PROLOGUE
Officiellement, je suis convaincu que celui qui a le pouvoir de faire changer les choses devrait toujours agir dans la mesure de ses possibilités. J’ai sauvé des centaines de personnes au cours de ces dernières années, qu’elles en soient conscientes ou non, et il faut bien l’avouer, quel que soit le cas, ce n’est qu’en ayant du sang sur les mains que cela a été possible.
J’ai obtenu mon diplôme de chirurgien il y a de cela deux ans, en complément de longues études de médecine que je n’ai lâchées sous aucun prétexte. Aujourd’hui, San Francisco compte sur mes talents pour opérer de pauvres âmes et en soigner d'autres, et j’offre très volontiers mes services moyennant une certaine somme. Notez que je suis toujours en train de me spécialiser en parallèle pour l’esthétisme également. Si je gagne bien ma vie ? Oh oui, évidemment, sans compter l’argent que j’ai reçu en héritage de mon père, feu éminent médecin mondialement reconnu et qui aide grandement à ma réputation. Il est mort il y a cinq ans, malheureusement pour la communauté scientifique. Entre nous, nous pourrions préciser que je suis son meurtrier. Tout cela doit vous sembler un peu compliqué au premier abord, alors donnez-moi l’occasion de vous expliquer plus en détail comment nous en sommes arrivés là et pourquoi je ne suis actuellement pas en prison ou en asile psychiatrique.
17 OCTOBRE 1979, PARIS. « Suddenly my eyes are open, everything comes into focus » Je n’ai absolument aucun souvenir de mes premières années de vie, mais des photos prouvent que je suis né dans un hôpital de Paris après de longues heures se souffrance de la part de ma mère. Pas d’inquiétudes, je suis bien venu au monde comme tout le monde, faisant le bonheur de mes parents ! Bonheur de courte durée semble-t-il.
Mon enfance se déroula entre France, Angleterre et Amérique, successivement, en fonction des affectations de mon père, tandis que sa femme restait à la maison pour s’occuper de moi. Oh qu’elle était douce et gentille… bienveillante et toujours souriante, comme c’est dommage qu’il lui soit arrivé
une chose pareille. Je devais avoir cinq ans à ce moment-là, c'est le berceau de ma mémoire: du sang. Du sang partout dans la chambre à coucher de mes parents. C'est un jour où ma mère m'avait proposé de dormir dans son lit car j'avais fais un cauchemar, et où un bruit fracassant m'avait réveillé au milieu de mon sommeil. Je me souviens de la voix maternelle qui me disait de rester caché sous les couvertures, puis de la silhouette qui est ensuite rentrée dans la pièce, menaçante.
Ce qui s'est passé? L'abus sexuel le plus violent auquel j'aie jamais assisté a eu lieu, et ce avec l'usage de mots affligeants dont je ne connaissais moi-même pas la signification à l'époque. Étant terrorisé, je n'ai pas bougé du début à la fin, si ce n'est pour guetter ce qui se passait "en haut" et pour identifier le "méchant". Mon père. Mon père qui ne me remarquera pas ce soir-là, mon père que je ne considérerai plus jamais comme tel, donc cessons d'utiliser ce terme pour le désigner et contentons-nous de "Richard". Un pauvre détraqué parmi tant d'autres qui maltraitait son épouse et qui a mit fin a la vie de cette dernière dans un excès de pulsions cette nuit-ci. Ça me dégoûte de savoir que je partage ses gênes, de savoir que j'ai une partie de son vice en moi, mais il faut bien accepter la nature comme elle est. Huh....huhuhu... je suis bien content qu'ils aient flanqué ce type en prison dès le lendemain et qu'on ne lui a pas laissé le temps de se suicider pour échapper a son jugement. Pour ma part, j'ai été enfermé dans un service psychiatrique durant plusieurs mois, par prévention. Autant vous dire qu'ils auraient dû m'y laisser plus longtemps, car je reste convaincu qu'on ne pouvait plus réparer mon esprit cassé, j'étais déjà trop âgé et apte a me souvenir de ce qui s'était passé.
NOUVELLE FAMILLE « Don't leave me with medecines »Après mon merveilleux séjour chez les cinglés qui m’aura plus convaincu que j’étais détraqué qu’autre chose, on trouva une famille ou me placer car aucun de mes proches parents de voulait m’accueillir chez lui. Apprendre qu’on ne voulait pas de moi m’a affecté plus que je ne l’ai laissé voir à mes psy, et c’est finalement l’un d’entre eux qui m’a adopté car on s’entendait plutôt bien. Là, j’aurais dû avoir une vie normale, et je l’ai eue, à peu près. Mon nouveau papa faisait attention à ce que je ne « déborde pas » et tentait de m’éduquer en espérant que mon développement se passerait normalement, mais uh hun, c’était déjà perdu d’avance. Je n’étais pas comme les autres enfants, je n’aimais pas rester avec trop de gens à la fois, je n’aimais pas non plus qu’on me touche ni que mes « parents » se disputent car dans ces moments-là je me mettais à casser des choses dans la maison jusqu’à ce qu’ils arrêtent. Les symptômes se sont peu à peu développés en prenant de l’ampleur avec le temps, mais mon père refusait qu’on me remette en hôpital psychiatrique, alors il a tout fait pour m’adapter au monde afin que je passe inaperçu au milieu des gens normaux. Je le remercie pour ça… cependant… je suis quand même ce que je suis aujourd’hui. Dangereux, en manque de sensibilité affective, et attiré par la chair. Mais avec certains principes.
Mon « problème » a germé avec les années, et plus particulièrement lorsque j’ai eu l’occasion de choisir mes études ; médecine, puis chirurgie. Ouvrir les corps pour y travailler au scalpel a toujours été jouissif pour moi, pour la simple et bonne raison que ça mettait la vie d’êtres vivants entre mes mains et que c’était à moi de décider si oui ou non ils devaient s’en sortir ou pas. Jouer à dieu l’espace de quelques instants, qui n’a jamais rêvé de ça? Je me souviendrai toujours de ma première opération… un grand moment que je grave dans ma mémoire.
Oh, mais ne nous égarons pas. Mon père est mort, je l’ai signalé au début de ce texte, c’est vrai. C’est une histoire un peu compliquée qui s’est passée il y a 7 ans…
In sanguinem veritas « la vérité est dans le sang »Avant tout, gardez en tête que je suis ce que vous appelez « un psychopathe ». Je ne désire surprendre personne. J’ai des pulsions de mort qu’il me faut calmer, et pour cela, je me défoulais sur n’importe qui à l’époque. Depuis, cependant, j’ai canalisé mon jeu pour faire du nettoyage.
A 25 ans, j’avais déjà commencé à torturer des humains dans des lieux où personne n’allait jamais afin d’avoir la paix pour les faire crier en toute liberté. Il m’avait fallut de longs mois de préparation pour mettre au point une technique qui ne laissait aucune trace lorsque je travaillais les corps avant de m’en débarrasser (car oui, pas question de laisser de témoin, ce serait fâcheux), et d’autres mois de pratique pour savoir exactement comment obtenir le plus de plaisir de mes pratiques morbides. Malheureusement pour moi, il est arrivé que mon père a finalement découvert ce que je faisais dans l’ombre, et je me suis retrouvé face à un dilemme. Il était la seule personne en qui j’avais confiance et pour qui je voulais faire des efforts, alors le voir entrer un soir dans la salle où je venais de saigner un homme d’une cinquantaine d’années et me rendre compte de l’image que je projetais de moi, ça m’a fait manquer un battement de cœur. Moi qui ne n’avais pas de sentiments pour qui que ce soit, je me souviens très bien avoir eu peur cette nuit-ci, et par réflexe, j’ai lancé mon couteau droit sur mon aîné.
C’est, je crois, le seul geste que j’ai vraiment regretté de toute ma vie.
Aussitôt la lame se fut-elle plantée, aussitôt je me suis précipité vers mon père dans la panique, en glissant sur le sang qui jonchait le sol à mi-chemin pour finir ma route a quatre pattes. Je me retrouvais complètement tétanisé face à la situation, impuissant, spectateur de mes pulsions mortelles. J'avais blessé une personne à laquelle je tenais, et c'était pour moi impardonnable.
Alors que je me penchais sur le visage de l'homme, les yeux de ce dernier me fixèrent avec une expression à mi chemin entre la tristesse et la peur, le tout surplombé d'un amour paternel qu'il ne parvenait pas à cacher. Ses dernières paroles ne me blâmèrent pas pour ce que je lui avais fais, mais il me fit promettre de ne plus utiliser la vie d'autres personnes comme de jouets et de mettre a profit mon intelligence pour faire quelque chose de constructif.
Jamais il ne m'avait traité de monstre et jamais il n'avait accepté que quelqu'un utilise ce mot en parlant de moi, il était le seul qui m'aie toujours défendu malgré ma différence, et jusqu'au dernier moment, il s'est battu pour qu'une erreur de la nature comme son fils puisse rester libre de ses mouvements. Il voulait croire en moi... malgré mes soucis mentaux évidents. Personne ne m'aura jamais autant aimé que lui qui est allé jusqu'à l'encontre du bon sens en s'excusant de ne pas m'avoir assez protégé de moi-même. Quel imbécile... mais j'ai tout de même respecté à la lettre ses dernières volonté: je ferais le bien.
À ma manière.
Après avoir trouvé une solution afin de ne pas être déclaré coupable du meurtre de mon propre père adoptif (j'ai réussi a faire accuser un mec X avec de fausses preuves en lui tendant un piège dont il n'avait pas les moyens financiers de se sortir), j'ai donc décidé de modifier ma manière de procéder qui est devenue la suivante:
sauver des vies, et débarrasser le monde des gens comme moi qui échappent à la justice. En éliminant la menace, je mettais d'éventuelles victimes à l'abri du danger. C'était du deux en un, et aujourd'hui encore, j'applique la formule.
Que dire de plus sur moi... j'ai beaucoup voyagé pour mon travail en rendant régulièrement des visites à ma mère et à la prison où Richard purge sa peine afin de pouvoir lui offrir sa torture mentale mensuelle (a défaut de pouvoir le tuer, c'est tout aussi passionnant de faire durer sa punition en le détruisant comme ça), et j'atterris aujourd'hui à San Francisco par choix car le climat est agréable et parce que j'ai envie de continuer mes études pour passer un diplôme en chirurgie esthétique. Voila tout. Pour en savoir plus, vous pouvez toujours tenter de me demander, mais il n'est pas certain que je vous laisse ressortir de la pièce en un seul morceau après avoir fourni les réponses a vos questions.