Hey pussy, do u wanna fight ? Sonicc&Spencer

Visage froid, démarche glaciale. Un vrai iceberg made in Islande, comme à mon habitude. Pourtant aujourd'hui, mon humeur était différente qu'à la normale. J'étais énervé, tourmenté. Je me savais entièrement capable de tout garder pour moi -n'était-ce pas mon métier, après tout ?- mais le hasard ne fut pas du même avis que moi.

Connaissez-vous le Richmond District ? Il y a un disquaire sympa là-bas, alors j'y suis allé, toujours aussi tendu qu'auparavant. Pourquoi ? Pour faire un tennis, voyons. Et aussi m'acheter un disque, qui sait, peut-être bien que ça se vend dans ce genre de magasin ? C'est ça, prenez moi pour un con. Il n'empêche que ce n'était pas ma journée. Katsya venait de perdre sa mère -qui était la meilleure pâtissière de la ville, damnation- et je n'avais pu m'empêcher de faire un parallèle entre ce décès et celui de ma mère, des années auparavant. J'avais rayé mon CD de Lana Del Rey, aussi. D'où ma présence à Richmond District. Rude journée qu'était donc la mienne, à ressasser mes années en Islande, hanté par "la belle époque"... et tout cela sans Lana pour m'épauler de sa voix aguicheuse à souhait.

Mais ce n'était pas terminé, non. Alors que je déambulais entre les rayons afin d'attendre la catégorie hard rock, je vis sa sale tronche de rat. Sonicc Thompson, la croûte la plus dangereuse de San Francisco. Il ne me vit pas tout de suite mais je ne pus m'empêcher de me stopper pour le fixer. Je voulais qu'il me voit et à mon grand bonheur, il me vit. Eyes contact intense, ampli d'une haine gratuite et sauvage. Ce salopard me fit même oublier mon disque de Lana Del Rey au profit d'un nouvel objectif: lui mettre sur la gueule le plus vite possible. Je lui souris. Ressentait-il la même envie que moi ? Oui. La tension était palpable, l'atmosphère animale. Il avait autant envie de me foutre une droite dans ma sale tronche de blondasse que moi de le castrer à coup de genoux.

Je souris et fis volte-face. Qui m'aime me suive ? Mon cul. Je sortis du magasin afin de m’éclipser dans une petite ruelle une dizaine de mètres plus loin. L'endroit était parfait, l'ambiance idéale. Dans tous ces grands films Hollywoodiens, il y a toujours une scène de combat dans les ruelles en retrait, celles avec des poubelles qui font plus Bronx que quartier huppé de Beverlly Hills. Et bien j'y étais, et il ne manquait plus que sa tête explosée contre un mur, ou la mienne encastrée dans les taules qui trônaient au dessus des ordures.

you'd better call the tooth fairy kiddo, you'll be needing her tonight

« Mais je sais rien j'te le jure ! » Il y arrive toujours un moment dans la vie d'un pauvre type retenu prisonnier où l'arrogance laisse place aux supplications, où leur jolie petit sourire d'enfoiré se transforme en une grimace terrorisé. En même temps faut les comprendre, moi non plus je ferais pas mon malin avec deux fils électriques branchés sur les couilles. Ouais, j'étais légèrement à cran ces derniers jours, Keenan n'avait toujours pas donné de signe de vie, toutes mes pistes ne menaient à rien et ce petit enfoiré de kosovar était l'une de mes dernières cartes. Oh pour sûr il avait l'air sincère en disant ne pas savoir qui était Keenan mais qu'est ce que j'en ai à foutre maintenant ? Son petit sourire m'avait pris la tête dans ce bar, c'est sa faute s'il se retrouve là ce matin, il l'a cherché ce sale con. J'l'ai fais grillé une fois .. Puis deux parce que j'aimais bien l'aigu que prenait sa voix quand il hurlait à la mort, oh maintenant il est probablement stérile mais après tout ça c'est son problème, pas le miens. Faut pas croire mon mari disparaît et j'deviens pire que Liam Neeson. Tout ça pour dire que ma matinée fût encore très décevante, pas de nouvelle piste, ni vraiment l'argent pour continuer à faire le tour du monde à sa recherche... Qu'est ce que j'peux faire maintenant ? J'ai bien pensé à entrer dans les tournois de MMA, quitte à se faire de l'argent autant que se soit en cassant des gueules, mais vu l'état actuel de mes nerfs se serait comme mettre à mort mon premier concurrent.

Le Kosovar ayant finalement taillé sa route, j'suis parti faire un tour chez Cleo histoire de voir le gamin, gamin qui soit dis en passant à les mêmes yeux que son père. Bien sûr ce petit bout comprenait pas grand chose à ce qu'il se passait, tant qu'il avait son biberon il était content et ça peut importe qui lui donnait. Après une demi heure chez la blonde, je suis reparti dans la rue, les nerfs encore plus en pelote qu'à mon arrivé, je plains vraiment le premier péquenot qui me prendra la tête. Passant devant un disquaire je me décide à entrer après tout c'est bien connu la musique adoucit les mœurs … Après peut être pas le hard rock mais qui sait après tout. N'arrivant pas à me décider entre deux albums d'Iron Maiden j'me sens soudainement observé. Fronçant légèrement les sourcils j'tourne mon regard vers la droite … Ah ah ah. You gotta be kidding me. Qu'est ce qu'elle veut Barbie ? Son sourire me semble equivoque. Bien. Le regard carnassier que j'lui lance par la suite devrait suffire pour un « oh oui ce soir toi et moi on va se mettre sur la gueule. » Il me tourne le dos et j'le suis, les mains dans les poches, les yeux braqué sur mon futur adversaire. Son seul avantage c'est qu'il faisait presque deux fois ma taille cette enfoiré, sérieux on les nourris à quoi dans son pays ? Il lui manque plus que le casque à corne et il ferait un parfait viking.

Dès lors ou je pose les pieds dans la ruelle j'analyse l'environnement, mouais c'est pas trop mal, je suis plutôt rassuré qu'il est pas non plus choisi un terrain vague ici au moins sa grande taille lui servira plus vraiment à grand chose. Retirant ma veste je fous mon portable et mes cigarettes à l’abri des coups du mastodonte devant moi. J’attends quelques instant qu'il fasse de même, après tout j'allais pas avoir de pitié, il l'avait compris et je savais qu'il en aurait pas non plus pour moi. C'est parfait, un bon petit combat jusqu'au KO c'est tout ce qu'il me fallait maintenant, prenant une grande respiration, je craque ma nuque, prépare mes poings, j’attends qu'il se retourne vers moi … Et dès lors où le blond entame un mouvement de rotation .. Well c'est comme si j'étais sur ressort, bondissant tel un lièvre sortant de son terrier, j'essaie de l'atteindre à la tête avec un crochets du droit puissant, laissant de côté mon équilibre pour le moment, de toute façon ce type était tellement grand que j'allais devoir sauter autour de lui la moitié du combat … C'est bon j'me suis fait à l'idée. Reste plus qu'à appliquer.

Oui, il était plus petit et plus vieux que moi, mais pas moins vif. Ce salopard portait bien son prénom en fait. Sonicc l'amoureux délaissé versus Spencer l'orphelin tourmenté. En fait, on avait des cursus de Super Héros de sous-zone, rendu à se mettre sur la gueule plutôt que de prôner avec bienveillance le sang-froid et la tempérance. Mais non. Nous, on voulait de la cogne, point à la ligne. L'homme de fer contre le Viking. Un vrai scénario de bande dessinée, je vous dis.

Alors que mon adversaire plaçait ses affaires à l'abris des coups, je fis de même avec les miennes. Des clés, un portable et vingt dollars. Des objets sans importance mais qui gênent moins une fois au sol qu'au fond des poches. Petit sourire carnassier. Coucou toi, tu veux goûter à mes doigts ? Tout en rime, tout en finesse, le vieux allait connaître ma définition du mot délicatesse. En vérité, mon adversaire ouvrit les hostilités, ce qui ne me déplut pas le moins du monde. A peine m'étais-je retourné dans sa direction afin de le saluer à l'islandaise, je reçus au visage une droite me rappelant parfaitement qui j'avais face à moi. Élancé dans les airs, monseigneur Thompson de mes deux avait aisément transformé son élan en puissance de frappe mais, hélas pour lui, au détriment de son équilibre. A peine ses doigts eurent frôlé mon visage que ma main droite s'empara de sa gorge, le coupant ainsi brutalement dans les airs. Connaissant le potentiel de la bête, je ne m'attardais pas ainsi et l'envoya valser contre les poubelles de mon autre main. Mes lèvres étaient humides, mon t-shirt bleu marine taché. Je saignais du nez à présent. GE-NIAL. « Moi aussi j'suis ravi de te voir, comment va la famille ? » Je passais surement pour un gros con à la langue bien pendue car à dire vrai, j'étais un gros con à la langue bien pendue. Mais monsieur le kangourou ne comptait pas camper dans les ordures et à peine tentais-je de lui administrer une bonne droite que mon adversaire roula sur lui même. Mon poing s'encastra dans le couvercle d'une poubelle et j'eus mal. J'eus mal pour le couvercle de poubelle, en fait.

La jouer façon bulldozer n'était évidement pas une bonne idée, j'm'en suis rendu compte à la seconde où mon poing à touché l'arrête de son nez, si j'avais réussi à le défigurer pas sûr que j'apprécie sa riposte. Mes pieds n'ont évidement pas le temps de toucher le sol que le géant m'arrête en plein vol, coupant au passage ma respiration et écrasant ma trachée comme seul les types de son espèce savent le faire. Pas le temps de lui remettre sur la gueule que j'fais un vol plané dans les poubelles. Nice. C'est déjà moins dur qu'un mur. « Moi aussi j'suis ravi de te voir, comment va la famille ? » … … … Nan décidément je déteste les grandes gueules. Mais c'est ça jeune paon fait ton malin tu te retrouverais vite déplumé ! Au moins sa petite pique me laisse quelques secondes de plus pour reprendre mon souffle et ressentir ma gorge à nouveau. Mais oui .. Il avait touché là où ça faisait mal enfin foutu pour foutu il pouvait bien l'ouvrir tant qu'il avait encore des dents. Roulant sur la droite j'évite de justesse son poing qui vient se ficher dans le couvercle de la poubelle à côté de moi. Hum. C'est pas que de la gonflette c'qu'il a dans les bras le géant blond. J'me remet rapidement sur mes jambes, prenant mes appuies dans le sol contrairement à toute à l'heure, j'essaie de lui mettre un coup dans le dos espérant vainement le foutre à terre, c'est sans compter sur la rapidité de mon adversaire qui évidement n'était pas un de ces mollusques sorti de nul part incapable de se défendre. Il se redresse et j'lui donne un coup de pied dans le ventre histoire de le faire reculer, hors de question que je le laisse me prendre au corps à corps sinon j'suis foutu, restant à une distance respectable j'essaie de reprendre un peu mieux mon souffle tout en gardant une garde assez prêt à me défendre. Hors de question que je laisse ce gamin me foutre par terre.

A peine eus-je le temps d'esquiver les premiers coups de mon adversaire que celui ci m'administra un royal coup de pied dans le ventre afin de me faire reculer. Good game but not enough. Le corps à corps était peine perdue face à ce petit rat se faufilant partout autour de moi; je devais miser sur d'autres cartes et, si l'occasion se présentait, le choper afin de le bloquer tout contre moi. Un petit câlin mister Thompson ? Malgré l’antipathie que cet homme m'évoquait, j'éprouvais un certain respect pour lui. Minime et quasi-indécelable certes, mais un respect tout de même. Cet homme avait vu des choses, avait vécu des évènements sans pareils. Mes contacts m'avaient longuement parlé de lui et aujourd'hui je comprenais. Non, je ne l'aimais pas (à vrai dire, je n'aimais pas 80% des personnes sur cette planète) mais le personnage me plaisait. En bref, il avait des couilles.

Nous nous scrutions, prêts à bondir au moindre signe de faiblesse, à la moindre erreur de notre adversaire. Nous étions vifs mais cela ne suffisait pas. Ma taille était autant un atout qu'un fardeau (un peu comme mes cheveux d'ailleurs, qui plaisaient les trois quarts du temps aux femmes mais qui évoquaient à la gente masculine un mystérieux dédain). Je reculais, le visage neutre et mes sens au garde à vous. Non, je ne comptais pas partir, loin de là. Un nouveau pas en arrière, puis deux, trois, quatre... et je courus en direction de Sonicc sans m'arrêter. Moi, un bulldozer ? Non, pas pour aujourd'hui. Pourtant à courir avec force vers mon adversaire, je ressemblais à une balle de bowling prêt à dégommer sa quille mais je n'étais pas assez inconscient pour tenter une attaque aussi primaire. Non. Alors que j'étais à moins d'un mètre de mon rival, je sautais au dessus de lui, le prenant par surprise. Peut-être pas assez, en vérité. Alors qu'il s'attendait à devoir esquiver un iceberg lancé à pleine vitesse en sa direction, il vit un guépard plonger au dessus de sa tête.

Sonicc était vif de corps et d'esprit. A peine eus-je le temps de me réceptionner derrière lui afin de le frapper dans le dos qu'il empoigna mon mollet et me fit chuter. Bien joué, mais toujours pas assez. Alors que mon corps massif tomba au sol, je regroupai mes deux jambes afin de balayer les siennes. Bim. Deux têtes de con au sol. On fait quoi maintenant, on s'endort ?