histoire

« Le gosse est fatigué? » Il se releva. La pluie continuait à obstruer sa vision ; ses genoux flanchaient, flanchaient, mais il refusa d'offrir du plaisir à l'instructeur en démontrant qu'il ne pouvait tout simplement plus avancer. L'exercice avait commencé à six heures et quart du matin, et Michael présumait que cela faisait deux heures qu'il rampait dans la boue, escaladait des barricades, entendait des coups de feu tout autour de lui. Quinze autres jeunes hommes partageaient son sort, mais l'instructeur avait verrouillé son attention sur lui. Ses muscles lui paraissaient être des cordes mouillées. Il grimpa une pseudo-colline, manquant de s'écrouler au sommet. Autrefois, il lui avait semblé avoir eu une maison. Une famille. Une main le poussa, l'envoyant valdinguer sur le sol ; inutile de protester, Michael se contenta de se relever. Il entendit une grenade exploser à dix mètres de lui — puis une autre, mais beaucoup trop près. La déflagration rendit sourd son tympan droit et il chuta. Sombrant dans l'inconscience.

Sur le lit, à son réveil, il ressentit l'odeur de l'infirmerie. Et aperçut une missive sur sa poitrine. Une demoiselle du corps médical remarqua ses paupières ouvertes et l'invita à ne pas faire de gestes brusques. Michael testa son corps : tout lui répondait. On lui expliqua que la fatigue et le choc, en combinaison, l'avaient assommés — littéralement. Le courrier disait : tu peux rentrer. Sa "famille" avait de nouveau besoin de lui : deux nanas supplémentaires venaient combler les rangs. Il reposa sa tête sur l'oreiller, soupirant. Le cauchemar était terminé. Une semaine plus tard, il se retrouvait au foyer, côtoyant son père escroc/voleur et évitant de trop regarder sa mère par crainte qu'elle ne voit toute la rage qui grondait en lui. La raison officielle de son renvoi du domicile était une rixe à l'école qu'il avait engendré, plus ou moins volontairement : officieusement, et les deux nouvelles venues le lui prouvaient, c'était pour qu'ils puissent baiser sans être emmerdés par lui. Il débuta son rôle de frère aîné, veillant sur sa nouvelle vraie famille : jusqu'à ce que le drame se renouvelle. Le camp militaire, et l'instructeur, furent ravi de son retour. Michael en serra les poings et frappa sur un mur jusqu'à en avoir les phalanges saignantes. Ses parents jouaient. Ses parents s'amusaient. Et lui, et elles, subissaient.



L'armée lui avait permis d'endosser une nouvelle personnalité. Un physique bien loin de celui, androgyne, qu'il avait pu posséder lors de ses années "en liberté". L'instructeur lui avait serré la main à son départ — Michael n'en fit pas toute une formalité. Retournant à la vie civile à vingt-ans, voyant enfin le commencement de son existence. Son père, désormais moins apte à cambrioler des baraques, chercha à ce qu'il se prenne la relève : no way. Il erra, de ville en ville, trouvant des jobs occasionnels. Barman, videur, vigile. Il travailla pour quelques personnes peu recommandables, brisa des mâchoires en leurs noms vis-à-vis d'individus n'ayant pas payé leurs dettes. Il commença à fumer — à boire. Par hasard, il rencontra une nana, une certaine Ivy : même âge que lui, même intérêt quant au fait de vivre sur l'instant présent. Ils se marièrent par défi, l'alcool y aidant et Las Vegas les unissant stupidement. Une fois la bague au doigt, ils ne cherchèrent pas à se dérober à leurs nouvelles conditions. Elle tomba enceinte ; il commença à se ranger, à éviter d'obtenir de l'argent qui nécessitait de faire cracher du sang. Ils commencèrent à songer des prénoms, à faire des plans comme un couple — à visiter des maisons. Cela l'effrayait. Cela lui plaisait. Puis le drame, enfant mort-né, le silence la nuit dans le lit, et la disparition de l'être aimée sans le moindre mot. La rupture fut si soudaine qu'il s'interrogea sur le fait de ne pas avoir rêvé cette vie qu'il possédai. Ce bonheur qu'il avait pu entrapercevoir. Michael replongea dans la criminalité.

Lors d'une mission, à San Francisco, il retrouva Jordane, l'une de ses sœurs. Rousse, sûre d'elle, étant devenue cambrioleuse. Il masqua la partie de son existence où il tuait. Il improvisa des segments ; ils se laissèrent leurs numéros de téléphone, désirant se revoir avec si possible la sœur jumelle de Joe. Mais Charlie était occupée — Charlie s'était fait kidnappée. Michael visualisa la situation : le mari de sa sœur ayant parlé aux mauvaises personnes, accumulant de mauvaises dettes. Il commença à la rechercher ; Jordane insista pour être de la partie. Ils localisèrent la baraque. Il y eut un accrochage. Les balles fusèrent. Michael alignait les victimes, augmentant son compteur. Le sauvetage foira, Charlie se prit une balle. Son époux, William, se fit flinguer aussi. L'échec était total. L'échec était cuisant. Il revint à San Francisco, insista auprès de sa sœur restante pour qu'elle loge avec lui. Les proches qu'il possédait avaient tendance à disparaître. Jordane n'allait pas en faire parti. Il dût s'absenter durant une semaine : une de ses relations le désirant pour un contrat, l'invitant en Allemagne. Une migraine l'accompagna durant tout le trajet en avion. Il débarqua. Le type le rencontra, lui fila une photo — et au dos, l'adresse. La rousse, morte, lui offrirait une somme d'argent à même de lui faire prendre sa retraite. De vivre avec Jordane sans ennui. Il revint en Amérique, préparant le meurtre avec soin : accroc, hélas. La blonde lui plaisait. La blonde était bandante. Il la voulait davantage dans un lit qu'à la morgue. Il contacta son contact, Hans : « Un contre-temps, je ne peux pas agir pour le moment. » fut la seule chose qu'il put dire.

caractère

Il aurait pu être innocent, prévenant, gentil. Et il l'est, en partie, pour sa sœur. Le reste de l'humanité ne peut obtenir de lui que la violence qu'il renferme, que la haine qu'il porte comme une arme à feu en lui. Bien qu'il soit impulsif, Michael parvient à se refréner et à analyser chaque situation qu'il se présente à lui. Son charisme lui a permis de survivre à de nombreuses reprises. L'alcool, par contre, a failli coûter sa vie. Moins alerte, plus avenant, il se retrouve à prendre des risques immodérés, laissant ses pulsions le guider. La femme qu'il aimait, en l'abandonnant, en est venu à le rendre bien plus violent envers la gente féminine. Il n'accorde sa confiance qu'en de très rares occasions. D'abord solitaire, il a dû s'adapter avec Jordane pour l'inclure dans sa vie sans cependant modifier totalement ses rituels, ses habitudes. Tuer ne l'empêche plus de dormir. Et il distille la douleur sans la moindre crainte.