Partir de San Francisco était décidément plus facile pour moi que d’y retourner. J’avais déserté la ville y’a un ou deux mois, je sais plus trop exactement, sans donner de nouvelles à personnes, mais on va dire que j’avais mes raisons, et surtout une: un mexicain. En fait je m’suis endormi à l’arrière d’une camionnette un soir où j’avais trop picolé, et quand ils ont rouvert la porte, je me trouvais de l’autre côté de la frontière Mexicaine. Après ça, pas moyen de trouver mon portable pour appeler qui que ce soit, je l’avais surement perdu ou alors on me l’a volé. Tout ce qui me restait, c’était un peu de fric et la photo de mon gamin. Putain de merde! Puis comme la mémoire des nombres c’est pas mon truc, ben je me souvenais pas du numéro de téléphone de qui que ce soit, pas moyen, donc, d’appeler ma sœur, Kyler ou alors mes parents.
Il m’aura fallu du temps et pas mal de tacos avant de parvenir à repasser aux USA et à rentrer en Californie. C’était l’enfer, j’ai jamais autant marché de ma vie, et puis personne ne voulait me prendre en stop à cause de ma gueule alors j’ai été obligé « d’emprunter » une voiture. Le seul point positif dans l’histoire, c’est que j’ai rencontré des jolies filles sur le chemin. Y’a vraiment qu’à moi que ça arrive ce genre de trucs… parfois je me dis que j’ai vraiment pas de chance. Parce qu’être con, je sais déjà que je le suis, donc voila.
Bref, c’était jeudi soir quand je me suis pointé au Manchester. Y’avait pas trop de monde puis-ce c’était la semaine, mais ça me regardait qu’à moitié. J’ai rapidement traversé la foule pour rejoindre la zone réservée au personnel et monter à l’étage jusqu’à atteindre la porte du bureau de mon cousin et y toquer. Je préférais ne pas aller voir ma sœur maintenant, c’était pas une bonne idée. Quoi que… j’allais juste avoir moins mal parce qu’elle frappait nettement moins fort que Kyler ._.
Jeudi soir, mais qu’est-ce que je foutais ici moi ? Tamara était de retour à San Francisco depuis quelques heures seulement et moi j’étais assis à mon bureau répondant à l’appel d’urgence d’Enora qui ne trouvait plus certain formulaire ainsi que les copies de l’inventaire de fin d’année. Moi et mon désordre légendaire, je ne pouvais que m’en prendre à moi-même pour le coup. Dans un sens ce n’était pas plus mal qu’elle m’ait téléphoné pour cette connerie, avec l’annonce surprise de ma petite amie hier … j’avais besoin de prendre un peu de recul … Si seulement Manson était là. Ce connard de merde qui se disait être mon frère, qui a foutu le camp sans rien me dire en m’abandonnant alors que j’avais le plus besoin de lui et de son soutien. Jamais je ne lui pardonnerais ce coup la …
Dossier après dossier, bière après bière … j’en avais plein le cul d’être enfermer entre ces quatre murs à chercher un stupide bout de papier. Où est-ce que j’avais bien pu classer cette merde ? Des millions de question me percutait l’esprit en même temps, j’avais vraiment du mal à me concentrer sur mon travail et visiblement j’étais en train de faire n’importe quoi. Pourquoi fallait-elle qu’elle tombe enceinte à ce moment précis ? Au moment où j’allais accueillir Blair et Sora chez moi … Sora qui était enceinte elle aussi … Banque de sperme qui l’eut cru ? N’avait-elle pas peur de tomber sur les spermatos du mec le plus moche en ville ? Ma foi, après ça ne regardait qu’elle. Pour ma part, je lui avais simplement promis d’être là pour elle et pour sa petite fille qui était devenue la mienne en quelque sorte.
Voilà !! Je l’avais enfin retrouvé !! Dire qu’il était enfoui sous le gigantesque calendrier qui recouvrait mon bureau, juste la sous mes yeux. Damn. Je pouvais enfin me détendre et c’est ce que je fis en m’empressant d’ouvrir le fichier de mon ordinateur qui comprenait les différentes compositions de la ravissante Ryan. La musique se fit entendre au bout de quelques secondes et lentement je fis basculer ma chaise de façon à ce que je puisse venir poser mes pieds sur le bureau et fermai les yeux. Mes pensées étaient ailleurs, enfin je pourrais dire que mon être entier était, ailleurs mais la réalité me rattrapa très vite lorsqu’on vint frapper à ma porte. Mes paupières s’ouvrirent brusquement et je m’empressai de prendre le dit papier en main avant de me diriger vers la porte en faisant semblant d’étudier la chose en tournant la poignée.
« Ça va Eno … je l’ai retrouvé … »
Voyant que rien ne se produisait et ‘’ qu’elle ‘’ ne me répondait pas, je fini par lever les yeux vers la personne qui se trouvait devant moi. Je n’en revenais tout simplement pas … ma mâchoire se décrocha d’elle-même et le coup partit tout seul ! Une bonne droite bien placée sur sa gueule. J’avais la haine et ce n’était pas l’envie de le tuer qui me manquait, mais pas ici …
« Qu’est-ce que tu viens foutre ici sale con ? »
Sans même attendre une quelconque réponse de sa part, j’enchainer presque ’aussitôt avec un autre coup qui lui trouva refuge au niveau de sa poitrine.
« C’est qui Enora? » Seule question que j’ai eu le temps de me poser avant de me recevoir un poing dans la figure et de reculer d’un pas sous le coup. Je n’avais même pas encore croisé le regard de Kyle à ce moment-là, et quand ce fut le cas, je vis bien qu’il avait très envie de me balancer dans la cage d’escaliers sur le champs. Bah c’est bon hein, il est tout le temps énervé, j’suis presque habitué maintenant… à la différence près que ça fait toujours mal de se recevoir un coup, puis un autre.
« Qu’est-ce que tu viens foutre ici sale con? »
Avant de répondre, je fis de mon mieux pour éviter de me prendre trop violemment sa droite dans la poitrine qui m’envoya quand même un peu plus loin - merci au mur de derrière de m’avoir évité une chute-, puis me redressais immédiatement en levant les deux mains et en faisant de petits gestes de bas en haut comme pour inciter le fou furieux près de moi à se tenir tranquille.
« DUDE, CALM’ DOWN, YO! »
Je savais très bien que pour se calmer il allait avoir besoin de continuer à me taper, mais valait mieux qu’il arrête vite parce que j’étais capable de lui balancer une main à la figure par pur réflexe défensif s’il continuait comme ça, et j’avais pas trop envie de me battre avec lui maintenant pour faire empirer la situation, surtout que j’avais une force d’ours dans les bras et que ça allait pas vraiment nous réconcilier que je l’assomme à moitié.
‘’Dude calm’ down toi-même mec, tu vas aller te faire foutre mon grand si tu me reparle encore une fois de cette façon ‘’ Façon qui m’aurait bien fait marrer dans d’autre circonstances que celle-ci. Non, mais pour qui il se prenait celui-là ? Débarquer à la porte de mon bureau comme ça, comme une fleur au printemps. Il croyait que j’allais l’accueillir avec la fanfare et les putes peut-être ? Faut pas rêver quand même ! Dire que j’avais vu et revu cette scène un million de fois dans ma tête et ce connard a eu exactement la réaction auquel je m’attendais de sa part. Après j’avais une forte envie de me battre, ouais le Conan en moi ne demandait qu’à assouvir sa soif de violence qui sommeillait depuis trop longtemps. Que faire ? Continuer de le frapper encore et encore au risque de me prendre ses foudres à mon tour, ou simplement m’arrêter et engloutir quelques bières pour calmer mes envies de meurtre ? Dur …
Je le fixai donc un instant avec ce regard qui m’était propre lorsque j’en voulais à quelqu’un … ce regard qui voulait dire ‘’ Fait un bad move mec, tu te retrouves six pieds sous terre ‘’ Je ne voulais surtout pas qu’il ouvre sa grande gueule, parce qu’en réalité je n’avais que faire de ses excuses à deux balles. Mais qu’est-ce que j’attendais à la fin ? Rien du tout je crois, j’étais blasé, il m’avait déçu bon nombre de fois en l’espace que quelques mois, mais d’un autre côté ce mec était mon frère et il tombait pile poil au moment où j’avais besoin de lui. J’inspirai donc un bon coup et décidai de prendre sur pour moi pour une fois.
« Va exorciser quelqu’un d’autre Manson, t’es moves à la boys band démodé sont loin d’avoir un quelconque impact sur moi, tu devrais le savoir depuis le temps… »
Un léger sourire s’afficha finalement au coin de mes lèvres, puis fini par tendre une main dans sa direction en signe de peace. Pour nous les mecs c’était comme ça trois- quatre bon coups sur la gueule et on en parle plus. On redevient les meilleurs amis du monde. Tandis que les meufs elles … de vraies vipères hypocrites ! Enfin la n’est pas la question. Je m’éclipsai donc un peu pour le laisser entrer dans mon bureau et lorsqu’il passa à côté de moi, j’en profitai pour lui en foutre une bonne derrière la tête.
« Ça c’est pour moi … Maintenant ça va, on va dire qu’on est quitte. »
Je refermai la porte derrière lui et passa de mon côté du bureau pour couper le son des hauts parleurs.
« Au risque de me répéter … qu’est-ce que tu viens foutre ici p’tit con ? »
En voyant son moment d’hésitation, je perdis l’expression pacifiste qu’il y avait sur mon visage sans cesser de le fixer droit dans les yeux. Qu’il m’en foute une, okay, mais qu’il décide de se battre là tout de suite, non merci, j’allais pas le laisser se défouler sur moi sans réagir, ma patience n’atteignait pas des sommets. Heureusement pour tout le monde, Kyler finit par se détendre et défit son point pour lever simplement la main vers moi. Bon choix, on ne finirait pas tous les deux par terre ce soir avec une ou deux côtes fracturées, comme ça. Je pris le saluais donc correctement en hochant la tête de gauche à droite avec un demi-sourire avant d’entrer l’intérieur du bureau, où de la bonne musique tournait. Et là, pan, derrière la tête. Je me suis retourné avec un air mécontent sur le visage, puis ai roulé des yeux en entendant sa justification pour le coup.
« Ouais c‘bon, tu peux l’dire qu’t’avais juste envie d’m’en mettre une, j’vais pas m‘choquer, dah. »
Je croisais les bras en attendant qu’il éteigne sa musique et en profitais pour observer un peu la déco bordélique de son lieu de travail. Ça ne faisait pas très sérieux on va dire, mais c’était Kyle, et je crois qu’il arriverait pas à bosser dans un endroit trop bien rangé parce que ça le stresserait, haha. À présent que la conversation était lancée, je me permis de m’asseoir face à mon cousin et me passais une main derrière le crâne pour me masser un peu. C’est pas parce qu’il en fallait plus que ça pour m’assommer que je n’avais pas mal. Après trois coups reçus sous l’influence de sa colère, je vous jure que ça calme et si je ne faisais pas une fois et demi sa corpulence à lui, je serais certainement pas resté debout après sa deuxième droite. Bref, je me suis passé les dents sur mon piercing d’un air pensif avant de prendre enfin la parole pour démarrer la discussion.
« Je viens de rentrer aujourd’hui, j’suis remonté depuis Mexico… c’est une longue histoire, j‘avais pas moyen de vous contacter. Mais j’te connais bro‘, je sais que quand on s’voit pas depuis un moment, t’as toujours un ou deux trucs importants à me dire, alors j’suis venu ici direct pour voir comment tu vas depuis Novembre. »
En fait, j’avais été informé indirectement qu’il avait fait de la prison… le mois dernier, si je souviens bien, mais j’avais pas les détails. Ça me faisait un peu culpabiliser de pas avoir été là pour lui éviter de faire une connerie, mais en même temps, il avait peut-être qu’à faire un peu plus attention à ses nerfs fragiles pour éviter de tabasser tout le monde. Ouais, fin bon… reste que j’étais conscient d’être l’un des seuls à qui il parlait ouvertement de ce qu’il avait dans la tête. Même si j’avais sans doute été décevant ces derniers temps, on avait trop de vécut ensemble pour se renier. Mais à présent c’était sûr, je ne partirais plus de cette ville, j’allais faire plus attention à mon comportement parce qu’il y avait des devoirs qu’il me fallait remplir à tout prix. Tout en réfléchissant, je jouais avec un petit paquet dans la poche de ma veste. Ça m’avait surprit de trouver cet objet si loin d’ici, et j’avais « négocié » pour que le type qui le possédait au Mexique me le donne en raison de sa valeur sentimentale. Pas pour moi, mais pour le gars à qui j’étais actuellement en train de parler. C’était peut-être ça la vraie raison qui m’avait amené au Manch’ dès ce soir, il fallait que je le lui remette en mains propres.
Je le regardais, le regard remplie de question. Qu’est-ce qu’il avait été foutre au Mexique ? J’ignorais si je devais poser la question ou juste laisser couler, mais franchement pour le coup c’était vraiment ridicule. Il avait toujours eu le don de se foutre dans des situations qui sortent de l’ordinaire, mais au moins il avait l’intelligence et la force de se sortir de n’importe quelle impasse sans l’aide de personne. C’est ce que j’admirais chez lui. Enfin bref. Après ces quelques longues secondes passées à l’écouter parler, je pris place sur ma chaise et passai une main dans mes cheveux, les agrippant au passage. J’avais énormément de chose à lui dire en effet, mais je n’avais pas envie qu’il joue les psychologues avec moi d’autant plus que je ne racontais ma vie à personne. Je préférais de loin me taire et gérer les choses à ma façon.
« Si t’es revenu à San Francisco juste pour ‘’ prendre de mes nouvelles ‘’ tu peux retourner d’où tu viens parce que c’est vraiment pas de ça que j’ai besoin en ce moment.»
Matthew avait toujours été ma bonne conscience. Quand j’avais besoin de conseils, c’était toujours vers lui que je me tournais – du moins quand je savais où il était -. Mes coups les plus merdeux c’est avec lui que je les ai faits, il a été présent dans chaque moment important de ma vie … jusqu’à aujourd’hui. Ce mec était mon frère, rien de moins et je l’aimais comme tel et ce même si je lui en voulais énormément pour son départ précipité et son manque de responsabilité. D’ailleurs que devenait son gamin ? Sur cette pensée, je me levai de mon siège et fit deux pas en direction du petit réfrigérateur qui se trouvait à côté de mon bureau pour en ressortir deux bières, puis revins en position assise en tendant une bouteille dans sa direction. Un silence de mort planait dans la pièce. J’hésitais encore à lui raconter tout ce qui c’était passé dans ma vie depuis son départ et ce moment d’égarement me fit engloutir le contenu de ma bouteille en entier sans même que je réalise ce que j’étais en train de faire suite à quoi ma voix s’éleva d’elle-même.
« Bah écoute … J’ai largué Dehlila parce qu’elle m’a trompé, j’ai abandonné mes droits parentaux sur les trois gamines pour être certain de n’avoir aucun contact avec cette conne, j’ai fait de la taule pour de la pure connerie et de l’exagération d’une certaine personne face à la situation, je me suis fait une nouvelle copine qui m’a annoncé hier qu’elle était enceinte de moi alors qu’on avait convenu qu’elle termine ses études avant de penser à avoir un gosse parce que je ne voulais pas revivre la même merde qu’avec l’autre qui vivait à mon crochet, d’autant plus que notre relation est instable … on en est pas à la même place dans la vie et je voulais qu’on parle sérieusement … c’est de la grosse merde. Je lui ai dit de se faire avorter, mais tu connais ma position sur la chose et mon amour pour les gosses, du coup j’ai décidé de prendre un peu de temps pour réfléchir … je pars en road trip avec une amie dans trois jours sans compter le fait qui a une meuf qui emménage chez moi avec sa fille … qui elle aussi est enceinte. C’est compliquer j’veux dire cette petite gamine est comme ma propre fille, elle a en quelque sorte remplacé Kassy et elle va prendre sa chambre. Je suis heureux de pouvoir m’occuper d’une gamine et tout, mais sa fou la merde avec Tamara qui jalouse à cause de ça … qui dit que je forme une famille avec elles et tout et ça m’emmène à croire que c’est ce qui la pousser à vouloir un gosse avec moi… »
Je levai les yeux sur lui. Il avait l’air comment dire … sous le choc. Je l’entendais penser d’ici ‘’ putain mec, mais qu’est-ce que t’a foutu encore un gamin et tout machin ‘’ Je savais tout ça et ce n’est pas ce que j’avais envie d’entendre. Tout ce qui m’était arrivé jusqu’à aujourd’hui m’avait fait grandir en maturité et pour dire j’étais devenu bien plus mature que la majorité des gens de cette saloperie de ville.
« Je te vois venir d’ici Manson, ouais j’ai mis ma copine en cloque, mais c’était pas calculé. Des accidents ça arrive et celui-là en est un gros j’en suis conscient, mais je vais faire ce qu’il faut dans le cas où elle le garde ou que je lui dise définitivement d’avorter. Et au cas où tu te poses des questions à propos de cette fille qui emménage chez moi, NON je ne suis pas le père de l’enfant qu’elle porte ! »
Une pauvre conne avait lancé cette rumeur comme quoi j’étais aussi le père des enfants de Sora. Dieu que le monde n’avait rien à foutre dans la vie sérieux. Bref ce n’est pas les répliques de True lie qui changeait quelque chose dans ma vie. Je connaissais la vérité et si ça amusait les gens de croire en ces stupidités, Enjoy. J’ai passé le stade des gamineries.
Kyle commença donc par me dire que je pouvais retourner d’où je venais si j’étais là pour jouer à la bonne conscience, ce que je faisais quand même tout le temps, en fin de compte. Enfin bref, le silence qui suivit me fit comprendre qu’il réfléchissait. Je saisis la bière qu’on me tendait et l’ouvris tout en observant mon cousin du coin de l’œil. Ouais, il était en train de chercher comment me dire les choses, là, je connaissais suffisamment ses mimiques pour anticiper un minimum ses réactions (ce qui était pratique quand il était saoul et qu‘il agressait les gens). De l’autre côté, j’étais en train de me dire que j’avais franchement faim et qu’un Burger King passerait trop bien maintenant. Ensuite je trouverai un endroit où passer la nuit si mon appartement n’avait pas été loué à d’autres locataires depuis que j’avais disparu. Ah, ça me ferait chier ça, surtout si c’était des chinois. J’aimais pas les chinois, mes anciens voisins en étaient, et ça sentait toujours trop fort quand ils faisaient à manger.
« […] j’ai abandonné mes droits parentaux sur les trois gamines pour être certain e n’avoir aucun contact avec cette conne […] »
Whoot? Ah c’est bon, j’étais encore trop plongé dans mes pensées pratiques pour entendre le début de son speech. J’ai donc fais de mon mieux pour déduire la partie que j’avais loupée et me suis concentré sur le reste. C’est fou tout ce qui avait changé en quelques semaines à peine. J’aimais pas le fait qu’il ait abandonné ses droits sur ses petites, mais ça devait être encore plus pénible pour lui. Bon sang, mais il avait une vie de malade, et c’était toujours les meufs qui le faisaient tourner en bourrique. Ouais, les filles… source de problèmes n°1 pour un homme, c’est pas moi qui vous dira le contraire. Plus il parlait, et plus l’expression sur mon visage laissait voir à quel point j’étais étonné de tout ce qui c’était passé en si peu de temps, si bien que lorsqu’il se tût, ma seule réaction fut de lever la bouteille de bière pour en boire une gorgée, avec les yeux grands ouverts.
« Bah putain d’merde… »
Je me suis passé une main sur la tête avant de me redresser sur mon siège. Ce qui m’hallucinait le plus, c’était qu’il vive avec une nana, s’occupe de son enfant, et qu’il ait une copine à côté. À tout les coups, son couple allait jamais tenir avec une situation pareille. « Damn! Faudrait que tu te contentes de plans cul pendant un temps toi, ça te ferait du bien, j’t’assure. »
Voila, deuxième réaction tout à fait typique de ce que ça me faisait. Depuis que j’étais célib, j’avais plus de problèmes!
…
Rectification; j’avais plus de problèmes sentimentaux. Et ceux-là, c’était bel et bien les pires qu’on pouvait se mettre sur le dos. Je pris une seconde gorgée de ma boisson avant de reposer les yeux sur ceux de Kyler. « Anyway, t‘as bien fait de dire à ta nana de s‘faire avorter, faut pas regretter, c‘était trop tôt, pis t‘es conscient que ça t‘évite plein de merdes en plus. Maintenant je sais pas comment tu vas gérer le fait de vivre avec une femme et de s‘occuper de sa fille tout en ayant une copine de l‘autre côté. Si j’étais à la place de ta meuf j‘aurais la chienne. »
Je ne pus retenir un soupir. Sa situation était vachement compliquée, et je savais très bien qu’il était dans le besoin quasiment vital d’être en présence d’un enfant pour pas devenir dingue. Ça me faisait penser au mien qui était certainement au lit à cette heure-ci, il me manquait, et c’était en partie pour continuer mon combat pour sa garde que j’étais revenu en ville. Je repris mes esprits au plus vite et sortis le sachet en papier de ma poche pour le poser sur la table entre nous deux.
« Regardes ce que j'ai trouvé pendant que j'étais de l'autre côté de la frontière, j'ai halluciné quand je l'ai vu. Il est intact »
J'attendis qu'il ouvre et sorte le collier en or qu'il y avait à l'intérieur. C'était une de ces chaines avec un pendentif ouvrable accroché dessus. Kyle le portait tout le temps à l'époque, jusqu'à ce qu'il se le fasse arracher et voler un soir, lors d'une bagarre. Je l'avais rarement vu aussi énervé que cette fois-là, mais il faut préciser que c'était un objet qui appartenait à sa mère, à la base, ou un cadeau de sa part, une histoire dans le genre. Pas étonnant qu'il soit devenu fou en le perdant.
Je l’écoutais parler, lui et sa logique à deux balles. Parfois je me demandais s’il avait réellement vingt-sept ans ce mec parce que sérieux, il m’arrivait souvent d’être plus mature que lui. Faut dire qu’avec tout ce que j’avais vécu, ça ne pouvait qu’être normal et après ça me plaisait bien ainsi. Ma logique de mec supérieur à la plupart des gens je la kiffais. Tout comme j’appréciais chaque moment que je passais avec Matt aussi con soit-il. Lorsqu’il aborda je sujet des ‘’ plans d’un soir’’ je ne pus m’empêcher de sourire. Comme si je n’y avais pas déjà penser. Moi Kyler Sebastian Hills, homme à femme. Il m’arrivait souvent de me dire que j’avais peut-être été trop vite avec Tamara. Que je n’avais pas assez profité de mon célibat entre mon ancienne relation et celle-ci, mais bon les jeux étaient fait à présent et je ne regrettais pas mon choix, même si je trouvais que Kacee avait un comportement douteux de temps en temps et que ça me tombait royalement sur les nerfs. Bref, le temps aurait vite fait de m’apporter les réponses dont j’avais besoin concernant tout ça.
Avec un peu de recul, je me disais que Matty avait sans doute raison par rapport au fait est que j’avais bien fait de demander à Tamara d’avorter. J’étais totalement contre ce genre de chose, mais je ne voulais pas non plus revivre cette même merde qu’avec Dehlila et me retrouver avec une meuf qui n’avait pas terminé ses études et qui vivait à mon crochet. Je savais que j’étais en mesure d’élever un enfant, je l’avais prouvé à mainte reprise, mais advenant le cas ou Tamara et moi nous séparions après la naissance de l’enfant … je ne voulais pas avoir à refaire ce que j’avais dû faire avec mes autres gamines. Dieu que c’était compliquer.
« Pour Sora et sa gamine c’est simple, je m’en occupe et puis c’est tout. Si ça ne plait pas à quelqu’un bah je n’en ai strictement rien à secouer. J’aime cette petite et j’ai promis d’être là pour elle et ça me fait réellement plaisir. Je sais déjà que ça déplait à ma copine et qu’elle est jalouse, mais si elle a quelque chose à me reprocher qu’elle vienne me le dire en face, je l’attends. »
Sa façon de penser me décevait vraiment. Moi qui croyais que ce mec la était en mesure de savoir faire la part des choses dans ce genre de situation, visiblement je m’étais trompé. Quoi qu’il en soit, ça devenait lourd et j’avais franchement envie que les choses bougent. Soit il quittait seul, soit je l’accompagnais, mais une chose est sûr, il fallait qu’il se passe quelque chose. Alors qu’un léger silence s’installait lentement dans la pièce, je vis Matthew sortir une petite enveloppe de papier de sa poche pour me la tendre ensuite. Qu’est-ce que ça pouvait bien être ? Il était un peu tard pour les cadeaux de noël non ? Bref j’ouvris le machin à la va vite et je vous laisse imaginer ma surprise lorsque mon regarde se posa sur l’objet en question. Je n’en croyais pas mes yeux ! J’avais tellement cherché ce bijoux suite à sa disparition que j’avais perdu tout espoir de le retrouver. Wow … j’étais sur le cul. Carrément. C’est comme si en me rapportant ce petit objet de valeur, il me redonnait une petite partie de mon cœur. Je le sentais battre à nouveau dans ma poitrine. Une sensation que je n’avais pas ressentie depuis des lustres… je ne savais comment le remercier. J’étais sans mots. J’observais le truc, à vrai dire je ne le quittais pas des yeux, jusqu’à ce que je me décide finalement à me le passer au cou.
« Mec sérieux … tu as assuré. Où tu as trouvé ça ? »
J’étais tellement heureux que je n’arrivais même pas à m’exprimer correctement et ce même si je ne laissais rien paraitre sur mon visage.
« Merci … écoute merci milles fois. Je te dois combien pour ça ? Et me dit pas rien sinon j’te jure que je te casse la gueule ! »
Oh, c’était quoi ce regard, là? J’aimais pas quand il s’irritait juste parce que lui disais un truc qu’il avait pas forcément envie d’entendre. Ben quoi? Il sait très bien comment fonctionnent les femmes, non? Il a vécut avec une possessive-jalouse de première, c’est pas lui qui allait me dire que c’était cool qu’il vivre avec une femme et soit en couple avec une autre maintenant. Je savais très bien que Kyle avait tendance à être conscient de sa valeur et qu’il s’en fichait pas mal d’être jugé par les autres après toutes les déceptions qu’il avait vécues, mais lui qui se disait mature, il se contredisait lui-même en agissant comme bon lui semblait sans penser à l’avis des autres. En fait… il en avait plus rien à foutre de rien, je crois. Il vivait sa vie, et tant pis si ça déplaisait aux gens. J’aimais pas trop le voir comme ça, c’était comme si on lui avait enlevé la joie qui lui restait, et que maintenant, y’avait plus rien d’autre que des cendres. Putain, fallait vraiment le remettre sur pieds, il avait même pas la trentaine et il ressemblait à un mec qui a déjà tout vécut. C’était pas possible ça, il avait intérêt à vite laisser sa meuf de côté pour le bien de tout le monde et aller pécho une ou deux de ses connaissances pour se remettre les idées en place.
Bref, pendant que je réfléchissais, Kyler fit la découverte de mon cadeau, et je ne pus m’empêcher de sourire en percevant son « enthousiasme ». J’étais quand même assez fier de moi d’avoir retrouvé le collier même si c’était un coup du hasard.
« C’est un marchand qui le vendait dans la rue à un prix pas possible… je lui ai fais comprendre que je négociais pas en prenant l’air méchant et il me l’a rendu direct. J’peux rien te demander pour ça, ça t'appartient. »
Je finis ma bouteille avant de me lever.
« Ou alors souris, pour me faire plaisir. T‘as une gueule de banquier blasé! […] Bon, j’vais voir si mon appart est pas occupé par d‘autres personnes et je t‘appellerais au cas où je dois changer d‘adresse. Je bouge pas de la ville quoi qu‘il arrive cette fois, bro. Passe chez moi quand t‘en auras marre de te prendre la tête avec des nanas, je te changerai les idées. »
Ma vie ressemblait un peu à un jeu sans fin, je ne m’ennuyais pas et me contentais de peu de choses en vivant à l’instant présent. Trouver une femme, me marier et passer le reste de mon existence dans une routine horrible? Non, c’était pas pour moi, et même si, il faut le dire, my life sucks… bah je trouvais toujours le moyen de la rendre moins pénible. Me prendre la tête n’avait jamais été un de mes points forts, sauf peut-être avec le ptit.
Je ne savais plus quoi dire en vrai. Le fait qu’il m’ait rapporté ce petit trésor m’avait littéralement cloué le bec. Je l’écoutais parler sans trop porter attention à ses paroles, j’étais tout simplement ailleurs. Je repensais à ma mère, au moment où elle m’en avait fait don. Pour être honnête ça me faisait mal au cœur de repenser à ça. Je n’avais que 8 ans … La vie est injuste. Mais la voilà qui était venger maintenant. Mon père pourrissait en enfer alors qu’elle veillait sur moi de là-haut. J’ignore encore si ce que j’avais fait était la meilleure chose à faire. Si j’avais le droit de faire ça, j’veux dire prendre une vie qui ne m’appartenait pas. Au bout du compte, je ne valais pas mieux que lui.
Lorsque je réalisai finalement que Matt c’était lever de sa chaise, je fis de même. Je ne voulais pas forcément qu’il parte maintenant, mais vu ce que j’avais en tête… c’était peut-être mieux comme ça. Je contournai mon bureau comme ça, sans rien dire, pour aller le serrer comme un frère. Je n’étais pas en mesure de lui offrir le sourire qu’il m’avait demandé, mais cette marque d’affection ferait largement l’affaire. Je m’écartai au bout de quelques secondes, puis planta mon regard dans le sien.
« Si y’a quoi que ce soit, tu es le bienvenue chez moi mec. Y’a une chambre de libre tu pourras l’occuper le temps qu’il faudra, ça sera ma façon à moi de te remercier. »
Je poursuivi mon chemin jusqu’à la porte et l’ouvrit l’entement. Cette habitude que j’avais de renvoyer les gens qui passait trop de temps dans mon bureau. Je ne voulais pas qu’il pense que j’avais envie de le chasser. Non, je lui indiquais seulement le chemin, même s’il le connaissait déjà.
« Prend soin de toi vieux. Et fait pas trop le con compris ? J’espère que je verrai ta tronche de con devant ma porte ce soir. C’est con d’espéré que tu te retrouves à la rue, mais bon sans rancune ein.»
Je lui serrai la main, puis le laissai sortir avant de refermer immédiatement derrière lui.
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