirés, quasiment vide. Seuls deux tables, un lavabo et un matelas par terre ornaient la pièce. C'était effrayant. L'endroit semblait abandonné vu la poussière et la saleté qui y étaient présentes. La brunette aussi était sale. En effet, ses cheveux étaient dans un sale état et que dire de ses vêtements abimés, qui étaient en plus tâchés de sang au niveau des côtes. Julie était blessée à ce niveau. Elle s'était ouverte en tombant de sa chaise pour essayer de s'ouvrir avec une planche par terre qui paraissait accessible pour couper les cordes. Fausse impression. A la place, elle s'était un petit peu ouverte la peau. Ce fut une tentative parmi d'autres qui échouèrent, malheureusement. Le soleil avait pratiquement entièrement disparu laissant place à quelques reflets annonçant le crépuscule. La journée allait se terminer, mais Julie ignorait encore quand son cauchemar allait se terminer.
Pendant quelques minutes de réflexion pour essayer de comprendre pourquoi Julie était là, cette dernière fut perturbée par l'arrivé de deux de ses ravisseurs. Ils entrèrent en trombe avec un pistolet, un révolver peut-être, Julie n'en savait trop rien. Son père était militaire et trafiquant d'armes à ses heures perdues, cependant jamais elle n'eut l'occasion de partager son savoir sur les armes avec lui. Et ceci ne se déroulerait à présent jamais. Son père était mort depuis un mois, tué par un des amis à Julie, Elyes. Cet homme avait tué de sang-froid le père de la demoiselle juste par vengeance. Un des hommes s'approcha de Julie pour observer son visage. Or, la jeune femme ne le regardait pas. Alors, il lui prit le menton pour redresser sa tête afin de pouvoir l'observer attentivement. Il tentait de déceler la faiblesse, l'abandon, la peur... Tout ce que représentait le visage tuméfié de la jeune femme, qui avait subi quelques coups en réponse à ses tentatives pour se débattre de ses kidnappeurs. Son visage n'était pas très beau à voir avec ses différentes plaies et autres blessures. Qu'importe, Julie se moquait que son apparence ne plaise pas aux kidnappeurs. Ils étaient juste là pour lui faire du mal. Ils prétendaient qu'ils devaient se venger, qu'ils étaient en quelque sorte obligés de lui faire subir ça, qu'elle n'était pas responsable de tout ça mais qu'elle devait remercier son défunt père. Elle ne comprenait pas pourquoi. Ils avaient compris l'impossibilité de se venger sur un mort et répercutèrent leur colère sur la fille du "traitre", le nommaient-ils. Elle en avait marre des critiques sur son père et des insultes, à plusieurs reprises elle tentait de ne pas salir sa mémoire et le défendit comme elle le pouvait, sauf que ses ravisseurs n'appréciaient pas vraiment son avis. Ils lui crièrent dessus et la frappèrent une fois. Aucun moyen de défense ne s'offrait à la jeune femme qui n'était qu'une victime soumise et impuissante. L'homme cagoulé était curieux de savoir si quelqu'un allait la retrouver, bien qu'elle était devenue en quelque sorte une célébrité. Ils étaient au courant de son film, ils avouèrent qu'ils pourraient en profiter pour tirer un peu d'argent grâce à une rançon. Leur plan n'était pas bête, toutefois, Julie craignait vraiment pour sa vie. Elle savait que tout cela allait mal se terminer, quelle mourrait même... Elle en était effrayée mais sa fatigue et ses blessures l'empêchèrent de s'apitoyer sur son sort. Le second homme cagoulé s'approcha du premier avec son arme, un petit peu plus paniqué. Il avait peur de se faire prendre par la police ou autre. Les deux se disputèrent du sort de la malheureuse. L'un voulait la garder et espérait une rançon, l'autre voulait en finir définitivement et l'abattre de l'arme tendue par le second ravisseur. Celui-ci était bien moins expérimenté. Plus faible. Mais pas autant que Julie qui fixait apeurée le pistolet. Bien qu'il parût plus sympathique, il remit son arme au premier ravisseur qui était tenté plus que jamais à rendre ses idées concrètes. Etait-ce la fin... ?
Bon dieu, que m’avait-il pris ? Je n’étais pas aussi imprudent à l’accoutumée. J’aurais dû être plus vigilent, bordel de merde. Je frappai ma tête à plusieurs reprises contre le volant, exaspéré par ma propre stupidité. Je m’étais laissé distraire par mes problèmes personnels qui n’avaient pas lieu d’être alors que je m’improvisais garde du corps. La fatigue n’aidant pas, j’avais beaucoup de mal à rester concentrer ce qui provoqua cette erreur qui pourrait s’avérer fatale si je n’agissais pas prestement. En effet, depuis quelques temps maintenant, je suivais discrètement Julie m’assurant que tout se passait pour le mieux pour elle puisque depuis que j’avais éliminé son père, plusieurs personnes avec qui il faisait des affaires s’étaient mis en tête de se venger de ce dernier sur fille. Me sentant quelque peu responsable de cette situation, je voulais donc éviter qu’elle rejoigne son paternel, six pieds sous terre. Ce n’était pas exactement ça, je ne me sentais en rien coupable de ce qui lui arrivait car M. Evans avait depuis longtemps décidé de berner ses partenaires afin de mieux s’en mettre plein les poches. Comportement exécrable, je le concevais, mais sa progéniture ne devait pas pour autant payer pour ses erreurs, je m’y refusais et puis malgré tout, j’aimais bien cette jolie brune. Et au fond de moi, je me sentais redevable à son égard, après tout elle ne m’avait pas dénoncé à la police en tant qu’assassin de son père et je détestais avoir les dettes, je voulais que celles-ci soient immédiatement rayées de mon ardoise. Je détestais ce sentiment que de devoir quelque chose à quelqu’un, c’était s’emprisonner soi-même, se mettre des barrières et je ne pouvais m’y résoudre. Je l’avais donc suivi durant toute la promotion de son film, du moins autant que possible car je ne devais pas me sortir de la tête que j’avais également des responsabilités plus qu’importantes à San-Francisco, mon bar aux fréquentions toujours plus importantes, au foyer et ses pensionnaires nécessitant beaucoup d’attention ainsi qu’à ma vengeance que je m’obligeais à considérer comme ma principale priorité. C’était ma raison de vivre après tout. Et puis, j’allais être père, annonce qui avait sans doute le plus influée sur mon moral. Je ne m’y attendais pas et ne le voulais pas de toute façon. Ma vie n’était pas réglée dans cette voie. En fait, en menant l’existence qui était mienne, je n’avais pas même pas une seule fois caressée le désir de fonder une famille. Ceux qui voulaient ma chute étaient bien trop nombreux et le danger serait omniprésent. Ce serait bien trop égoïste de devoir faire courir ce risque à des personnes innocentes et de toute manière je ne me sentais pas les épaules de protéger tout le monde et persévérer sur la voie de la revanche, sans nul doute que je devrais laisser tomber ce dernier point. Je ne me sentais pas prêt pour cela, ne le voulais pas dans tous les cas. Pourtant nous y étions. Et évidemment la vie de Genesis était désormais menacée. Je secouai légèrement la tête, afin de chasser toutes ces pensées de mon esprit, ce n’était vraiment pas le moment.
Je me décidai enfin à monter dans le véhicule prévu pour l’occasion, vu la situation dans le hangar dans lequel se trouvait Julie, il valait mieux employer les grands moyens qui rendrait certainement la scène du crime plus difficile à nettoyer mais qu’importe, sa vie était plus important et j’avais une professionnelle à ma disposition. Lorsque je fus parfaitement installé, j’appuyai sur l’accélérateur comme un forcené, priant intérieurement pour que mes calculs fussent exacts. Je défonçai le mur, fauchai les deux kidnappeurs que j’écrasai violemment sur l’autre. Je n’avais trouvé que cette solution, je ne pouvais décemment pas tenter une approche directe qui aurait eu pour résultat la mort de mon défunt associé et la mienne par la même occasion. Ce qui aurait été un véritable gâchis. Je m’extirpai de l’engin et allai immédiatement m’enquérir de l’état des deux ravisseurs, comme je l’avais prévu, ils n’étaient plus capables de répliquer. Une bonne chose de faite. Malheureusement, la voiture ne pouvait plus être conduite et dans ma précipitation j’avais oublié de songer à un moyen de locomotion pour le retour. Vu le coin reculé, il nous faudrait marcher bon nombres kilomètres avant de pouvoir espérer attraper un taxi. Je me rapprochai doucement de Julie toujours ligotée à sa chaise, sachant qu’elle était en état de choc, tout geste brusque aurait pu avoir des réactions imprévues. Ce fut avec la même douceur que je défis ses liens, un à un et quand j’eus fini, je m’éloignai quelque peu d’elle afin de la laisser se remettre, du moins un minimum. Je n’oubliais pas qu’elle m’en voulait, me détestait, me méprisait, me mettait dans le même sac que les hommes dont je venais de la sauver. Ignorant quoi faire, je demeurai immobile à la contempler, combattant le désir de la prendre dans mes bras pour la rassurer.
Impossible de prévoir une seule seconde tout le déroulement de cette journée. Tout commença par l'enlèvement, la petite séance de "torture" et le sauvetage d'Elyes. En effet, alors que Julie pensait qu'elle allait se faire tirer dessus par l'un de ces ravisseurs, complètement affaiblie n'osant même plus tenter de se défendre, attendant patiemment que tout s'achève... Elle essaya malgré tout de faire réagir ceux qui l'ont kidnappée, par la parole. Elle ne préférait ne rien tenter d'autre. « On peut s'arranger... vous voulez quoi ? De l'argent ? Des armes ? Quoi que vous voulez on peut trouver un compromis ... Mais ne me tuez pas, ça vous foutra juste davantage dans la merde. Vous voulez pas être poursuivis pour un meurtre prémédité non ? » Elle tourna son visage vers le plus hésitant des deux pour gagner sa confiance et le convaincre d'arrêter tout. Cependant, il se tourna seulement, évitant de vouloir regarder la malheureuse victime. L'homme qui se tenait juste face à elle avec le pistolet en main la remballa méchamment avec des insultes. D'ailleurs, il lui redonna un coup violent au visage. La pauvre devait avoir plusieurs hématomes maintenant sur le visage. Alors qu'elle pensait que son tour était arrivé, par miracle, il n'en fut pas ainsi. Soudain, Julie entendit un bruit sourd qui provenait d'une voiture. En fait, une voiture avait traversé la maison pour heurter les deux kidnappeurs. Heureusement, Julie fut épargnée de cette collision, c'était d'ailleurs le but. Quelqu'un était venue la sauver, la sauver elle. Pourquoi ? Qui ? Comment était-il au courant ? La jeune femme ne comprenait pas ce qui se passait, elle était sous le choc, visiblement ahurie de la scène qui s'était déroulée. Un type sortit de la voiture pour retrouver les corps inertes des ravisseurs. Julie leva sa tête et constata avec grande surprise qu'il s'agissait d'Elyes. L'assassin de son père. Son ancien ami. Son ennemi. Comment avait-il pu retrouver la trace de Julie ? Pourquoi ne pas l'avoir laissée mourir ? Il aurait été débarrassé de la seule personne qui était au courant pour son implication dans la mort de son père. Ca l'aurait bien avantagé qu'elle soit morte, alors pourquoi venir la secourir ? De plus, il ne la considérait pas comme une amie à lui, raison de plus pour l'abandonner. Toutes ces raisons intriguèrent encore plus la demoiselle encore sous le choc. Elyes s'approcha alors de cette dernière pour défaire les liens qui la retenaient à la chaise. Délicatement, il les défaisait un à un, veillant à ne pas la faire mal. Le contact de sa peau avec la sienne émit un frisson à la jeune femme qui se sentait maintenant un petit peu plus rassurée. Pourtant, elle ne se sentait pas entièrement en sécurité. Et pour cause, elle se trouvait entre les mains d'un assassin. Il s'éloigna ensuite pour la laisser se remettre de ses émotions. Julie passa la main sur son visage et remarqua les plaies et les bleus. Elle avait mal. Puis, elle passa la main dans ses cheveux et rapprocha sa tête à ses genoux et posa ses coudes sur ses jambes. Elle resta ainsi quelques minutes, sans prononcer un seul mot. Au bout d'un moment, elle sentit une douleur à la nuque et se redressa alors. Elle avait besoin d'un bain. Oh oui, d'un bon bain. Elle était sale et épuisée. Agonisante et apeurée. Elle voulait retrouver son chez-elle coûte que coûte. Mais très vite, elle réalisa qu'elle voulait justement éviter ça puisqu'elle aurait été certaine d'être confrontée à ses colocataires, qui la questionneraient sans doute sur ce qui avait bien pu se passant justifiant ses blessures. Où allait-elle se rendre alors ? Pendant qu'elle s'interrogeait, elle remarqua la présence d'Elyes, complètement muet. D'un coup, Julie se rappela de la rage qu'elle avait contre lui et de toute la haine qu'elle ressentait à son égard. « Qu'est-ce que tu fais là ? Pourquoi... ?? » Elle le dévisagea d'un air désintéressé et curieux, épuisée d'avoir encore de nouvelles questions en tête. Julie tenta de se lever de sa chaise, mais faillit tomber alors qu'Elyes vint la tenir à la taille et par les bras histoire de lui assurer l'équilibre. Presque dans ses bras, elle se sentait en confiance, néanmoins très vite, elle voulut s'extirper des bras de son sauveur. Sa fierté surgit très vite, elle ne voulait pas avoir besoin de lui. « Tu n'étais pas obligé de venir, je n'ai pas besoin de toi. » Et de nouveau, elle sentit qu'elle allait tomber par terre...
Je demeurai immobile un long moment à observer Julie se remettre de ses émotions, du moins autant que possible dans sa situation. Je comprenais qu’elle fût choquée, qui ne l’aurait pas été à sa place ? Elle n’avait rien demandé et ne s’attendait sûrement à terminer la journée de cette manière alors qu’elle se levait ce matin. C’était un des nombreux imprévus que comportait l’univers dans lequel je baignais, dans lequel elle serait désormais avec la mort de son père. Je doutais que ce fusse les seuls qui voulurent prendre leur revanche sur le feu monsieur Evans en s’attaquant ainsi lâchement à sa fille. Elle n’avait rien à voir dans toutes ces histoires et ce n’était pas son rôle de payer les dettes de son défunt père. Mon regard s’attarda longuement sur son visage tuméfié et mon sang ne fit qu’un tour. Comment avaient-ils osé ? Ils avaient vraiment de la chance d’être mots, ainsi je n’avais pas à m’occuper personnellement. Je m’exhortai au calme, il était inutile d’effrayer encore plus Julie. Elle me craignait désormais, j’étais un assassin. Sanguinaire. Froid. Sans doute se disait-elle qu’elle n’était pas encore complètement sortit d’auberge, après tout je lui avais clairement fait savoir que j’avais été capable de la tuer à notre précédente rencontre, ce qui était totalement faux. Je ne le pourrais jamais, pour une raison que je ne m’expliquais pas et je doutais d’ailleurs vouloir tirer tout cela au clair. Je ne pouvais pas la tuer, c’était ainsi, point. Elle m’avait sauvé la mise à deux reprises, déjà en m’évitant d’être à nouveau incarcéré et en ne me dénonçant pas aux policiers après l’aveu que je lui avais fait au sujet de la mort de son paternel. Cela avait été un comportement à risques, j’en convenais parfaitement mais j’avais ressenti le besoin de lui en faire part. Certainement que s’il eût s’agit d’autres personnes, je n’aurais eu aucun scrupule à me taire ou bien à le leur dire et ensuite les supprimer, ceci étant dans les cas les plus extrêmes. Avec Julie c’était différent et je n’étais pas sûr d’apprécier cela. C’était prendre bien trop de risques inutiles. Je n’en avais nul besoin de cela dans ma vie. J’avais d’autres soucis auxquels je me devais de faire face.
Perdue dans ses pensées, elle sembla avoir complètement oublié ma présence que je devinais indésirable pour elle. Tout en l’attendant, je me découvris des douleurs situées à différents endroits du corps, le contact avec l’airbag avait eu plus d’impact sur moi que je ne l’aurais pensé. Sans doute aurais-je des bleus si ma peau eut été plus claire, avantage d’être de couleur. Elle parla enfin. Sa voix brisa le silence dans lequel nous étions enveloppés. Une question. Je n’eus pas le temps d’y apporter une réponse, qu’elle s’écroula, heureusement, dans mes bras. Elle était réellement épuisée et avait plus jamais besoin de repos. Je me demandais bien comment nous allions regagner la route au vu de son état physique. Il faudrait à coup sûr que je la porte car la voiture était définitivement inutilisable. Peut-être celle des ravisseurs ? Je gardai cette idée dans un coin de mon cerveau alors que je me concentrai sur la jeune fille.
« Je fais rarement les choses par obligation. Et pour répondre à ta première question, j’estime que tu n’as pas à rendre compte des erreurs de ton père. Tu n’as rien à faire dans toutes ces histoires mais je crains malheureusement pour toi que tu y sois mêlée plus que de… »
Je n’eus pas le temps de terminer ma phrase que je la sentis défaillir, je la pris de nouveau dans mes bras. Elle était vraiment épuisée, quoi de plus normal. Le mieux était sans doute de partir le plus rapidement possible, néanmoins je ne pouvais laisser les choses telles quelles. Je la fis asseoir sur le sol, de toute manière elle ne demandait qu’à se tenir éloignée de moi et lui passai ma veste pour qu’elle lui serve d’oreiller.
« Je suis navré mais tu vas devoir patienter encore un peu avant de pouvoir te reposer ainsi que des explications. Je ne peux décemment pas laisser un tel bordel, de plus il me faut trouver un moyen de locomotion. »
Je pris le ton le plus rassurant que j’avais en réserve accompagné d’un sourire, dans l’espoir que cela ferait effet. Je devrais des corps et les entreposer dans le coffre de ma voiture, en espérant que ceux-ci ne soient trop abîmés autrement je devrais une autre solution. Et puis je devais également les fouiller à la recherche des clés de la camionnette garée à l’arrière de la bâtisse. Les cadavres étaient, comme je le craignais, impossible à transporter, pas exactement mais sans doute devrais-je le faire sous forme de pièces détachés et je me refusais d’imposer un tel spectacle à Julie, la journée avait assez éprouvante comme cela. Quand j’eus les clés de notre véhicule en main, je les mis dans une poche de mon pantalon puis allai rechercher de quoi recouvrir les macchabés en attendant mon retour. J’avais tout intérêt à me dépêcher, même si ce coin n’était pas du tout fréquenté, raison pour laquelle ils l’avaient choisi, nous n’étions jamais assez trop prudents. Quand tout fut réglé, je retournai auprès de Julie. Nous étions prêts à partir.
Découvrir un Elyes soucieux et délicat avait de quoi surprendre Julie. Mais dans un très bon sens. En effet, elle le pensait à présent inhumain, insensible et omplètement désintéressé par tout sentiment. Or, ici, il avait prouvé à la demoiselle qu'il tenait réellement à elle. Rien que sa présence là, pour la sauver, c'était absolument anormal mais tellement signifiant, comme symbolique, comme si désormais elle pouvait compter sur Elyes, qu'il la protégerait le plus longtemps possible. Toutefois, Julie ne pensait pas ainsi sur le coup. Ravie qu'on l'ait sauvée des griffes de ses malfaiteurs, elle n'était pas très enchantée de tomber sur son ennemi. Le sang de son père coulait encore des mains du jeune homme. Jules ne parvenait pas à l'oublier... Pourtant, tout était confus maintenant. Entre ses sentiments tels la haine et la reconnaissance et sa raison jugeant soit qu'il était impardonnable soit qu'il l'était. Et exténuée par e qui lui était arrivée, il lui était impossible de réfléchir correctement. Elle l'interrogea malgré tout sur le pourquoi et le comment il s'était trouvé ici, avec la mort de nouveaux individus sur le dos. Etait-ce en quelque sorte un sacrifice ? Ou plutôt un geste de culpabilité ? Au vu de la réponse du garçon, c'était de ette manière que le prenait Julie. Il voulait sans doute bien faire après l'horrible acte qu'il avait commis. Et aussi pourquoi pas, de remonter dans l'estime de la jeune femme. A moins, qu'il en était vraiment désintéressé ? Quoi qu'il en soit, la réponse du jeune homme ne plut pas à la demoiselle. Soit c'était une excuse soit il se sentait redevable. Pourtant c'était bien difficile de réaliser qu'il l'avait secourue. « Pourquoi tu ne m'offres pas de meilleure réponse ? » Julie dit cette phrase alors qu'ele était en train de tomber, mais heureusement pour elle, Elyes la rattrapa. Il fit en sorte de l'asseoir par terre avec sa veste en guise d'oreiller. Elle ne parviendrait jamais à se reposer ici néanmoins d'après Elyes, ce n'était que pendant quelques minutes. Il devait trouver un moyen de transport pour quitter au plus vite l'endroit, qu'il devait rendre propre. Il en avait du travail et Julie ne l'aida pas. S'allongeant par terre, elle tenta de regagner quelque force, elle savait qu'elle ne retrouverait son lit que bien tard... Au bout d'un certain temps, Elyes s'approcha d'elle pour la prévenir qu'il fallait partir. Comment allaient-ils rentrer ? Avait-il trouvé une solution ? En tout cas, la pièce avait meilleure allure qu'auparavant, c'était donc déjà ça de bien fait. « Et on part comment ? Je veux bien marcher mais je ne tiendrai pas longtemps... » C'était vrai. Toutefois, l'idée de se retrouver seule avec Elyes l'effrayait. Il ne risquait pas de s'en prendre à elle, sinon ça aurait déjà été fait, par contre, les questions, les réponses et les faits, voilà ce qui la perturbait. La brune se leva alors doucement, aidée par Elyes. Elle le regarda droit dans les yeux et fit mine qu'elle ne redoutait rien provenant de lui.« J'attends des réponses Elyes. J'estime que tu m'en dois maintenant, on a même tout le trajet pour ça... »
Je savais que Julie n’en démordrait pas. Elle voulait des réponses et je ne pouvais que la comprendre. Mon comportement à son égard n’était pas des plus compréhensibles. J’avais tout de même tué son père. Même si pour moi cela ne signifiait rien, du moins presque, pour elle cela avait une tout autre importance. J’étais un assassin à ses yeux. Froid et calculateur. Sur ces points elle n’avait pas tort. Cela faisait bien longtemps que j’avais donné mon âme en pâtures aux démons pour atteindre la place que j’occupais désormais. Tous ces sacrifices pour quoi ? La mort de ma famille, entièrement décimé dans un incendie dont j’étais la cause. Je me savais responsable de ce massacre pourtant je m’efforçais sans cesse de me fuir pour cet homme de pouvoir sur lequel j’avais mis tout le blâme. J’étais tout aussi coupable que lui. Une fois que j’aurais eu ma vengeance, que je me serais vengé de lui, qu’adviendra-t-il de moi ? Après tout je m’étais promis d’éliminer tous les responsables et je ne faisais pas exception. Je me forçai à revenir à l’instant présent sur Julie lorsque cette dernière m’interrogea sur la manière dont nous allions quitter cet endroit.
« Ne t’inquiètes donc pas, nous allons emprunter la voiture de tes ravisseurs, je doute qu’ils en aient encore besoin. »
C’était une blague qui avait pour but de détendre l’atmosphère mais cela fit mouche. Mon amie était bien trop éreintée pour cela et puis il fallait reconnaître que ma boutade était de mauvais goût. A force de ne côtoyer la face sombre des choses, nous finissions par nous y égarer. Il m’était désormais difficile de revenir dans ce que l’on qualifiait de ‘normal’ et à vrai dire cela ne m’avait ni frappé, ni préoccupé avant Julie. Je n’aimais pas cette influence sans cesse grandissante qu’elle exerçait sur moi. Je m’étais fait avoir par les sentiments fût un temps et je m’y refusais désormais. C’était un luxe que je ne pouvais me permettre dans mon métier. Un règlement de compte était si vite arrivé et je ne tenais pas spécialement à mettre ces personnes en danger. Je ne pouvais me perdre encore des gens comme ce fut le cas. A cause de mon imprudence, mon impudence et mon orgueil, toute ma famille s’en était allé. Si je ne voulais pas répéter les mêmes erreurs, j’avais tout intérêt à conserver mes distances avec les autres. Du moins, avec ceux dont j’avais fini par m’attacher.
« Oui, tu auras toutes les réponses que tu désires. »
Mon ton était las mais un sourire amusé apparut tout de même sur mes lèvres. Nous tentâmes quelques pas en direction de la voiture mais la brune s’écroula presqu’immédiatement, épuisée. Je la soulevai facilement et la portant comme une jeune mariée, nous poursuivîmes notre chemin. Débloquant le véhicule, je la fis asseoir sur le siège passager, l’aidant même à attacher sa ceinture puis passai derrière le volant. Je démarrai et nous étions partis. Je n’étais pas tranquille de laisser un tel carnage mais heureusement pour moi, ce lieu était très isolé et difficilement retrouvable. Néanmoins, je ne pouvais m’empêcher d’angoisser quelque peu, si peu d’attentions ne me ressemblaient pas. Je détestais cela. Il fallait que je me change les idées, il ne me servait à rien d’y songer maintenant car seule une professionnel du calibre de Kate mêlé l’expertise de Jules pouvaient rendre ces locaux aussi propre qu’un sou neuf. Je jetai un regard en biais sur Julie qui s’était assoupie aussitôt que la voiture s’était mise en route. Après une telle journée, tout ce dont elle avait besoin dans l’immédiat c’était beaucoup de repos. Je conduisis jusqu’à son hôtel où je me garai quelque peu en retrait, afin d’éviter de me faire remarquer, ce n’était jamais une bonne idée. Julie était toujours endormie, je n’avais pas le cœur de la réveiller pourtant je dus m’y résoudre. Je l’aidai à s’extirper de l’habitacle néanmoins elle n’avait pas plus de force que quelques heures auparavant, je la portai donc une nouvelle fois et ce jusqu’à la suite qu’elle occupait. Je l’installais délicatement sur le lit, la bordai puis l’observai. Elle n’avait jamais été aussi belle qu’en ce moment même. Fragile également. Je posai doucement mes lèvres sur son front.
« Bonne nuit Julie. »
Tendre, doux, câlin. Je sortis, j’avais du pain sur planche et le mieux était de m’y remettre dans l’immédiat.