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 Recovery ft. William H. Weinmeister
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Mer 20 Juin - 5:17

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You're lucky to be alive son


    J'avais ouvert les yeux dans un sursaut, comme si je m'étais réveillé d'un mauvais rêve. Mon esprit avait repris le dessus sur mon corps affaissé sur ce pauvre lit d'hôpital depuis 23 jours ce qui équivaut à trois semaines et deux jours précisément. Tout ce temps a flotté dans un univers parallèle en ignorant si je reverrai la lumière du jour ou non. Paradoxalement, j'avais repris conscience comme je l'avais perdu - en toute solitude. Mes parents qui squattaient l'appartement de Kahina depuis tout ce temps avait décidé d'aller prendre un peu de repos et de retourner tranquillement vaquer à leurs occupations du mieux qu'ils le pouvaient. Julie s'était absentée toute la journée pour une furtive tournée médiatique en vue du tournage éminent du film dans lequel elle figurait. Spencer avait été enchaîné à ses obligations tout comme Kahina. Et tout le reste avait eux aussi leurs bonnes excuses. Pouvais-je vraiment m'attendre à un comité d'accueil lors de mon retour à la réalité? À vrai dire non, même, je trouvais que beaucoup trop de personnes avaient passé dans ma chambre à me faire des confidences, à me pleurer ou à m'envoyer chier de leur vivre un sale enfer. Enfin, tout ça, en ouvrant les yeux, je l'avais oublié. C'était le néant carrément dans ma tête. Même si j'étais resté actif mentalement pendant ce coma, à mon réveil, tout ce semblant d'activité cérébrale ne paraissait plus. J'avais même oublié pourquoi j'étais là. Pourtant, je ne fus pas pris de panique. Comme à mon habitude, j'avais attendu en silence, sereinement en sachant que la réponse à mes interrogations viendraient d'un moment à l'autre. On dit qu'on reconnait notre vrai nature en situation de crise et d'inconnu. J'imagine que dans cet état d'inconnu le plus absolu, le meilleur de moi est ressorti. D'ailleurs, quand une infirmière était finalement entrée dans ma chambre et avait constaté mon réveil, je ne lui avais marmonné que les mots suivants: « J'ai merdé pas vrai?» Un hochement de tête m'avait confirmé que je m'étais mis les pieds dans les plats.

    Puis, tout s'était enchaîné très vite - trop vite dirait mon cerveau encore engourdi par ce sommeil prolongé. L'infirmière avait avisé mes parents et Julie. S'en était ensuite suivi d'une chaîne infinie d'appels pour annoncer mon réveil comme la résurrection du Christ. Grace et George avaient déboulé moins de vingt minutes après que l'infirmière les avaient averti. Ils m'avaient donné d'innombrables câlins et nous avions versé des larmes ensemble. Je ne pleurai pour ainsi dire quasiment jamais. La dernière fois qu'on avait réussi à m'arracher des larmes, c'était au décès de mes parents biologiques. Je n'aimais pas exprimer mes émotions. Or, à ce moment-là, j'avais ressenti tout le mal que je leur avais causé - bien qu'ils ne m'avaient aucunement sermonné pour mon étourderie - et je culpabilisais. En même temps, j'étais si heureux de les retrouver que je n'avais pu m'en empêcher. Mon orgueil était encore trop assommé pour me semer de retenir mon émotion. J'avais alors succombé en toute tranquillité d'esprit. Peu de temps après mes retrouvailles avec mes parents adoptifs, Julie avait fait irruption dans la chambre. J'étais sincèrement heureux de la retrouver, de pouvoir la serrer dans mes bras et de la sentir près de moi. Mes problèmes de santé devaient être arrivés comme une comète dans un centre-ville bondé: pas très attendu et apprécié, causant beaucoup de dégâts. Au moins, elle était là. C'était l'essentiel. Le bouche à oreille fit de l'effet rapidement puisque plusieurs de mes amis proches comme de loin et de la famille étaient venus me communiquer leurs bons voeux et leur affection pour moi. Soudainement, j'étais devenu le centre d'attention de tout le monde, ce qui ne me plaisait pas, je dois l'avouer.

    Avec tout ce charivari, j'appris par ce fait même ce qui s'était produit. Certains brides de la soirée me revinrent en tête bien que j'en avais oublié la grande partie. Un médecin - un nouveau m'expliquèrent mes parents - vint m'expliquer ce que j'avais vécu ces 23 derniers jours à l'hôpital de San Francisco entre autres mon opération au foie et celle de mon arrivée le 24 mai. Je fus à même de constater les dommages collatéraux de ces trois semaines d'inactivité sur mon corps. En effet, j'étais plus pâle, j'avais perdu de la masse musculaire vu mon inactivité et ma diète très lente faite par le biais de machine et je me sentais plus faible que je ne l'avais jamais été (chose qui disparaîtrait éventuellement, mais n'empêche, sur le moment, c'était effrayant). On m'expliqua qu'il faudrait que j'aie inévitablement dans un centre de réhabilitation pour guérir mes problèmes d'alcool. À ce diagnostic, je ne refusai pas le sort qu'on me réservait. J'avais de toute manière l'intention d'y aller avant la fameuse nuit qui m'avait fait dérapé... On m'assigna un centre de réhabilitation à San Francisco, mais qui serait interdit d'accès à mes proches vu la proximité de sa location. Je n'aurais droit qu'à quelques appels téléphoniques et des visites périodiques, minutées et surveillées sur Facebook. Cela me convenait. Il fallut que j'organise, avec l'aide de Julie, tout pour ne rien perturber cet isolement monastique. Elle m'avait aidé à préparer ma part préparée du loyer, contacter un vieux pote de la fac pour me remplacer pour mes clients et repousser mon stade dans la compagnie «Be Happy.» Elle était venue me raccompagner jusqu'à la porte du centre avec Kahina et mes parents. On s'était embrassé avec la promesse muette d'avoir une vraie discussion quand j'irais mieux et aurais trouvé la cause de mes problèmes.

    Cela faisait maintenant un jour que j'étais au centre. J'avais déjà participé à des discussions de groupe. «Bonjour, je m'appelle Domenico Torrès et j'ai un problème d'alcool.» Nous étions tous d'âge, de milieux et de degré d'addiction différent. Certains en étaient à leur quatrième rechute, d'autres, comme moi, avaient développé leurs problèmes tout récemment. En tous les cas, ça m'avait fait du bien. Ce n'était que le début. J'avais encore beaucoup de temps avant d'être finalement guéri. Aujourd'hui, j'avais rendez-vous avec le même médecin de l'hôpital. Il lui arrivait de passer au centre, suivre des clients. En fait, il remplaçait mon ancien docteur - celui que je n'avais jamais vu - Dr Coppelin qui était en vacances. Vu l'opération récente de mon foie, il devait faire un petit suivi, quelques vérifications. Du même coup, il me servirait accessoirement de psychologue pour m'aider à identifier la cause de ce maux. J'en avais à la pelle ici, mais apparemment, chaque patient devait avoir des psychologues de groupe et un qui lui est propre. On m'avait d'abord assigné un certain Monsieur Hoover, mais sa tête ne me revenait pas vraiment. Le psy semblait lui-même couvé une période difficile dans sa vie. Il n'avait pas toute sa tête et ça se sentait. J'avais alors exigé qu'on me trouve quelqu'un d'autre et finalement, j'étais tombé sur Monsieur Weinmeister - un nom à coucher dehors. J'étais donc assis dans un cabinet, attendant que le docteur fasse son entrée. Je ne pouvais pas dire que j'avais hâte que l'entretien commence vu ma nature plutôt secrète, mais vu que c'était nécessaire, je pris mon mal en patience.
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William H. Weinmeister
William H. Weinmeister
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Mer 20 Juin - 16:19

J’avais passé quelques minutes, immobile, à mon réveil de ce matin. Fixer le plafond fut mon activité principale bien que ma petite amie se trouvait à côté de moi, encore endormie. Cela faisait bientôt un mois que je la gardais sous surveillance et j’avais l’impression qu’elle s’attachait réellement à moi. « Attachement ». Un concept qui m’était franchement difficile à saisir. J’avais un meilleur ami, j’avais une mère, et je tenais à l’un comme à l’autre… mais quand au reste de l’humanité, il n’avait pas plus d’importance que mon planning de travail à mes yeux. J’ai été convaincu de ce fait durant ces dix dernières années, mais depuis qu’on m’avait annoncé que j’avais une petite sœur, cette certitude semblait s’effriter petit à petit. Son nom ; Katniss Blackford. J’avais parfois du mal à la supporter et notre relation était tendue de manière générale, mais je sentais qu’elle prenait un peu plus d’importance à mes yeux de semaine en semaine. Je pense que jamais je ne pourrais être proche d’elle comme deux parents devraient l’être, mais il m’arrivait d’éprouver une certaine forme d’affection à son égard, en plus de l’instinct de protection que j’avais eu depuis notre première conversation entre frère et sœur. C’était nouveau pour moi, mais je ne cherchais pour le moment pas à freiner l’évolution de notre relation.

Après un petit soupir, je me tournais vers Ruslana et posais les yeux sur elle. Qu’est-ce que j’allais en faire, de cette fille ? Je ne pouvais pas continuer à la maintenir en semi-otage indéfiniment, il faudrait prendre une décision un jour ou l’autre : la laisser filer en vie ou l’exécuter. Le bon sens voudrait que je ne la laisse pas s’en sortir, mais ça devenait à présent impossible de la tuer pour de plus en plus de raisons. Premièrement, si quelqu’un lançait un avis de recherche, les autorités allaient automatiquement se tourner vers moi et fouiller mon dossier. Je n’avais rien à me reprocher niveau casier judiciaire… mais c’était toujours risqué. Ensuite, je commençais à faire un minimum confiance à cette jeune femme même si ma garde ne baissait pas tant que ça. Oui… bref. Ca devenait un peu compliqué tout ça. Je finis par me lever et commençais à me préparer pour partir travailler.

Donc, aujourd’hui, qu’est-ce qu’on avait ? Des consultations les unes après les autres, une opération en fin d’après midi, que du bonheur. Et ça commençait par une visite à l’un de mes patients à Richmond District. L’alcool l’avait envoyé bien loin dans un coma éthylique de plusieurs semaines et j’avais été appelé à soigner son foie. À présent qu’il était réveillé, le protocole voulait que je suive l’évolution de son rétablissement. Pas de soucis, il s’agissait simplement de check ups de quelques minutes histoire de contrôler que tout allait bien.

Une fois que je fus arrivé au centre de réhabilitation et me fus annoncé à la réception, on m’annonça que l’un des médecins désirait me parler pour me mettre un peu à jour au sujet de la situation de Mr. Torrès, c’est donc tranquillement que je pris l’ascenseur pour me diriger jusqu’au bureau de mon collègue qui m’accueillit avec un sourire poli. Hm… il avait quelque chose à me demander, ça se voyait dans ses yeux, et je n’avais pas envie de savoir de quoi il s’agissait. Malheureusement, je n’avais pas d’autre choix que de l’écouter en hochant la tête et en guettant le moment où il me dirait « au fait… ». C’est arrivé au bout de trois minutes. « Au fait, votre patient refuse de se faire traiter par l’un de nos psychologues, est-ce que vous pourriez essayer de blablabla… ». J’avais envie d’éclater de rire en entendant ça. À mon avis, ça n’était pas forcément une bonne idée de demander à un tueur en série de jouer les oreilles attentives auprès d’une personne qui avait des problèmes. Non, vraiment, j’avais envie de décliner cette requête immédiatement pour le bien de tout le monde, mais je me contentais de répondre par un « je verrais ce que je peux faire ». Je n’avais rien du type chaleureux à qui on a envie de parler et je gardais toujours une distance professionnelle avec tous mes patients, donc j’anticipais d’avance ce qui allait se passer : le petit resterait sur la défensive, et moi j’aurais simplement à dire que je n’avais rien pu faire pour lui : affaire classée.

Une dizaine de minutes plus tard, je sortis de la pièce avec mon sac de travail pour me diriger vers la chambre du garçon dont nous venions de parler. Après avoir toqué à la porte, j’entrais et saluais Domenico d’un léger sourire.

« Bonjour Mr. Torrès, comment allez-vous ? »

Je m’approchais du jeune homme pour lui serrer la main, puis déposais mes affaires avant de sortir quelques ustensiles afin effectuer les contrôles de base. C’est tout en commençant à le palper au ventre pour vérifier que tout allait bien à ce niveau là que je lançais la conversation.

« J’espère que les premiers jours ici se sont bien passés pour vous… on m’a dit que vous vous étiez plutôt bien intégré à l’établissement mais qu’il y avait quelques problèmes avec les psychologues, c’est ça ? »
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Ven 22 Juin - 19:11

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    Être dans le centre pratiquement coupé de toutes communications extérieures impliquait d'avoir beaucoup de temps à réfléchir seul sur notre situation. Se poser des questions quoi. Peut-être que cela serait mon plus grand défi. Par le passé, vu ma solitude digne d'un ermite, je passais énormément de temps à méditer sur ma vie, mais aussi sur tout ce qui m'entourait. Réfléchir, parfois même trop ne m'avait, jusqu'à tout récemment jamais poser aucun problème. Or, il fallut que le vent tourne et que les choses changent. Soudainement, je ne voulais plus me retrouver seul à seul avec moi-même. Dès que mes pensées vagabondaient dans des endroits indésirables, j'avais l'envie immédiate de me changer les idées. Au début, je tentais de m'occuper l'esprit à faire de la lecture, du sport ou tout autre forme de divertissement qui m'empêcherait de ruminer tout ça. Toutefois, j'avais rapidement réalisé que tout cela ne suffisait plus: ces pensées arrivaient à se faufiler et à perturber toutes mes occupations. Puis, l'alcool était apparue comme une solution. Cela avait d'abord commencé par trois bières ou quatre, enfilées l'une à la suite de l'autre. Les effets furent d'une efficacité que j'eus envie de retenter l'expérience le lendemain. Aussi informé et avenant des effets négatifs que pouvaient causer la consommation excessive de ce poison, j'avais quand même plongé. Les semaines passaient et il me fallait de plus en plus d'alcool pour pouvoir empêcher mes pensées de remonter jusqu'à mon cerveau. Je commençais à développer un problème et personne ne s'en apercevait.

    Ma discrétion habituelle m'avait bien mal servi dans la situation dans laquelle j'étais. Je m'étais résolu d'être fort, un pilier pour les gens autour de moi. Il n'était pas acceptable que je craque moi aussi. Et pourtant... Alors, il fallait mieux que je me voile la face et que mes problèmes ne se sachent pas. Le fait que je sois un type assez malin et doué dans l'art du camouflage m'avait permis de tenir très longtemps, assez pour berner tout le monde jusqu'au jour de mon coma éthylique. Je ne vous le cacherais pas: c'était tout un défi! Non seulement parce que je faisais partie d'une équipe de football universitaire où chacun des joueurs étaient très surveillés, mais aussi parce que j'étais entouré par beaucoup de personnes. Il fallait que je redouble de prudence. D'ailleurs, je me demandais comment j'avais réussi à passer mes examens aussi brillamment vu l'état dans lequel j'étais. Je crois que c'était ce qui a le plus choqué les gens qui étaient proches de moi: ils n'ont rien vu venir. Quoiqu'il se passait dans ma tête, je continuais de jouer mon rôle du bon ami attentif, bien attentionné et protecteur. C'était de ma faute, mais je savais que la plupart d'entre eux se mettaient ce blâme sur les épaules. Eux aussi avaient leurs propres problèmes et parfois, quand on a nos propres soucis, il est bien difficile de voir ce qui cloche chez l'autre. En tous les cas, il n'était plus question de cacher quelque chose à quelqu'un maintenant à commencer par moi-même. Cela n'allait pas être facile, mais c'était un chemin obligé. J'allais peut-être découvrir ce que je cherchais à enterrer depuis tout ce temps-là.

    Quelques coups à ma porte m'extirpèrent de ma pensée. Je restais assis et détournai mon attention vers ladite porte. Sans mon approbation, un homme apparut dans le seuil dans la porte. Le docteur Weinmeister. Il me faisait vaguement penser à un film de Tim Burton - je ne saurais trop dire pourquoi. Il dégageait une certaine froideur qui me faisait dire que ce type ne me semblait pas net. En tout cas, malgré mes impressions à son sujet, il ne restait que mon docteur et je ne devais pas m'arrêter là. Je me sentais déjà plus confortable avec lui qu'avec l'autre pseudo psychologue tourmenté. Il me salua ensuite tout en me gratifiant d'un léger sourire ce qui eut pour l'effet de me réchauffer à son sujet. Après tout, j'étais le patient qui avait un réel problème dans cette pièce. Il n'était question que de moi et si monsieur Weinmeister arrivait avec un minimum de politesse, il fallait que je réponde de la même façon.

    - Pour l'instant, ça va bien, avouai-je avec ma mine sérieuse et concentrée.

    Il me serra la main d'un poignée ferme. Je répondis avec une force comparable bien que j'en avais relativement perdu en passant trois semaines allongé dans un lit d'hôpital. Il installa ensuite son matériel pour vérifier que tout était en ordre. Il commença à me palper l'abdomen dans la région où se situait mon foie. Il engagea la conversation du même coup.

    - Ouais, pour une première journée, je trouve que ça s'est plutôt bien passé, répondis-je. On verra pour la suite, mais je ne suis pas inquiet. Je suis ici de mon plein gré. Et pour ce qui est des psychologues, celui qu'on m'a assigné n'a dès le début pas été à la hauteur. Enfin, je ne m'y connais pas trop, mais le tête n'avait pas toute sa tête. Je crois qu'il a ses propres problèmes et qu'il n'arrive pas à aider à régler ceux des autres. Les autres du centre ne m'ont eux causé aucun problème.

    Je n'étais pas du genre à coller des étiquettes aux gens dès que je les rencontrais. Monsieur Hoover semblait un homme convenant, mais son travail laissait à désirer. Je voulais me rétablir et si je tombais sur quelqu'un qui ne pourrait m'assurer un rétablissement rapide et efficace, je ne voulais pas avoir à travailler avec elle. Soudainement, les doigts du médecin touchèrent une partie sensible de mon abdomen, là où il y avait la cicatrice. Je serrai les dents et mon visage se crispa. La cicatrice était encore toute fraîche.

    - Ici, c'est sensible.
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Dim 1 Juil - 10:20

Je l’écoutais calmement tout en faisant mon contrôle. Autant certains patients m’agaçaient au plus haut point, autant d’autres comme ce jeune homme me rappelaient pourquoi je faisais ce métier. « Ceux qui voulaient aller mieux »… c’étaient eux ma raison de me lever le matin et d’aller dans les hôpitaux ainsi que les cliniques. Heureusement que j’avais affaire a des cas comme ça, car sinon j’aurais déjà démissionné depuis un moment en me contentant de faire de la recherche médicale. J’étais incapable de soigner des personnes pessimistes, défaitistes et qui ne se respectaient pas elles-mêmes, aussi refusais-je immédiatement de traiter ce genre d’individus. Non, pour moi, les professionnels de la santé n’étaient pas là pour « rien ». Ils se donnaient de la peine (enfin, pour la plupart d’entre eux), et cela méritait un minimum de reconnaissance de la part des patients. J’étais tout à fait capable de décliner l’opération de quelqu’un alors que le type se trouvait-être en état critique et mes collègues étaient tout autant au courant… cela ne m’a cependant jamais empêché d’avoir du travail et d’être demandé de partout. Pour se faire respecter, il fallait savoir imposer certaines règles… mais bon, j’étais conscient que si je pouvais me le permettre, c’était surtout grâce à ma notoriété.

À en croire par ce que me racontait mr. Torres, il avait l’air de savoir tout à fait ce qu’il attendait de son séjour ici et ne semblait pas aussi perdu que la majorité des patients du centre. Ce simple fait suffisait à le faire monter dans mon estime et mon attention se focalisa d’autant plus sur ses paroles jusqu’à ce que je sente une crispation chez lui. Effectivement, la cicatrice était toute fraîche. Comme je n’étais pas vraiment psy, c’est cette blessure-ci qui était l’objet de conversation n°1 pour moi.

« Je pense qu’on pourra vous enlever les fils dans une semaine environ, le temps que ça se referme bien… ensuite je vous donnerai une crème pour masser la cicatrice et l’aider à s’estomper un peu. Sinon, en dehors de ça, tout m’a l’air bien, vous avez une très bonne santé générale ! Gardez les dents serrées encore un peu. »


Je souris pour moi-même et retirais méticuleusement le pansement qui recouvrait sa plaie avant de le jeter, de nettoyer la blessure et de le remplacer par une sorte de bande adhésive spéciale qui éviterait que ses mouvements tirent sur la cicatrice.

« Oui, on m’a dit que ce monsieur avait quelques soucis personnels en ce moment… je ne comprends pas pourquoi il ne prend pas des jours de congé pour régler ses problèmes, surtout s’il est psy… »

Je finis par me redresser et reculais un peu mon tabouret avant de poser mon regard sur les yeux du jeune homme en face de moi. Intéressant… j’avais l’impression d’être en face d’une sorte de force de la nature.

« On essaye tous de se convaincre qu’on est a la hauteur pour aider les autres jusqu’au moment où on craque a notre tour, je vous parie que ça ne va pas tarder chez lui. »

Bah, ça ne faisait que confirmer le stéréotype sur les psys dépressifs, ça.

« Et sinon, qu’est-ce que vous avez déjà réussi à débloquer dans votre esprit depuis que vous êtes ici ? Vous m’avez tout l’air d’être une personne qui désire vraiment trouver les clés pour se sortir de sa situation... je ne m’en fais pas pour vous. »


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Lun 16 Juil - 17:50

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    C'est fou comme des évènements aussi tragiques et bouleversants ont des impacts sur notre personne. On ne voit plus du tout la vie comme avant. On redéfinit nos priorités, on se fait des promesses pour ne plus se retrouver dans le même genre de situation, on change d'opinion et de vision sur bien des sujets, etc. Bref, il nous suffit parfois d'avoir un grand choc pour nous faire réaliser ce qui est vraiment important pour nous et pour qu'on se ressaisisse. Dans mon cas, plus que jamais je sus que je devais être cette figure solide comme du roc qui ferait en sorte que personne ne craque. Moi-même j'étais passé par un stade critique et je savais maintenant encore plus que je ne souhaitais pas du tout que les gens que j'aime suivent mes traces. Cela m'avait fait réalisé à quel point je ne devais pas perdre cet objectif de vue. Il y avait du monde qui comptaient sur moi et je ne devais pas les décevoir. Cependant, avec mon accident, j'avais constaté que je ne pouvais pas être partout en même temps. Je ne pouvais pas me cloner en multiples version de moi-même pour être avec un et une simultanément. Il faudrait que je mette davantage l'accent sur ceux qui en avaient réellement besoin tout en ne laissant pas de laissé pour contre. Il fallait que je choisisse mon combat. Il fallait aussi que j'assimile le fait que si la chute se produit tout de même malgré mes efforts, je n'avais pas à porter toute le poids de la responsabilité sur mes épaules. Il y avait tellement de facteurs externes qui rentraient en ligne de compte que je ne pouvais plus maintenant imaginer être celui qui pourrait tout changer. Je le savais maintenant vu que j'avais vu mes proches s'en vouloir alors que je savais qu'ils n'y étaient pour moi. C'est sûr que ce nouveau choix de vie allait être difficile pour mon orgueil. Toutefois, il m'était maintenant impossible d'envisager les choses autrement.

    Toujours en observation, mon médecin remarqua ma douleur et m'expliqua ce qu'il en était. Apparemment, ma plaie mettait du temps à guérir. Rien de très angoissant. Pour le reste, je récupérais comme un champion. Vu mon jeune âge, mon système coagulait vite et me permettait une guérison plus rapide qu'une personne du troisième âge. À son ordre de serrer les dents, j'obéis sagement. Je ne pus voir la sourire qu'il affichait (puisque j'étais bien trop concentré à fixer un point sur le mur), mais je sentis son enthousiasme à soigner cette plaie. Le type avait l'air bien à l'aise dans ce genre d'opération. Lorsqu'il retira le pansement de ma peau, je ne bronchai pas bien que le sentiment atroce de la colle qui s'accroche tant bien que mal à ma peau était fort désagréable. Il nettoya la blessure qui réagit d'abord à l'alcool, mais perdit sa sensation vive avec les autres produits. Pendant qu'il finalisait l'apposition d'un nouveau bandage, Monsieur Weinmeister abonda à mon sens au sujet du psychologue Hoover, ayant lui-même remarqué que l'homme en question semblait perturbé, enfin un peu trop pour pouvoir exercer ces fonctions à l'heure qu'il est. Ensuite, le docteur se redressa sur son tabouret et me fixa avec ses yeux de chat. Il esquissa un très léger sourire. Difficile de lire dans ses pensées! Il semblait être un homme incroyablement énigmatique. Cela devait lui servir. Surtout dans le contexte professionnel, j'imagine. Il brisa de nouveau le silence en émettant une fois de plus un commentaire sur le psychologue que j'avais refusé. Étrangement, je m'en sentis également visé dans ses propos. C'était mon mot d'ordre. Or, je ne voulus pas être comparé à un homme comme le Dr Hoover. J'avais plus de jugeotte, de force et de contrôle sur moi-même et mes émotions que quiconque.

    - Je suis de ceux qui pensent qu'il faut parfois tomber pour se relever plus fort, ajoutai-je avec sérieux.

    Le médecin me demanda ensuite si j'avais déjà découvert certains illuminations quant à mon séjour au centre. Je n'y avais pas encore réfléchi beaucoup vu mon arrivée de fraîche date, mais j'avais cependant quelques fils conducteurs pouvant me mener à la réponse. J'eus un vague sourire lorsqu'il me dit qu'il ne s'en faisait pas pour moi et mes chances de réhabilitation.

    - Ce que je suis certain, c'était que je cherchais à enterrer quelque chose en-dedans de moi. J'essayais d'oublier. L'alcool n'avait pas de pouvoir addictif sur moi. J'en prenais beaucoup parce que c'était le seul moyen que j'avais trouvé pour oublier. Si j'aurais trouvé mieux, j'aurais sûrement abandonné ce moyen.
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