Je venais de m’asseoir sur un siège près de la fenêtre du café pour attendre Keenan lorsqu’un petit sourire nostalgique s’afficha sur mon visage. Appuyé sur un coude et tête posée sur mon poing, j’avais fermé les yeux pour réfléchir aux événements de ces dernières années. Ce qui avait changé, ce qui avait évolué ou régressé, où nous en étions tous aujourd’hui. J’avais des choses à dire, des choses à poser, et Keep était certainement l’une des personnes auprès de qui je voulais le plus m’exprimer. Ses absences à répétition trahissaient plus ou moins son déboussolement actuel, sans aucun doute dû à Sonic, mais il fallait que ça change et qu’il se reprenne, car il en était capable. Il était encore jeune, et la ville regorgeait de jeunes gens vraiment gentils avec qui… il pourrait passer à autre chose.
Quoi qu’il en soit, son envie de me revoir m’avait fait extrêmement plaisir, et j’étais impatient qu’il arrive, ce qui ne tarda pas trop puis-ce que sa silhouette se dessina à travers la porte d’entrée lorsque j’ouvris les paupières. Comme presque à chaque fois que je le revoyais après une longue période de vide, mon regard démontrait un intérêt particulièrement vif pour lui. J’étais assez doué pour camoufler mes émotions de manière générale, ayant prit exemple sur mon père parce que je trouvais que c’était quelque chose de classe de savoir faire ça, mais mes yeux me trahissaient toujours, et là je peux vous assurer que j’étais fou de joie. Lorsque l’homme arriva à ma hauteur, je me suis donc levé pour lui faire une accolade malgré le fait que mon bras gauche était toujours en écharpe depuis deux semaines - je commençais à en avoir sérieusement marre de ça, d’ailleurs -, puis me rassis sagement face à lui.
« Je suis content que tu m’aies tout de suite demandé à ce qu’on se voie… tu m’as manqué. Comment tu vas? »
Retour à San Francisco. J'ai la très nette impression d'en ce moment vivre ma vie en avion. Je dors à Londres pour deux jours et je retourne à SF pour une semaine, dès que j'ai un créneau, je prend un avion et je vais voir Cléo. Je vis entre deux continent, ma vie en mode pause. C'est lassant, mais je lui dois bien ça. Je vis entre Londres et San Francisco pour éviter de voir à quel point tout ça est sur le point d'exploser, de se briser, les tabloïd balançant que je suis The mec idiot qui se fait balader par sa fiancé, le mariage mis sur pause par l'accident de Cléo, ma famille se faisant un sang d'encre, Lilas partant en vrille, Bee' ayant besoin de moi, Eve... je m'arrête à cette pensée, fixant la route un long moment. Non il n'y a plus d'Evelyn. Et Evelyn me ramène à l'éternel sujet qui fâche, l'éternel fléau de ma vie, le grand , le destructeur et plus gros ch*eur, Thompson senior. L'ironie veut que je roule justement en direction d'un café pour retrouver le junior. Et pourtant la sensation n'est pas la même que si je devais alors voir Sonic. De toute manière je n'irais pas le voir, Sonic je n'ai plus rien à faire avec lui. Cet homme que je déteste et ce fils que j'aime plus que tout. Je tourne à l'angle d'une rue, j'aurais du prendre un taxi, mais rouler m'occupe un tant soit peu. J'attends que le feu passe au vert, je baille, je jette un coup d'oeil dans le rétro central, passant une main dans mes cheveux que je devrais coupé. Je me suis rasé, pour pas trop inquiété Robbyn, je vais bien et je sais très bien qu'il pense le contraire. Alors lui montrer un mec qui a mal dormit depuis une semaine, mal rasé et mal habillé, pas la peine. Non impeccablement habillé, jean, veste de blaser et tee-shirt blanc, rasé, tout propre, mais cheveux en bataille. Je me gare.
Je rejette en arrière mes idées noir, et c'est assez facile car la joie de revoir enfin Robbyn est bien supérieur au reste. Trop longtemps qu'on s'est pas vu. Depuis qu'il a déménager de l'appartement, que j'ai laissé tout tombé, que lui aussi je l'ai laissé tomber, comme beaucoup de monde. Ouai trop longtemps. Mais je peux pas supporter d'être à SF sans avoir envie de le voir, sans le voir. Et puis les quelques informations facebookienne que j'ai vu me font me dire que j'ai loupé pleins de trucs auxquels j'aurais du être présent. Je traverse le passage pour piéton et arrivant devant le café je pousse la porte pour regarder les gens assis tous aux tables. Mon regard se pose sur lui, aux yeux pétillants, plus loin. P*tain il m'a manqué ! J'avance remarquant alors son bras en écharpe. WTF ?! Je le prend rapidement dans mes bras, avant de me poser face à lui, heureux. Ouai pour une fois vraiment heureux. Il m'a manqué c'est tout ! Je suis content que tu m’aies tout de suite demandé à ce qu’on se voie… tu m’as manqué. Comment tu vas? Je sourie, ouai moi je suis heureux qu'il est accepté, qu'il ne m'en veuille pas malgré tous. comment voudrais-je ne pas te voir ?!!! Et bien... ma foi je vais bien, je survie fort bien à tout ... ça ! Je sourie avec amusement avant de faire un signe de tête vers son bras. Et toi ?! J'ai beau utiliser facebook je ne suis au courant de rien hormis des informations incompréhensible.
Tout en l’écoutant, je pris soin de l’observer pour m’assurer qu’il ne balançait pas juste des paroles en l’air pour me rassurer. Je n’étais pas stupide et encore moins naïf, alors quand je m’inquiétais pour quelqu’un, la majorité des détails qui pouvaient trahir un mauvais état chez la personne ne m’échappaient pas. Soit Keenan était parfaitement conscient de ça et avait fait en sorte de ne rien laisser paraître aujourd’hui, soit il s’était vraiment remit de sa période sombre. Il n’y avait pas de réelle stabilité dans sa vie, tant « professionnelle » que sentimentale puis-ce qu’il voyageait non stop, et du peu que je connaissais sur l’humain, on ne pouvait pas se sentir posé lorsque les choses ne cessaient de bouger sans jamais s’arrêter. Enfin bon, puis-ce qu’il me disait qu’il survivait, c’est qu’il survivait, je ne chercherais donc pas à connaître les détails plus en profondeur. Et puis nous n’étions pas là pour parler de problèmes, n’est-ce pas? Le mois dernier avait été complètement fou pour moi, il fallait que je lui en fasse part. Pourquoi? J’en ressentais vraiment le besoin, et je voulais voir dans ses yeux le truc après lequel j’ai toujours couru pendant près d’une quinzaine d’années, « Je suis fier de toi ». Il me semble que n’importe quel enfant désire obtenir ça de la part de ses parents, d’ailleurs… et même si Keep n’avait que quelques années de plus que moi, ça ne changeait pas grand-chose à ma façon de le considérer et de me comporter vis-à-vis de lui. Je le respectais comme on respecte son père, et non pas un grand-frère ou son ami. Il avait participé à mon éducation, alors je voulais lui montrer qu’il n’avait pas fait tous ces efforts pour rien. Pour l’instant, je me contentais de suivre son regard jusqu’à mon bras, puis grognais d’un air las.
« C’est… un accident d’y a deux semaines alors que je prenais le bus pour aller travailler. Ca m’embête, je venais juste de… »
Non, évitons de dire que je « venais de sortir de deux semaines d’arrêt maladie », puis-ce que ça allait beaucoup mieux de ce côté-là maintenant que j’avais compris que mon corps avait de nouvelles limites plus restreintes qu’il ne fallait pas dépasser. Inutile de parler de ça.
« Revenir de vacances. Avec mon copain. »
Je souris en haussant les épaules tandis qu’une serveuse s’approchait pour prendre les commandes. Lorsque ceci fut réglé, je repris la parole avec un air légèrement amusé. Jouons un peu.
« De quel genre d’informations facebook incompréhensibles tu parles? »
Je me pose donc face à Robbyn, ne pouvant pas m'empêcher de le détailler des yeux. Heureux. Heureux de le revoir, de le voir le sourire aux lèvres, de le voir après tout ce temps. J'en reviens pas. Si plus le temps avance et plus j'ai l'impression que je n'aurais jamais d'enfant de moi, pour donner le biberon ect et voir grandir, il n'en reste pas moins que je sais a moins ce que c'est d'avoir l'impression d'avoir vu grandir quelqu'un, qui a si bien avancé, quelqu'un comme... Robbyn. Ma fierté malgré tout, même si j'ai rien fait pour lui, même si j'ai pas été beaucoup là, même si je suis pas tellement plus vieux, il en reste pas moins que si j'avais un gosse il serait comme lui. Je débute en parlant de son bras, inquiet quand même, je n'y peux rien, je suis toujours inquiet quand c'est à propos de lui. C’est… un accident d’y a deux semaines alors que je prenais le bus pour aller travailler. Ca m’embête, je venais juste de… Je fronce les sourcils, fixant son bras. Revenir de vacances. Avec mon copain. Son copain ? Ah ouai, ça me revient en tête. Copain jamais rencontré, je me souviens du Andrew duquel il m'avait beaucoup parlé à mon retour dans sa vie, puis de tous les soucis avec... et du copain dont je n'ai jamais vu la tête, à cause de la période disons plutôt mauvaise que j'ai passé. Passons... Ah et quand donc pourrais-je voir cet homme là ? Je demande avec un sourire curieux et rieur.
De quel genre d’informations facebook incompréhensibles tu parles? Je le regarde il me sourit amusé et moi je fronce les sourcil. Il joue ? Tel un gosse il est là, pourtant tout calme, mature, tellement... devenu un homme. Une Melodie, des histoires de bébé et je ne sais un peu trop compliqué pour comprendre via facebook ... tu m'expliques ? Je lui sourie faisant signe au serveur de venir pour commander.
Quand? Quand il aurait le temps entre deux de ses voyages, tiens… je ne connaissais pas l’emploi du temps de Kennan, mais il devait certainement ressembler à celui d’un ministre, vu que je n’avais presque jamais aucune idée de l’endroit où l’homme se trouvait. Cela ne m’empêchait cependant pas d’avoir envie de lui présenter Yuri impérativement. Après tout, ils avaient toutes les bonnes raisons de bien s’entendre puis-ce que leurs caractères se rapprochaient plus ou moins. Et puis c’était normal, j’étais avec lui depuis un mois et demi maintenant. Dit comme ça, ça ne paraissait pas beaucoup, et pourtant il s’était passé suffisamment de choses en si peu de temps pour que l’on soit devenus accros l’un à l’autre. Relation difficile à comprendre de l’extérieur, il fallait le vivre, pour pouvoir dire « ah oui, en effet… ». Et puis pour vous rassurer, on se connaissait déjà depuis un moment avant ça.
« Préviens moi quand tu as du temps et je t’invite à la maison! Tu verras, il est vraiment très gentil. »
Mon sourire ne s’en allait plus. Ouais, on avait du temps à rattraper, j’en avais la preuve maintenant. Il fallait que je mette Keep à jour avec un lot de « bonnes nouvelles », ça lui changerait de ce qu’il vivait au quotidien, j’imagine. Après le passage du serveur, je me suis un peu redressé en prenant le temps de penser à ce qu’il fallait que je dise en premier. C’était dur, tout me semblait important, commençons donc par le commencement, chronologiquement parlant.
« C’est à peu près ça… Evelyn m’a légué la garde de sa fille, elle est chez moi depuis quelques temps maintenant. -heureusement que Yuri savait s’y prendre, parce que j’avais quelques soucis avec l’autorité en raison de mon ancienne relation avec la petite- À la base, mon copain voulait passer à l’adoption un jour, mais c’est tombé comme ça avec Mélodie, et je pense que c’est pas plus mal. »
Je fis une pause. Ensuite, quoi? J’ai tapoté mon poing sur la table tout en réfléchissant, puis finalement levé la main droite devant lui pour lui présenter un petit objet que j‘avais à l‘annuaire depuis cinq jours maintenant - oui c'est à gauche normalement mais disons que mon bras est H-S pour le moment-. J’aurais pu être impatient de voir sa réaction, mais en fait c’était tout le contraire. J’étais super nerveux, et un peu attristé, parce qu’il ratait plein de choses et que moi je voulais qu’il les vive en même temps que tout le monde. Encore là, y’avait pas trop de retard, ça allait… mais j’attendais les commentaires. Cependant, si même Sonic n’avait pas eu de réaction « normale » -de sa part- en me disant que c’était bien trop précipité, je pense que je n’avais pas trop à m’inquiéter de ce que dirait Keenan, non? C’était plus fort que moi, j’avais BESOIN qu’il approuve, lui aussi, besoin de le sentir derrière moi malgré ses soucis personnels. Comment l’expliquer… c’était difficile, mais depuis qu’il avait refait surface dans ma vie, je le considérais avec tout autant d’importance qu’il y a dix ans. C’était resté intact, son souvenir ne pouvait pas s’en aller de ma mémoire, il faisait partie de ce que je suis aujourd’hui.
Regardant le serveur venir prendre notre commande et s'éloigner par la suite, je retourne de nouveau mon visage vers Robbyn pour lui demander quand je pourrais enfin faire la rencontre de ce merveilleux garçon comme il semble l'être. Non je ne veux pas gérer sa vie et vérifier ces fréquentations, loin de moi cette idée, je veux juste rencontrer le garçon qui semble lui apporter du calme dans sa vie et un sourire qui me rend heureux rien qu'à le voir sur ses lèvres. Préviens moi quand tu as du temps et je t’invite à la maison! Tu verras, il est vraiment très gentil. Je sourie, ouaip j'avoue qu'en ce moment je suis guère présent, voir mes amis est devenu un réel défis, entre Londres et SF et aussi le travail, je crois que j'ai du mal à me poser. J'en suis même venu à arrêter de sortir tout les soirs, chose que pourtant je faisais depuis des mois. Pas de soucis, je vais vite essayer de rendre mes emplois du temps plus calme... Mais je te crois, je suis sur qu'il doit être génial !
C’est à peu près ça… Evelyn m’a légué la garde de sa fille, elle est chez moi depuis quelques temps maintenant. À la base, mon copain voulait passer à l’adoption un jour, mais c’est tombé comme ça avec Mélodie, et je pense que c’est pas plus mal. Mélodie, fille de Evelyn et donc de Sonic ? Je ne demande pas, dans un sens je veux même pas savoir la réponse, peu importe le sang si ce sont Robbyn et Yuri qui l'élèvent et s'en occupe elle ne peut qu'être adorablement parfaite. Je fixe Robbyn néanmoins assez surprit de le voir dans un rôle de père, alors que sans être méchant je le voyais déjà pas être le genre à réussir à s'occuper de lui. Mais je dois l'avouer, il a grandit, et déjà rien qu'en quelques minutes je peux le voir. C'est dingue... j'ai l'impression d'être un vieux quand je me dis que tu t'occupes d'une petite fille et tout... Je réponds en riant quelque peu. Il semble chercher tout ce qu'il y a de nouveau dans sa vie et d'un seul coup il brandit sa main droite et je le fixe surprit mon regard fixant ses doigts. Et l'anneau à l'annulaire. Malgré la mauvaise main, je n'ai aucun mal à comprendre où il veut en venir, et sa phrase ne fait que le confirmer. …il m’a demandé Mercredi ! Marié ! Enfin fiancé ! Un gosse, en couple et heureux. Je m'arrête sans savoir que dire. Waow c'est... Génial ?! Le mot n'arrive pas vraiment à sortir de mes lèvres. Non je trouve ça vraiment bien, d'un seul coup je me sens tellement ravis pour lui de le voir si heureux, de voir sa vie enfin devenir génial au point de ressembler un film romantique et tout... Seulement ça me renvoie brutalement au fait que je suis bien plus âgé, que je ne suis même plus fiancé - et encore j'étais fiancé à ma meilleure amie - je n'ai pas d'enfant et rien d'autre. Je me mors la lèvre avant qu'un sourire ravis éclaircisse mon visage. Pas la peine de penser à ça, c'est le bonheur de Robbyn et ça me comble totalement. Félicitation, je suis tellement ravis pour toi... c'est super ! Je reprend en souriant.