Des fois, je me demandais bien si j'étais saine d'esprit. A chaque fois que je débarquais dans une maison, j'invoquai les esprits. J'avais sûrement des passions de folles, mais j'y croyais vraiment à ces délires sur la magie, ces légendes toutes extraordinaires et impossibles les unes des autres. Ma grand-mère était morte il y avait deux ans, et elle se disait sorcière. Je l'ai toujours cru. J'étais devenue une adepte des séances de ouija et autres coxigrues, qui n'en étaient pas pour moi! A présent ma chambre sentait la fumée des bougies que j'avais éteinte. J'étais sortie de sous ma cachette, et j'avais rallumé la lumière. Le problème avec les invocations des esprits, c'est que quand ça fonctionnait... Je flippais. Lorsque j'avais vu mes cours tomber volontairement sur le plancher et mon lit se défaire, et bien, j'étais partie à l'abri. (Comme si ça servait à quelque chose!) J'avais parlé un petit instant à ma cousine via mon portable sur facebook et elle avait du me prendre pour une folle, en lui disant que j'étais planquée sous mon lit. J'avais ensuite proposé à Kellen s'il ne pouvait pas passer à l'appartement, étant donné que Ryan comptait sortir avec un ami. Ce Kellen, je l'aimais bien, et j'aimais m'amusais avec lui. Je pense qu'il avait des vues sur moi, ça me paraissait évident, et ma cousine pensait à la même chose. Il ne connaissait pas mon orientation sexuelle, et grâce à ça, je pouvais peut-être encore jouer avec lui. Je ne faisais pas cela pour me moquer de lui, ou être méchante... Je trouvais juste cela amusant.
Après vingt minutes de squattage sous mon lit, je sortis enfin. Je rallumais les lumières, ouvrais la fenêtre en me demandant pourquoi ce soir-là, j'avais donc vu un esprit se manifester. Comme dans les filmes d'horreurs, je me demandais si l'appart de ma cousine n'était pas hanté par un truc... Bon, je m'occuperais de ça plus tard. Je partis me recoiffer et me maquiller (j'avais pas l'habitude de faire ça pour un mec). Kellen n'allait pas tarder. Et j'avais raison! Je n'avais même pas eu le temps de manger un morceau, mais ça m'arrangeait, je n'avais pas spécialement faim. Je me déplaçais vers la porte d'entrer pour ouvrir au jeune homme « Coucou, Kellen! » Dis-je avec un grand sourire. Je le laissai rentrer par la suite chez moi.
Indiana. Cette fille était encore trop un mystère pour moi. Je la connaissais à peine et ma façon de l'aborder avait été pour le moins...stupide et peu commune. Cela avait au moins eu le mérite de payer, mais en comparaison avec mes méthodes habituelles, ceci était de loin la chose la plus stupide et lâche que je n'aie jamais faite. J'avais en effet été chercher la Wilson sur Internet, après l'avoir aperçue -ok, j'avoue observée longuement- dans ce club où elle travaillait un soir. Pourquoi ne pas l'avoir abordée en vrai? Je ne sais plus. J'étais avec des amis, elle travaillait et...Très sérieusement, elle hypnotise. Si par malheur tu viens à poser tes yeux sur elle, t'es perdu. Je ne plaisante pas. D'habitude, je laisse difficilement transparaître mes émotions. Je suis un mec difficile à déstabiliser et qui garde la face peu importe la situation. Eh bien depuis Indiana, j'ai découvert qu'en réalité, mon système comportait des failles. En sa présence en tout cas. Dans le genre que je pouvais m'arrêter en plein milieu d'une phrase sans m'en rendre compte pour la regarder servir une boisson. Bravo Kellen! Si avec ça mes potes ne m'avaient pas démasqué, ils devaient vraiment être stupides. Quoiqu'il en soit, ils n'ont fait aucune remarque -et je crois qu'il en est mieux ainsi. Bref, une fois le précieux sésame décroché -à savoir le compte Facebook de la jeune femme- je n'y suis pas allé par quatre chemins. J'ai fait passer deux infos clés :
1 - Tu as perturbé toute mon existence en une soirée. 2 - Nous devons nous revoir.
Et ce n'est que par la suite que j'ai réalisé que je devais vraiment avoir l'air d'un flippant pervers du net. Et je me demande toujours comment cela se fait-il qu'elle ne m'ait ni jeté, ni insulté, ni bloqué. Sérieusement, j'ai agi de façon flippante pour n'importe quelle nana normalement constituée (en réalité j'avais juste été lâche, et j'en suis peu fier). Et si la belle brune avait bien voulu de moi, c'était justement parce qu'elle n'était pas normalement constituée. Physiquement, si. Mais dans sa tête, j'allais vite me rendre compte qu'elle n'était définitivement pas une fille ordinaire. Bref, après la première approche sur le net, nous avions fini par nous revoir (assez rapidement d'ailleurs) pour passer une très agréable soirée. Le courant était tout de suite bien passé entre-nous. En général, je m'entends bien avec tout le monde, mais Indiana n'était pas tout le monde, alors forcément j'angoissais un peu au début. Oui j'ai dit ça. Qui eut cru? Alors nous décidâmes de nous revoir encore une fois. Et cette fois-ci, elle me proposa de la rejoindre à son appartement. Elle était seule ce soir-là, et j'avoue que l'absence de sa colocataire -et aussi cousine, si j'ai bien compris- m'enchantait assez. Non pas que j'aie des idées déplacées derrière la tête, loin de là, mais je n'avais pas encore suffisamment passé de temps seul avec la demoiselle pour pouvoir l'affronter sur son territoire en présence d'une alliée. Riez, si vous voulez, c'est comme ça que je voyais et ressentais les choses à ce moment-là.
Une fois arrivé, mon hôte m'invita à entrer avec un énorme sourire. Elle souriait parfaitement bien. Avant que la porte ne s'ouvre, je me sentais bien, tout plein d'assurance, en vrai Kellen West qui se respecte, mais une fois que j'ai vu Indiana j'ai eu l'impression de me dégonfler, comme quand on ouvre un ballon de baudruche. Cette fille me faisait décidément trop d'effet. Je ne savais même plus où me placer. J'essayai toutefois de garder un minimum de classe et d'assurance, parce que j'avais une certaine image à conserver. Néanmoins, au plus profond de moi-même, c'était la folie.
"ça va?". Parvins-je à articuler, mains dans les poches, en feignant la désinvolture.
J'étais pas un peu chienne sur les bords? Si, sans doute. Mais c'est ça qui faisait que l'on m'aimait, haha. Je n'avais jamais nié le fait que j'étais joueuse, ou même charmeuse. Pour tout dire, ce n'était pas la première fois qu'un homme tombait dans mes filets (alors que je n'avais rien fait pour le chercher) et ce n'était pas la première fois que j'y jouais. J'avais déjà embrassé des garçons pour m'amuser, mais je n'avais jamais... Sauté le pas. Il y a encore quelques années, j'étais vraiment écoeurée à l'idée de toucher un garçon. Lorsque mon meilleur ami m'avait embrassé puis touché, je m'étais mise à hurler et pleurer. A cette époque-là, j'étais garçonphobe, ce n'était pas possible. Tout ça à cause de mon putain de père, de son putain de film, de sa putain de dépendance à l'alcool, de sa putain de méchanceté envers ma famille. Qu'il aille crever en Enfer! J'avais rompis tout contact avec lui depuis son départ, et le divorce, alors que Dakota, ma grande soeur avait essayé de reprendre contact avec lui, il y a quelques mois. Et en grandissant, mûrissant, ma haine envers les garçons avait diminué. Pour preuve, comme je le disais, je m'étais déjà amusée à allumer des garçons et encore maintenant, un garçon du prénom de Kellen me suivait! Je n'étais donc plus autant effrayée que ça des hommes, mais toutefois, je restai vigilante. Puis, les garçons ne m’intéressaient pas, j’étais à 100% lesbienne et je le valais bien. Il m’était quand même arrivé de faire un coup de pute à un ancien professeur de lycée. J’m’en souviens comme si c’était hier. J’avais eu une mauvaise note en mathématiques, j’étais donc allée voir le prof en fin de cours, pour essayer de comprendre le pourquoi du comment, je me sortais avec un D à son devoir. J’avais toujours été bonne élève, mais depuis que j’avais commencé l’année avec lui, je me rétamais tout le temps. J’pensais que c’était une haine personnelle. Il ne devait pas m’aimer. L’homme m’avait donc dis que c’était mort pour qu’il me change ma note, je m’étais donc mise à hurler. Le jeune prof n’avait rien compris à sa vie. Je m’étais enfuie de la classe, racontant à tout le monde que j’avais failli me faire violer. Le pire dans tout ça, c’est qu’on m’avait cru… Juste une phrase juste un mensonge avait ruiné la réputation de ce professeur. Ensuite son renvoir. OK. J’avais peut-être été trop fort, juste pour des notes, j’étais vraiment égoïste… Mais je n’avais jamais rien avoué, et un an plus tard je quittais le lycée pour l’université, alors…
Revenons à nos moutons. J'avais ouvert la porte à Kellen, accompagnée d'un jolie sourire. Je l'observais, il avait l'air... Enfin disons que j'avais l'impression qu'il était un peu gêné. Il me demanda si j'allais bien. Ca va? « Oui très bien, et toi? » Ce soir, j'avais envie de rigoler un peu. C'est pourquoi j'avais mis un débardeur assez échancré sur le côté, afin qu'on puisse apercevoir mon soutien-gorge et si je me baissais, je ne vous expliquais même pas! On verrait sûrement un peu mes seins, et au niveau de dos, on remarquerait peut-être mon string qui dépasse de mon slim. Mais non, mais non, je n'étais pas une pétasseuh. Ni une allumeuse. Bon, je retire, oké, j'étais peut-être une allumeuse, un petit peu. « Tu peux aller t’asseoir sur le canapé, si tu veux! Tu veux boire quelque chose, peut-être? Bière, coke, j'sais pas? » Il me répondit ce qu'il voulait boire [t'as pas le choix désolée xD] Je partis donc vers le frigo, pendant qu'il s'installait sans doute sur le sofa. Je pris nos deux boissons en me penchant bien en avant. Looooook my ass baby! Intérieurement, je rigolai. C'était trop méchant ce que je faisais. Chose de faite, je repartis vers le jeune homme, et posai les boissons sur la table basse... En offrant une belle vue sur mon décolleté.
Pas le temps de me remettre de mes émotions (c'est à dire, me retrouver face à Indiana. OUI, j'ai mes moments de faiblesse. C'est rare, mais ça arrive), elle me proposait déjà de m'asseoir tout en me demandant ce que je voulais à boire. Cela faisait juste un peu trop d'informations à assimiler. En soi, non, bien-sûr, ce n'était pas compliqué de s'asseoir sur un sofa et dire « je veux bien une bière s'il te plait ». Sauf que là, mon esprit était encore bloqué sur le visage souriant de la jeune femme à l'entrée et voilà que...Que mes yeux louchaient sur son joli arrière-train qu'elle exposait visiblement fièrement en allant chercher à boire. Il fallait que je me ressaisisse ! Donc bah...J'ai détourné le regard, faisant mine d'être extrêmement intéressé par ce... splendide biblot -D'accord, il était moche et je ne comprenais pas du tout ce qu'il représentait. La Wilson revint bientôt à moi avec ma bière. Alléluia, j'allais pouvoir un peu me détendre. Enfin j'aurais pu, si elle n'avait pas eu la fabuleuse idée de promener son généreux décolleté sous mes yeux. Je déglutis. Elle était dingue de faire ça, mais qu'est-ce qui lui prenait?! Je rougis légèrement et puis...ILLUMINATION! En fait, je venais de comprendre. Elle faisait exprès. Elle voulait m'allumer, il n'y avait aucun doute là-dessus. Je n'allais tout de même pas perdre la face dans son petit jeu ! Je me redressai alors sur son siège et l'observai avec attention : mouvements presque ralentis et légèrement excessifs, sourire en coin, ton de voix faussement désinvolte... Il n'y avait plus aucun doute, elle me cherchait. Je décapsulai donc ma bière, avec grande attention (ça c'était pour éviter de trop repenser au décolleté...Hum.) et tentai d’entamer une discussion.
« Alors heum...comment ça va depuis la dernière fois ? »
Très intéressant, je vous l'accorde. Pour sauver ma face, je tâchai de prendre mes aises sur le canapé en fixant Indiana du regard. Un regard...pour le moins lourd de sens. Après tout, c'était elle qui avait commencé, elle qui m'avait cherché, donc elle qui me trouverait. Et c'est en tentant de trouver LA bonne stratégie d'approche que...TOUT CA me revint. Par tout ça, je voulais dire...Je me suis soudainement souvenu de cette information que mon cerveau avait pris le soin de planquer comme il se devait dans un coin sombre et quasiment inaccessible, cachette que certaine de mes neurones venaient visiblement de retrouver. Il me semblait que – à moins que mon imagination me joue des tours – ma jeune proie était...Disons qu'elle et moi ne partageions pas le même bord. Okay. Elle était lesbienne, voilà, c'est dit. À cette pensée, j'avalai de travers et manquai de m'étouffer. Une grosse quinte de toux me prit et interrompit le silence religieux qui régnait depuis...trente secondes ?
« Tout...va bien », parvins-je à articuler entre deux toussotements.
Je levai le pouce pour illustrer mes propos. Même pas vrai que j'allais bien. Mon monde venait juste de s'effondrer, j'étais en train de tomber raide dingue sous le charme d'une lesbienne qui avait l'air de bien se foutre de ma gueule, ma dignité venait de se prendre un grand coup. Un énorme coup même. Un PUTAIN de coup. Je n'allais jamais m'en remettre. Du moins c'était ce que je pensais à ce moment-là.
Je lui en voulais. Ok, je ne lui en voulait pas tant que ça, elle ne m'avait pas caché son homosexualité, j'avais simplement oublié ce « détail ». Je lui en voulais quand-même de se jouer de moi comme ça. Mais qu'est-ce qui lui prenait ? Elle était peut-être naturellement comme ça ? Ca se trouvait, oui étant donné qu'elle savait pertinemment qu'elle m'avait fait part de son orientation sexuelle. Sinon pourquoi essayerait-elle de m'allumer, cela n'avait aucun sens ?! Néanmoins, je ne pouvais pas poser de question à ce propos, je perdrais encore plus la face. Il me fallait trouver autre chose.
« Je peux fumer à l'intrieur ? » sollicitai-je.
Sans même attendre de réponse, j'allumai quand-même ma cigarette. D'accord, c'est mal ce que je venais de faire mais., elle se fichait de moi, je me fichais d'elle, voilà. À différente échelle, voilà tout. Bon, d'accord, minable excuse. En fait je suis juste mal élevé, et j'ai zappé sa réponse. Ouais...
Alors. Jouer la carte de la franchise ou non ? Elle avait l'air de bien s'amuser avec son petit manège. Et...Et peut-être bien que Kellen voulait s'amuser aussi. Après tout, je n'y perdais rien. Du moins, je ne perdais rien à essayer. Indiana faisait la maline, je faisais donc mine de mordre à l'hameçon...Et voir où tout ceci me mènera. Où tout ceci nous mènera... .