Je traînais des pieds dans la rue sombre où, à 23h passé, je déambulais. Avec cette panne générale d'électricité, les rues étaient -sans la lumière protectrice des réverbères- propices aux vices... Les gens restaient donc chez eux la nuit, se débrouillant comme ils le pouvaient pour continuer à avoir une vie sociale malgré tout. J'étais seul ce soir là, à l'exception du chat noir qui me suivait depuis déjà deux pâtés de maison. Je n'avais spécialement peur: qui oserait m'agresser, sérieusement ? J'avais les épaules bien taillées et je savais entretenir mon corps de telle façon que les gens pensaient avoir affaires à un type qu'il ne fallait pas faire chier. C'était vrai et faux à la fois: j'aimais les contacts humains et je n'étais pas spécialement belliqueux... mais une bonne droite pour calmer un type trop bavard ou trop irrespectueux était jouissif, de temps à autres.

Quoi qu'il en était, je n'étais pas de sortie pour me bagarrer ce soir. Juste pour voir mon meilleur pote, me bourrer la gueule avec lui, oublier toutes les merdes de la vie... le train-train californien, en bref. J'arrivais au Manchester vers 23h20. De faibles lumières étaient allumées, donnant une ambiance tamisée et underground au bar. Je poussais la grand porte vitrée, essuyais mes pieds sur le tapis d'entrée et m'avançais en directement du bar sans une seule hésitation. « Deux shots de vodka pour mon pote et moi, charmant barmaid » dis-je à l'adresse de Kyler, retourné et occupé à essuyer des verres. Oui, ce soir on avait des choses à fêter. Ou à enterrer... quoique avec nous deux, chaque fait et geste était une potentielle bonne raison pour festoyer. Et ça m'allait. « On a plein de trucs à fêter mec, il faut pas faillir devant les bonnes vieilles traditions. » lui dis-je, le sourire aux lèvres.