Mon cerveau était en compote. Passer du fuseau horaire de San Francisco, puis du Canada, puis revenir à SF, puis aller à Londres, et enfin, revenir ici, ça m’avait complètement décalé : résultat ? Je passais ma vie à dormir, et à voir ma copine pour ensuite, dormir encore. Ce qui était vraiment mal, parce que je devais pondre un nouveau livre. Si j’avais su que ça marchait comme ça, je me serais abstenu de sortir le premier. Maintenant que le premier bouquin se vendait plutôt bien dans tout le pays et qu’il allait bientôt être publié en Europe, mon éditrice me mettait une pression d’enfer pour que je lui sorte un deuxième bouquin. Mais pas facile, surtout si elle savait que j’avais mis plus d’un an pour sortir celui-là, et encore, un an, j’étais bien large dans mes calculs…Mais bon, il fallait vraiment que je me bouge le cul, et j’étais assez motivé pour en écrire un autre, j’avais même déjà commencé une ébauche, je restais toujours dans le registre des histoires d’amour. C’est drôle, de faire des livres de ce genre alors que moi-même, je n’étais pas tellement un spécialiste en la matière. Oui, j’avais une petite amie, mais c’était vraiment la première fois que j’étais amoureux, et malgré moi, je ne savais pas trop comment faire et j’étais bien trop souvent maladroit avec elle. Mais sans trop savoir pourquoi, ce sujet m’inspirait et apparemment, plaisait aux lecteurs, enfin, aux lectrices car mes principaux « fans » étaient des femmes, encore quelque chose qui ne plaisait pas forcément à ma copine et qui était assez difficile à gérer. Surtout qu’apparemment, j’avais une « belle gueule » et que mon accent british faisait vraiment effet sur les filles.

Bref, tout ça pour dire que ce jour-là, j’avais passé presque ma matinée entière à dormir, j’en venais même à me demander si j’allais un jour reprendre un rythme de vie normale. Enfin, il le fallait, parce que là, j’étais peut-être en « vacances », mais mon agent allait surement très vite me donner signe de vie pour me donner un coup de pied au cul et me faire sortir de chez moi pour enchainer interview, émissions tv et j’en passe. Mais il fallait que je sorte un peu de chez moi, et que je prenne l’air. Il fallait aussi que je parle à ma meilleure amie, Oxana qui était aussi ma colocataire : ma petite amie voulait qu’on emménage ensemble, et j’étais mort de trouille à cette idée, je lui ai donc dit que je voulais y réfléchir, et en parler à Oxa : j’avais un peu peur de sa réaction à elle, mais en même temps, j’avais vraiment envie de passer à l’étape supérieure avec Anna…bref, tout ça était un peu confus dans ma tête et j’avais envie d’aller à un endroit où je n’avais pas été depuis un petit bout de temps et où j’adorais passer mes après-midi il y a de ça encore quelques mois, lorsque j’étais encore un anonyme : aller à la bibliothèque. Je m’habillais alors assez simplement et j’attrapais le premier taxi que je pu trouver, histoire de ne pas y aller à pieds, car maintenant que j’étais « célèbre », dès que je mettais un pied dehors, une ruée de filles me pourchassais en me demandant un autographe, et parfois…à des endroits insolites…

Je voyais même le chauffeur de taxi regarder souvent dans son rétroviseur, d’un air de se dire qu’il m’avait déjà vu quelque part. Eh merde, pas de bol, au bout de dix minutes, après s’être garé face à la bibliothèque, il me demande un autographe. Bon, je le signe et je descends vite fait de la voiture pour me précipiter à l’intérieur. Quel idiot…j’arrive dans une bibliothèque, là où il n’y a qu’une bande d’accroc aux bouquins, alors bien sûr que les gens me connaissent ! En voyant tous les regards se poser sur moi, je me précipitais d’un pas rapide vers la section des romans d’amour, heureusement pour moi, il n’y avait personne…enfin…une personne. BOUM. Je percutais quelqu’un, ce qui me fit reculer légèrement. Je passais ma main sur son visage, un peu sonné en m’excusant brièvement, ça c’était vraiment mon genre, de ne pas regarder où je foutais les pieds. « Oh… Excusez-moi, je ne faisais pas attention où j’allais ! Je suis tête en l’air vous savez ! Encore pardon ! » J’hochais la tête en esquivant un léger sourire, elle avait parlé à une vitesse tellement incroyable, qu’avec son accent américain, j’avais faillis ne rien comprendre ! Mais bon, je n’allais pas commencer à taper un scandale parce qu’on s’était bousculé, moi aussi je ne faisais pas tellement attention à où je mettais les pieds. J’allais lui répondre, mais elle ne me laissa pas le temps de dire quoi que ce soit, qu’elle enchaina, « « Pour me faire pardonner, je peux vous conseiller un très bon livre…. Attendez… ». Je souris et je la regardais faire sans ajouter un mot, elle se dirigea vers une étagère tout près et sorti un livre de celui-ci, un j’essayais de cacher un sourire qui avait envie de se dessiner sur mon visage en voyant la couverture du livre qu’elle allait me proposer, un livre que je connaissais très bien, rien qu’à le voir, je l’avais tellement longtemps tenu entre mes mains, à le regarder et à me dire qu’il allait paraitre dans les libraires et bibliothèque et que des gens allaient le lire, et très certainement l’apprécier, tout comme cette jeune fille. « Tenez… Il s’agit d’Amour Sans Fin, c’est un très bon roman, bien écrit et on peut facilement s’imaginer tout un film dans notre tête, tellement la description est bien faite. Si vous aimez les histoires d’amour romantiques, compliquées, attendrissantes, tristes… Ce roman est fait pour vous ! ». Je pris le livre entre mes mains, en faisant mine de le regarder comme si je le découvrais, cette situation m’amusait un peu, j’allais peut-être réussir à avoir un avis objectif sur mon livre, car les filles qui me disaient qu’elles l’avaient adorées, disaient peut-être ça dans le vent, juste parce qu’elle me trouvait séduisant ou des conneries dans le genre. Cette fille face à moi avait l’air de vraiment l’apprécier, c’était une bonne chose. « Eh bien…merci », lançais-je en souriant à la jeune femme, continuant à regarder le livre de temps à autre. « L’auteur de ce livre devrait vous embaucher pour lui faire de la pub, vous avez l’air de savoir de quoi vous parler ». Je lui souris à nouveau, « Désolé de vous avoir bousculé, j’espère ne pas vous avoir fait trop mal…mademoiselle… ? » Je levais ma main vers elle afin de lui serrer et de faire les présentations, je ne comptais pas donner mon nom tout de suite, je préférais avoir son avis avant sur le livre…

La jeune femme face à moi, continuait de garder un large sourire alors que je venais de la bousculer, et peut-être même de lui faire mal ! Car contrairement à ce qu’elle m’avait dit, elle n’était pas la seule fautive, moi aussi, j’avais pu faire un peu plus attention, et ça ne serait jamais arrivé. Mais j’étais un peu trop sur la lune en ce moment, un peu trop sur un nuage. Je regardais le livre que la jeune femme venait de me donner, de me conseiller, ironiquement mon livre même. Je caressais la couverture, je me rappelais encore quand j’avais du décider, pour la couverture du livre. Je n’y avais jamais pensé, à comment elle pourrait ressembler, et à mon sens, la couverture d’un livre n’était pas le plus important, à la limite, le résumé à la fin, était important car nous pouvons lire à quoi ressemblera l’histoire avant de l’acheter. Enfin, moi, je ne regardais jamais l’esthétisme de la couverture pour acheter un livre…après, ça pouvait peut-être dépendre des gens.

Mon « compliment » la fit encore plus sourire, puisqu’apparemment elle prenait ça comme un compliment. Pourtant c’était vrai, et dans un sens, c’était dommage qu’elle tombe sur moi pour présenter mon livre et pas sur quelqu’un qui ne le connait vraiment pas. Peut-être que je devrais vraiment l’engager comme commerciale ? En tout cas, j’étais ravie de voir que certaines personnes aimaient autant mon livre. Elle avait l’air assez modeste, au vu de sa réponse et je lui souris, non pas pour me moquer, mais parce que ça me faisait rire. Cette situation, me faisait rire. « Sinon je m’appelle Kaleigh, Kaleigh Warren, enchantée ! » Elle me serra la main et je lui rendais sa poigne, sans lui dire pour le moment qui j’étais, de toute manière, elle ne me l’avait pas encore demandé alors bon. Elle prit un autre exemplaire du livre, je me demandais pourquoi elle en racheté un, si elle l’avait déjà lu tant de fois –c’est ce que je déduisais vu comme elle avait l’air de s’y connaître –. Je la regardais faire, puis je baissais à nouveau mon regard vers mon livre. « Je l’ai déjà, mais je l’achète pour une amie… J’adore tellement ce livre que je veux que mes amies le lisent… Mais bon, la tâche s’annonce dure vu qu’elles ne sont pas trop livres, si vous voyez ce que je veux dire… » Elle rit et je ris avec elle, ah bah si, au final, elle me faisait avoir de nouvelles fans ! Enfin, ça ne voulait rien dire, il faut bien une première fois à tout, non ? Parfois, c’est grâce à un livre, qu’on aime la lecture. Anna, ma petite amie, n’avait même pas lu mon roman. Enfin, elle m’avait dit qu’elle le lirait, mais bon, la lecture n’était pas « son truc » à elle non plus.

Je ne comprenais pas trop comment on ne pouvait pas aimer lire. C’est vrai, la lecture, c’est raconter une histoire et tous ceux qui aimaient aller au cinéma, aimaient donc suivre des histoires. C’était pareil pour les livres non ? Sauf que pour les livres, il faut lire et imaginer, pas comme au cinéma ou tout est devant notre nez et où il n’y a pas vraiment à réfléchir et imaginer, au cinéma, tout est imposé, et pas dans la lecture…c’était peut-être pour ça, que je préférais la lecture, au cinéma. Enfin bref, je me raclais la gorge alors que la jeune Kaleigh contemplait la couverture du livre qu’elle avait en main. Je lui souris, « Enchanté en tout cas Kaleigh », lançais-je doucement. Je reposais le livre sur l’étagère et j’ajoutais, avec un petit sourire aux lèvres, « Moi c’est Alexander Matthews ». Je la regardais attentivement, en attendant sa réaction : allait-elle faire le lien tout de suite, ou pas ?

J’étais là encore en admiration devant ce livre que je connaissais par cœur. Que ce soit de la couverture au résumé, des chapitres, le nombre de page, le nom de l’auteur, les remerciements au début du livre, vraiment tout. Je crois qu’on pourrait me poser n’importe quelles questions sur ce livre, je serais apte à y répondre et je viserai le vingt sur vingt à coup sûr. J’aimerais que pour mes partiels à la fac ça se passe de la même façon, mais c’était loin de l’être. Certes, je passais ma vie dans les livres, étudier était mon mot d’ordre et ma vie se résumait à ça. Ce qui était plutôt triste d’ailleurs… Mais je ne pouvais rien y changer. Enfin si, je pouvais, mais j’avais bien trop peur du changement pour oser me lancer dans l’inconnu et faire quoique ce soit d’autres d’inhabituel à ma petite vie.

Je revins un peu sur Terre lorsqu’il prit ma main dans la sienne et me la serra en guise de salue. Je le regardai en abordant un large sourire. Je devais lui sembler bête, mais bon… J’ai l’habitude de passer pour une personne assez simple vu ma façon d’être auprès des gens. « Moi c’est Alexander Matthews. » Me dit-il. Au début je n’ai pas de suite capté son nom… Il me semblait familier mais je ne dis rien. « Enchantée Alexander ! » Je quittai sa main de la mienne et regardai le livre d’un air hésitant. « Matthews, Matthews, Matthews, Matthews… » Dis-je à voix basse. « Alexander Matthews… » Et là j’eu un flash. Je me stoppai net et regardai ce fameux Alexander. Non… Impossible, ce n’était pas lui. L’auteur du livre ? Non, il découvrait le livre. Ca se voyait à son visage. C’était juste un homonyme… Une pure coïncidence… Non, impossible. Non. « C’est bizarre, vous avez le même nom que l’auteur de ce livre ! » Je me mis à rire nerveusement. C’était lui ou pas ? Non. Mais non. Je ne voulais rien entendre. Je ne voulais pas y croire. Pourquoi d’ailleurs ? C’était possible. Je savais que l’auteur habitait à SF. Et cette librairie était la plus grande de la ville… Mais pourtant le livre est sorti il y a des semaines et les éditions sont les mêmes. Que ferait-il là ? Non, c’est insensé. Peut-être que cet Alexander là, était là par hasard… Mais pourquoi devant l’étagère même d’Amour Sans Fin ? Peut-être qu’un ami à lui, lui avait conseillé ce livre juste à cause de leur nom qui sont similaires ? Oui, peut-être… Ou soit c’était vraiment l’auteur… Mais étrangement, personnes venaient l’accoster. Or, on était dans une librairie et je ne devais pas être la seule à avoir lu son livre. Après tout, on n’est pas tous obligé de connaître la tête de notre auteur préféré… Mais si Kaleigh ! Tu n’es juste pas douée ! Tu te dis la fan number one de ce livre et tu ne sais même pas à quoi ressembler ton auteur favoris du moment ! « Je… Euh… Vous… Si ? Non ? » Je disais n’importe quoi. Mes phrases n’avaient aucun sens, je préférai me taire pour ne pas m’enfoncer davantage. Je devais sembler assez ridicule par rapport à ma précédente remarque, surtout s’il s’avérait être le véritable auteur du livre que je tenais entre mes mains.