Je me levai fébrilement pour aller éteindre la sonnerie du réveil, espérant ne pas avoir réveillé ma mère. Elle avait l'air tellement fatiguée ces jours-ci que je n'osais plus lui demander quoi que ce soit qui nécessite la moindre force physique. J'avais vraiment peur de sa santé, et plus que tout de la perdre après avoir perdu mon père.

Je me dirigeai dans le noir vers ma penderie pour prendre mes vêtements. J'espérais pouvoir y arriver sans devoir lever mon store grinçant, mais avec un soupir je réalisai que ça serait impossible. Je le levai donc de quelques centimètres, laissant la lumière matinale entrer dans ma chambre. Quand je me baissai pour voir le temps qu'il faisait, je vis qu'il faisait - malheureusement - assez gris, un temps voilé avec quelques nuages. Je priai pour que le soleil fasse son apparition dans l'après-midi, car je détestais tout ce qui n'était pas lié au soleil. Sans doute l'Arizona avait-il fait son effet ...
Je mis quelques minutes à choisir ma tenue, car je voulais prendre quelque chose d'assez élégant car c'était quand même un rendez-vous avec un patron d'entreprise ! et quelque chose d'assez décontracté pour rappeler mon statut d'adolescente. La plupart des gens me voyaient plus âgée que je ne l'étais, c'était vrai que je faisais plus âgée. Mais au final j'en avais un peu marre, et surtout c'était vexant de rappeler mon âge tout le temps, me rabaissant en quelque sorte.

Au final, je mis un jean clair un peu déchiré sur les jambes, un tee-shirt souple qui penchait entre le blanc et l'ocre, et une petite veste noire type tailleurs. Je pris mon sac fauve et mes ballerines compensées pour finir le tout. Je pris un instant pour m'observer dans le miroir, puis satisfaite de mon image de descendis le couloir précautionneusement pour atteindre la porte d'entrée. Depuis que j'étais mannequin, je ne pouvais pas m'empêcher de faire extrêmement attention à ce que je portais, et aux couleurs qui s'assortissaient etc. Ca pouvait peut-être paraître maniaque de l'extérieur, mais pour moi ça devenait indispensable ! Une fois la porte fermée à clé, j'attrapai un bus qui m'emmena vers l'ouest. Pendant le trajet, je jetai des coups d'oeil anxieux à ma montre. J'avais peur d'être en retard, pour une fois que j'avais un rendez-vous avec quelqu'un d'assez important ! Malheureusement les embouteillages eurent raison de ma patience et je sautai du bus pour parcourir le reste du trajet à pieds. Heureusement j'étais juste à côté, le bus m'avait presque amenée à la porte de l'entreprise. Je m'arrêtai une seconde devant la porte, imposante et bien voyante. Be Happy s'étalait au-dessus, invitant les passants à rentrer. Ne m'arrêtant pas plus longtemps car je me savais en retard, je me dépêchai de franchir la porte et me retrouvai dans l'accueil. Je me précipitai au comptoir qui, avec de la chance, était vide. Je dû attendre patiemment que la fille du standard finisse son coup de fil, ce qui me demanda un gros effort. J'avais envie de lui arracher le téléphone des mains, surtout que je voyais en face de moi les aiguilles qui tournaient beaucoup trop rapidement sur l'horloge qui était accrochée au mur. Quand enfin elle eût raccroché, prenant tout son temps, elle daigna tourner son regard vers moi et me lancer un regard interrogateur. « Bonjour. J'ai rendez-vous avec Mr. Elwinski ! » Je failli la baffer quand elle me détailla de la tête aux pieds sans prendre la peine de le cacher. Je lui adressai un sourire plein de sous-entendu et me penchai davantage. « Je suis pressée. S'il vous plaît » C'est qu'elle allait vraiment me taper sur les nerfs ! Au final elle se recula et fit signe à un jeune homme qui vint m'accueillir en souriant. Déjà mieux ! Je lui rendis son sourire et m'engageai à sa suite dans les tunnels de Be Happy.

Dès que je vis la porte de son bureau apparaître devant moi, je pressai encore plus le pas, consciente de mes cinq minutes de retard. Oh certes ce n'était pas grand chose, dit comme ça, mais il devait être assez occupé et je n'avais pas à lui faire perdre son temps .. D'ailleurs je ne savais même pas ce qu'il me voulait ! La gorge soudainement serrée, je frappai deux petits coups contre le panneau de bois et me composai un sourire.