« You make me feel good »

« Sweet dream Suzie Q » NON ?! Je me redresse en sursaut dans mon lit. Le front perlé, les membres tremblants et ce liquide froid qui coule le long de mon dos. J’observe durant un long moment ma chambre, cherchant le corps sans vie de ma mère, essayant de sentir l’odeur du cuivre. Mais rien. Alors, tous mes muscles se relâchent soudainement et je retombe lourdement sur mon coussin. Un cauchemar, c’était juste un putin de cauchemar. Je passe mes mains sur mon visage, décollant les mèches blondes qui étaient sur mon front. J’avais pensé que… La vitesse supérieur m’aiderait, mais… Non. Ils sont toujours là. Comme le venin d’un serpent qui pénètre lentement, doucement pour s’assurer de s’encrer dans toutes les parties minimes de ton être. Mon passé était un venin. D’un geste de la main, je décide d’éloigner mes sombres pensées et je quitte ma couette pour prendre une douche bien chaude. Je tourne les robinets qui grincent et laisse l’eau couler longuement, le temps de me dénuder. Puis, un soupire de bien-être sort de ma bouche lorsque je rentre en contact avec l’eau bouillante qui fait rougir ma peau. La douleur me permettait de me sentir vivante. Je reste si longtemps dans ma douche que je finis par lâcher un grognement lorsque l’eau devient froide. Je sors de celle-ci en râlant et enroule mon corps frêle dans une serviette. Je fais de même avec mes cheveux et me dirige dans ma chambre et accessoirement salon. J’ouvre ma commode et sort un collant. Je sors une grande chemise bleu pâle qui appartenait à une conquête d’un soir. Je m’habille rapidement, passe mes mains dans les cheveux pour les coiffer et je me pose devant mon miroir pour cacher mon teint pâle et accentuer le vert de mes yeux par un fin crayon noir autour des paupières. Je me dirige vers ma cuisine et prépare un café en tournant le regard vers l’horloge. « Quoi ? Onze heures ?! Putin là… » L’explication à mon agacement, c’est que je suis barmaid et je travaille jusqu’à quatre heures du matin. Ce qui me fait arriver dans mon lit aux environs de cinq heures. Et là, j’avais été réveillée par mon cauchemar et comme une conne, je me suis levée…

Je claque la porte de mon placard et me pose sur ma chaise en jurant. La caféine à l’avantage d’apaiser ma colère et de me donner un peu plus d’énergie pour la journée qui s’annonçait longue. Qu’est-ce que j’allais bien pouvoir faire ? Emmerder Sonic ? Ou aller voir Keenan pour emmerder Sonic ? Dans les deux cas, je le ferais chier et ça, c’était bon. Je soupire. J’avais l’impression que ma vie ne tournait qu’autour de lui. Je me réveillais et je pensais directement à lui, comment j’allais bien pouvoir l’atteindre encore plus. J’étais enfermée dans un cercle vicieux que j’avais moi-même créé. Et même si je ne rêvais que de m’en défaire, je ne pouvais pas. Il n’avait pas assez souffert, il n’avait pas assez perdu. Non. Il m’avait tout enlevé, tout. Et il avait encore beaucoup de chose que je pouvais briser. Je devais le détruire. A tel point qu’il ne puisse plus se relever, qu’il me supplie de l’achever. Oh oui, je voulais être la seule à contrôler son univers. Que sa misérable existence ne repose que sur moi. Mais à côté de ça… J’étais fatiguée. J’avais envie de… Je sais pas… Tourner la page ou… vivre… Je m’auto gifle mentalement. Comment je pourrais ?! J’ouvre la fenêtre de mon appartement et m’y installe en allumant une cigarette. Je n’étais pas si mal comme ça. Je m’amusais. Je bossais et gagnait de quoi payer ce minable studio. Je pouvais m’offrir mon herbe et mes cigarettes. Me payer des verres dans les bars. C’était parfait. J’avais ma déchéance paisible. Qu’est-ce que je pourrais bien vouloir d’autre ? « La paix intérieur » m’aurait certainement dit mon psychiatre. Mais on n’est jamais totalement en paix. Y’a toujours un élément qui te rend coupable, vulnérable. Toujours. Une souffrance, un souvenir, quoi que ce soit, y’a toujours cette putin d’impression d’être constamment dans le faux. Je n’étais pas la seule à vivre comme ça… Non. Y’avait pire que moi. Je jette ma cigarette dans le vide et referme la fenêtre une fois à l’intérieur. J’enfile une veste par-dessus ma chemise ainsi qu’une écharpe légère. Je quitte mon studio en claquant la porte pour emmerder ma voisine qui s’en plaignait toujours. Mais depuis qu’elle me l’avait dit, je le faisais exprès. J’aimais emmerder les autres.

Après être passé par un drugstore, je me dirige vers le Golden Gate Park. J’avais envie de verdure, de tranquillité et surtout, je devais réfléchir à ce que j’allais pouvoir faire maintenant avec Sonic. Non pas qu’il m’obsédait. Enfin un peu. C’est surtout le fait qu’il respire toujours qui m’embête. Même si je l’avoue, mort… Qu’est-ce que je ferais après ? C’était le seul lien que j’avais avec mon passé. Peut-être qu’inconsciemment, je faisais durer les choses ? Qu’importe. Je rentre dans le parc et traverse rapidement sans vraiment faire attention autour de moi. De toute façon, je n’avais pas envie de rencontrer qui que ce soit. J’aimais ma solitude. Me retrouver avec moi-même, parler toute seule. M’auto disputer, ou me complimenter. J’étais ma meilleure amie. J’avais des amis bien sur, ils n’étaient pas nombreux mais, je les appréciais tous à ma façon. Maladroitement, mais sincèrement. Les mains dans les poches, la tête basse, je marche lorsque j’entends une voix familière. Katrina. Je lève la tête et tourne les yeux pour chercher l’auteur physique de la voix et la trouve près des jeux pour enfants. Un rare sourire étire mes lèvres et malgré mon envie d’être seule, je me dirige vers elle. Je l’appréciais, c’était une amie et… J’aimais lorsqu’on parlait toutes les deux. Elle ne savait rien de mon passé, mais elle pouvait se vanter d’être celle qui me connaisse le plus. Je me racle la gorge une fois à sa hauteur et agrandit mon sourire lorsqu’elle se tourne vers moi. « Salut Katrina… Il me semblait bien que j’avais entendu ta voix… Comment vas-tu ? » Pas d’accolade, ni de baiser. Je n’étais pas comme ça. Proche mais toujours un retrait certain. Mes yeux verts d’eau se tournent sur la fille de Katrina qui jouait dans les jeux pour enfants. L’innocence des enfants. J’enviais tellement leur vie et attitude parfois, moi qui avais été arraché à ces instants.