Rabat, 17 septembre 1980. L'air est frais, parfumé de milles et une senteur et il transporte avec lui des cris de joie et des éclats de rire. Des lumières et des couleurs merveilleuses s'élèvent d'une salle gigantesque dans laquelle retentit de la musique et les mêmes cris de joie. C'est la fête aujourd'hui pour les familles Neijib et Bensalah : leurs enfants Salma et Adhir renoncent à leur vie d'avant et décident de s'unir par le lien du mariage après de longues négociations. Elle est magnifique drapée dans tous ces riches tissus et arbore un sourire resplendissant, tout à fait de circonstance. Lui, l'un des plus bel homme de la ville est aussi très beau dans sa tenue du jour. Il est fier et souriant. Dans ce mariage, il n'est pas question d'amour ou de passion, mais tout simplement d'intérêts financiers. Les Neijib et les Bensalah font partie des familles les plus aisées de Rabat et quoi de mieux qu'un contrat de mariage pour protéger leur patrimoine personnel et assurer la pérennité des générations à venir ? Salma et Adhir se soumettent de bonne grâce à ce contrat, bien que la belle fut déjà amoureuse d'un autre jeune homme, beaucoup moins aisé.
Le jour du mariage est donc un jour de réjouissance pour tout le monde. Cependant, Salma n'a pas le cœur en joie : Thaar, l'homme qu'elle aime s'est invité aux noces et assiste à ces réjouissances, le coeur peine, la plongeant dans une profonde tristesse. Elle la camoufle du mieux qu'elle peut, mais Adhir remarque bien qu'elle n'est pas si heureuse que ça, bien qu'il n'en connaisse pas réellement la raison. Mais tant pis. Il en sera ainsi de toute façon...
Rabat, 29 septembre 1980. C'est un bien triste jour pour Salma de retour de son grand voyage de noce : Thaar, s'est donné la mort après son départ, car il ne supportait pas de la savoir avec un autre. Le choc ! Étant mariée, elle ne pouvait pas montrer sa tristesse et encore moins porter son deuil... Pas facile. Elle pleure toutes les larmes de son corps quand elle est seule et fait comme si de rien était en présence de son mari ou de sa famille, mais cette mort la marquerait à vie...
Rabat, 4 aout 1982 C'est un merveilleux jour pour le couple Neijib : la naissance de leur fils Thaar. Non vous ne rêvez pas, elle l'avait appelé du nom de son premier (et unique) amour. Adhir n'était bien évidemment pas au courant de la signification de ce prénom pour elle, il le trouvait jolie et il n'alla pas chercher plus loin que ça. De plus, il souhaitait vraiment avoir un fils pour assurer sa descendance (pour transmettre son nom de famille en tout cas), il était donc ravit.
San Francisco, 23 février 1984. La famille Neijib emménage dans une immense villa dans la belle ville de San Francisco, les affaires les ayant contraint à s'installer aux Etats-Unis. Adhir passe son temps à voyager dans tout le pays et Salma se retrouve seule avec son garçon, loin de ses proches et de ses amis et de son pays, elle se sent plus que seule et se raccroche comme elle peut à son fils de 2 ans à l'époque. Elle ne cesse de penser à Thaar (le premier Thaar) et imagine comment sa vie aurait été avec lui. Le petit Thaar ne comprend pas pourquoi sa maman est si triste ce qui lui pèse beaucoup...Peut être qu'elle n'aurait pas dû l'appeler ainsi...Il lui rappelle sans cesse cette mort si soudaine. Sa présence rouvre à chaque fois un peu plus la plaie béante présente dans son coeur depuis si longtemps.
Adhir quant à lui est assez dur avec son fils afin d'en faire un homme, un vrai, digne de la famille et des traditions dont il va hériter un jour.
Rabat, 17 septembre 1989. Salma a laissé Thaar alors âgé de 7 ans avec son père et est retourné dans son pays natal pour mettre au monde leur deuxième enfant, une petite fille du nom de Newel un vrai petit trésor (quoi, je me lance des fleurs ? Non pas du tout ^^ ). Elle reprend des forces et soigne un peu ses blessures auprès de ses proches avant de rentrer chez elle. Une fois à la maison, Adhir découvre enfin sa petite princesse qu'il choie et couvre de cadeau et d'amour durant toute son enfance. Thaar quant à lui ne prend pas cette arrivée comme une bonne nouvelle, surtout quand il voit la différence de traitement entre eux deux. De plus, son père exige de lui qu'il soit le grand-frère parfait avec cette petite termite...La plaie !
San Francisco, 17 mai 2010. Voici donc un rapide résumé de l'histoire de mes parents, qui explique totalement mon histoire d'aujourd'hui. Étant la cadette, j'ai toujours eu tout ce que je voulais, mais en grandissant je me rends compte que la facilité ne me plaisait pas tant que ça, que je voulais accomplir certaines choses par moi-même. Mon cursus scolaire fut tout ce qu'il y a de plus exemplaire : toujours dans les premières de la classe et la parfaite petite élève, tous les enseignants étaient littéralement gaga de moi. Mais ce statut de petite chouchoute, finit rapidement par me taper sur les nerf. Cependant, je ne fais rien pour m'en dépêtrer, car s'était ce que j'étais dans le fond.
A 16 ans, mon père accepte que je prenne mon premier petit boulot, après de longues négociations, car il ne voulait pas que sa petite princesse s'abaisse à ce niveau. Pourtant, s'était ce que moi je voulais et étant plutôt têtue et déterminée, il était bien obligé de me céder. Je commence donc en tant que serveuse dans un petit restaurant plutôt minable il faut le dire, mais c'était très bien pour moi. J'avais le sentiment d'être indépendante et il ne m'en fallait pas plus pour être heureuse. Cette première expérience fut suivie d'un bon nombre d'autre expérience plus ou moins exaltantes qui m'apportèrent une certaine maturité. De ce fait, ma relation avec Thaar s'améliora considérablement, car il avait beaucoup moins l'impression que j'étais une pauvre petite chose sans défense qu'il fallait systématiquement qu'il protège. Cependant, ma relation avec mon père me permit de garder un certain côté enfantin que je n'ai que dans ma famille et avec mes proches.
A 18 ans, ma mère tombe gravement malade (leucémie) et sur son lit de mort, elle me raconte son histoire et me fait promettre de n'en parler à personne. Elle me fait également lui jurer de ne pas laisser passer l'amour le jour ou il croisera mon chemin. Je réalise alors que mes parents ne s'aimaient pas tant que ça et que leur histoire n'était qu'une illusion. Cependant, l'histoire de ma mère et Thaar me fait espérer en l'amour. Chaque personne n'a qu'un seul grand amour et il ne faut pas le laisser passer. Je n'ai donc jamais aimé personne, bien que j'ai eu quelques histoires et j'attends de voir ce que l'avenir me réserve de ce point de vue la.
Je suis donc la gardienne du secret de ma mère ce qui n'est pas facile à vivre, mais il faut bien, je lui ais promis...
Quelques temps après la mort de ma mère, Thaar se lança dans les affaires avec mon père et retourna au Maroc. Je ne l'ai pas revu depuis. Pour ma part, alors que je travaillais comme secrétaire dans une agence d'évènementiel, le responsable de l'agence qui avait besoin d'aide pour une soirée importante me donna ma chance : inutile de dire que j'ai tout déchiré !! Depuis, je suis une des meilleures employées de la boite et le tout sans diplôme universitaire (l'université très peu, j'ai besoin de bouger).
Je suis toujours en très bon contact avec mon père que je visite assez souvent. Etrangement, bien que je n'y ai jamais vécu, le Maroc à une grande place dans mon coeur et j'y retourne dès que mon emploi du temps bien chargé me le permet. A chaque fois que j'y suis, j'essaie de voir Thaar, mais il a toujours de bonnes raisons pour m'esquiver...Tanpis, ce n'est que mon grand-frère après tout...
Je vis donc toujours à San Francisco où ma carrière décolle bien. Ma mère me manque souvent...J'aurais eu tellement de questions à lui poser... J'aurais tellement aimé lui parler d'Ozzie, ce garçon incroyable que j'ai rencontré à Cabo et que j'ai retrouvé par hasard ici (il est le fils d'un de mes plus gros client). Je ne sais pas quoi faire ni quoi penser...Si seulement elle était là, elle m'aurais surement aidé à y voir plus claire...Mais comme elle n'est plus, je vais devoir essayer d'éclaircir tout ça toute seule, il n'y a pas d'autres choix !