Il était près de 3 heures du matin et pourtant, Jordan ne dormait toujours pas. En réalité, elle n’y arrivait pas. Ça faisait maintenant près de trois ans qu’elle était une fugitive et rares étaient les nuits où elle parvenait à dormir sur ses deux oreilles. Le moindre bruit la faisait sursauté et des bruits, ce n’était pas ça qui manquaient dans le motel miteux qu’elle était parvenue à se trouver deux jours plus tôt. Parce que oui, bouger était primordial dans le cas de Jordan… c’était ça ou courir le risque que quelqu’un ne la reconnaisse et n’alerte les flics. De plus, elle ne comprenait toujours pas pourquoi elle n’avait pas quitté San Francisco. C’était devenu risqué pour la jeune femme de rester là. Pas en sachant que celui qu’elle… aimait, savait qui elle était… et qu’il n’avait rien trouvé de mieux à faire que de la dénoncer à ses copains. Il était flic. Quelle idée aussi de tomber sous le charme d’un poulet! Ce qu’elle avait été idiote! Il aurait fallut qu’elle quitte San Francisco, mais elle ne l’avait pas fait. Qu’espérait-elle? Retomber sur Alexys? Qu’il lui dise qu’il avait enfin compris qu’elle n’était pour rien dans ce meurtre qu’on l’avait accusée d’avoir commis? Bah voyons! Si jamais il lui remettait la main dessus, elle finirait pour de bon dans une cage. Très peu pour elle! Il n’y avait pas une journée où Jordan ne regrettait pas de lui avoir accordé sa confiance, de l’avoir laissé s’approcher suffisamment pour qu’elle tombe sous le charme. Il était aussi la seule personne à San Francisco à connaitre son véritable prénom. Pour tous les autres, elle était Savannah. Mais pourquoi n’avait-elle pas eu la présence d’esprit de se pousser loin de lui lorsqu’il lui avait dit qu’il était policier durant une de leurs conversations? Tout simplement parce qu’elle était sous le charme! Imbécile!

Jordan était assise sur le rebord de la fenêtre et regardait les voitures défiler, se demandant si elle ne ferait pas mieux de quitter San Francisco. Ça faisait des semaines qu’elle se posait la même question. Elle savait que c’était ce qu’il y aurait de mieux à faire dans sa situation, mais… Elle n’arrivait pas à s’en convaincre. De toute manière, à près de 3 heures du matin, il était trop tard pour songer à bouger. Il aurait fallut qu’elle parte lorsque la nuit était tombée, c’était plus prudent, mais au moment de quitter sa chambre, elle avait poussé un soupir et décidé de rester. Elle en était là dans ses pensées lorsqu’elle entendit le bruit d’une sirène de voiture de police. Venaient-ils pour elle? L’avait-on reconnue sans qu’elle ne s’en rende compte? Si oui, il faudrait que Jordan recommence à se balader avec sa perruque blonde et ses gros verres fumés qui lui cachaient la moitié du visage. Par cette chaleur, la perruque serait une vraie torture…

Comment en était-elle arrivée là? Ça, c’est une longue histoire, alors prenez un siège et installez-vous confortablement, parce qu’une fois lancée, l’histoire ne s’arrêtera pas en cours de route…

Enfant de Mark et d’Emily Fletcher, élevée par sa grand-mère, Jordan n’a pour ainsi dire jamais connu ses parents. Elle était bébé lorsque les Services Sociaux l’avaient confiée aux bons soins de sa grand-mère maternelle. Eh oui, Mark avait battu sa femme à mort un soir qu’il était trop ivre pour se rendre compte de ce qu’il était entrain de faire. Selon les témoignages des voisins, il l’avait accusée de lui être infidèle alors que c’était lui qui était incapable de ne pas courir après tout ce qui portait un jupon. Et il avait bien-entendu tout mis sur le dos d’un pauvre bébé effrayé qui ne cessait de pleurer. Il avait pris la mauvaise habitude de taper sur sa femme dès qu’une chose ne faisait pas son bonheur. Et ce soir-là, il avait frappé un peu plus fort que d’habitude. Ou bien était-ce la fois de trop? Enfin! Le résultat était là. Emily était morte durant son transport en ambulance et on avait confié l’enfant aux Services Sociaux de New York avant de la rendre à sa grand-mère.

Autant dire qu’à l’exception de sa grand-mère, Jordan n’a aucune famille. Enfin, si. Un demi-frère et une demi-sœur que son père a eus d’une autre femme suite à son remariage, mais Jordan n’a pas très envie de faire leur connaissance. Ils vivaient à San Francisco eux aussi. C’était là que son paternel avait décidé d’emménager après avoir été libéré de prison pour bonne conduite. Bah oui. Tuer quelqu’un, c’est quelque chose de bien? Il ne mérite pas de rester enfermé plus longtemps? C’était risible! Certes, ils avaient un père en commun, ce dernier avait harcelé la grand-mère de Jordan pour que cette dernière fasse leur connaissance, mais c’était sans compter sur la tête dure de la fillette qu’elle était alors. Elle n’avait pas encore 5 ans qu’elle avait dit à sa mamie qu’elle ne voulait jamais voir son géniteur et sa nouvelle famille. Il avait fait du mal à sa maman et ça, jamais elle ne le lui pardonnerait. Parce que non, sa grand-mère ne lui avait jamais caché ce qui s’était passé ce soir-là. Évidemment, elle n’était jamais entrée dans les détails, se contentant de dire à sa petite-fille que son papa avait fait du mal à sa maman. Qu’aurait-il fallut lui raconter sinon? Jordan n’était pas idiote! Elle n’était bien rendue compte que ses amis vivaient avec leurs deux parents et qu’elle, c’était chez sa grand-mère qu’elle habitait! Même du haut de ses 4 ans, elle s’en était rendue compte!

A l’exception de son père qui voulait absolument qu’elle rencontre sa nouvelle famille, la vie de Jordan était géniale. Sa grand-mère - qu’elle appelait Mamie en tout temps, mais qui répondait au nom de Charlotte Porter - était une femme formidable. Elle l’avait élevée du mieux qu’elle le pouvait, lui donnant tout ce qui était dans ses moyens. Mrs Porter savait bien que ce n’était pas toujours très bien de sa part de donner à sa petite-fille presque tout ce qu’elle demandait, mais à chaque fois, elle avait un pincement au cœur en songeant à tout ce que cette enfant ne pourrait vivre auprès de sa mère… Et à chaque fois, elle finissait par céder. Et il fallait dire que la petite Jordan ressemblait trait pour trait à sa maman, aussi en regardant sa petite-fille, Charlotte avait toujours l’impression de voir sa fille décédée bien trop tôt, privant ainsi son bébé de sa présence. Aussi Charlotte compensait-elle cette cruelle absence du mieux qu’elle le pouvait. Inscrire sa petite-fille dans un des meilleurs établissements scolaires de New York avait été une des décisions qu’elle avait prise et sur laquelle elle s’était montrée inflexible. Parce que oui, une école privée, ce n’était pas pour plaire à la petite Jordan, mais sa Mamie avait décidée qu’elle ne céderait pas. Elle cédait pour bien des choses, mais l’instruction, ça jamais.

Les écoles privées, c’était bien joli durant un temps, mais adolescente, Jordan avait décidé qu’elle voulait aller à l’école publique. Elle était un peu trop garçon manqué pour les petites filles de bonnes familles qui fréquentaient la même école qu’elle. Malheureusement pour elle, sa grand-mère avait été inflexible sur le sujet, aussi Jordan dû-t-elle reprendre la route du collège privé. Mais légèrement rebelle sur les bords, la jeune fille avait fait les quatre cent coups à son collège et ce n’était pas près de s’arrêter. Peut-être qu’en se faisant renvoyer du collège, sa grand-mère accepterait enfin de l’envoyer dans une école publique? Ce qu’elle avait été sotte!

Si sa grand-mère avait cru que Jordan se tiendrait tranquille en l’envoyant dans un collège privé, – elle avait été légèrement turbulente durant son primaire - elle s’était fourvoyée. Pire, c’était là-bas que Jordan avait fait la connaissance de celle qui deviendrait sa meilleure amie. Ann. Son amie était encore plus extrême qu’elle. Elles s’entraidaient toujours à faire les pires bêtises qu’elles pouvaient imaginer. Elles n’avaient aucunes limites et pour être honnêtes, elles s’amusaient énormément! Elles faisaient les 400 coups ensembles, manquaient les cours, manquer de respect envers les professeurs, ne pas remettre les devoirs ou même ne pas écouter en classe… il n’y avait rien à leur épreuve. Même la Directrice de l’établissement et le conseil de discipline n’avaient rien pour leur faire peur. De toute manière, ça n’aurait strictement rien changé pour Jordan. Cependant, Jordan était une fille brillante, elle avait de bons résultats scolaires malgré son manque d’assiduité et son manque d’attention. Voilà qui faisait le plus rager ses professeurs. Eux qui espéraient pouvoir se débarrasser d’elle si elle n’avait pas de bonnes notes, ils avaient le bec à l’eau et ne pouvaient que ronger leur frein. Et honnêtement, ça faisait beaucoup rire Jordy. Elle adorait voir leur air incrédule quand elle leur rapportait sa copie de l’examen en cours avant le temps donné. Pour lui donner une leçon, un professeur avait décidé de corriger sa copie devant elle… mais il avait rapidement changé de couleur en voyant le résultat. C’était la note la plus haute qu’il avait donnée jusqu’à maintenant. Il s’était contenté de la retourner à sa place, la priant de ne pas déranger les autres. Jordan avait jubilé le reste de la journée. Il pensait lui jouer un sale tour et c’était le professeur qui s’était fait prendre. Trop bon pour lui!

Mais ce n’était pas tout! Jordan avait fait la connaissance d’un homme. Elle avait 17 ans et lui 21. Il s’appelait Nicolas Lancaster. C’était de la mauvaise graine, exactement tout le contraire de ce que sa grand-mère aurait souhaité à sa petite-fille comme petit ami, mais non! Elle n’avait fait aucune crise, jamais exigé qu’elle ne le laisse tomber. Si au début elle avait commencé à sortir avec lui, c’était pour faire paniquer sa grand-mère, mais au final, elle avait finit par se laisser prendre à son propre jeu et avait fini par le trouver pas si mal. Jordy avait fait sa connaissance grâce à Frank, le petit ami d’Ann. Malheureusement, c’étaient des petites frappes qui avaient souvent la police aux trousses. Combien de fois Jordy et Ann avaient-elles dû payer pour les sortir du pétrin? Trop souvent pour qu’elles n’en gardent le compte. Nicolas était beau, drôle et irrévérencieux. Il l’amusait, la faisait rire, elle avait du plaisir avec lui, se fouttait de tout le monde… mais il avait un sacré défaut: il consommait de la drogue et buvait de l’alcool comme on boit de l’eau. Et dans ces moments-là, il lui arrivait de devenir violent. Et malheureusement, quand il était bien amoché, il insistait toujours pour que Jordan l’imite… chose qu’elle refusait de faire.

Un jour cependant, les choses tournèrent au cauchemar. Ça faisait 5 ans qu’ils étaient ensembles et Jordan avait dû se servir des leçons d’auto-défense - que sa grand-mère l’avait obligée à suivre – à quelques reprises. Nicolas devenait parfois violent et elle avait de plus en plus de mal à le supporter. Elle était prise dans ce cercle vicieux avec lui. Jordan ne vivait pas avec lui, même si ça faisait cinq ans qu’ils étaient ensembles. Elle vivait toujours avec sa grand-mère qui était tombée gravement malade. Fouttu cancer. Si sa grand-mère aurait voulut la voir poursuivre ses études – choses que Jordan n’aurait pas détesté – elle dû faire contre mauvaise fortune bon cœur. Les traitements coutaient une fortune et Mrs Porter n’avait pas les moyens de se les payer. Comme il était hors de question que Jordan laisse sa grand-mère mourir sans rien faire, elle avait pris sur elle d’abandonner ses études afin de prendre soin de la femme qui l’avait élevée. Il y avait aussi les factures de la maison à payer… Ça coûtait cher, mais Jordan ne se décourageait jamais. Si ça pouvait aider sa grand-mère, elle était prête à le faire. Nicolas décida pourtant de l’aider. Il était peut-être de la mauvaise graine, il n’était peut-être pas super amoureux de sa petite amie – et vice versa – mais il voulait l’aider du mieux qu’il le pouvait. Il savait que ça coûterait cher et que Jordan allait se tuer en voulant être partout à la fois. Sa décision avait donc été facile à prendre. Et de toute manière, ce n’était pas la première fois qu’il aurait recours à ce procédé…

Nicolas contacta donc trois de ses copains et leur donna rendez-vous sans que Jordan n’en soit informée. De toute manière, elle aurait refusé son projet, autant ne pas la mettre dans le coup. Le plan, c’était de braquer une banque, de prendre un pourcentage et d’en donner à ses complices et d’en garder pour lui, mais de donner la majeure partie du magot à Jordan et à sa grand-mère. Anonymement ou non, ça n’avait aucune espèce d’importance. Malheureusement, les choses ne se déroulèrent pas comme il le souhaitait… Les policiers avaient été prévenus par un bouton d’alarme et la banque avait rapidement été cernée. Un de ses copains avait ouvert le feu et les policiers avaient répliqué. Les trois amis de Nicolas s’étaient pris des balles et en tentant de se sauver, Nicolas avait tiré sur un policier, celui qui avait tenté de l’empêcher de prendre la fuite en empruntant la porte derrière la banque. C’est en paniquant que Nicolas avait tiré et blessé mortellement le policier. Il ne voulait pas le faire, mais il n’avait pas pu faire autrement. Sa «mission» était plus importante. Sans un regard en arrière, il s’était éloigné de la banque et avait enfourché sa moto pour aller cacher son butin. Il fallait laisser le temps filer un peu avant de songer à le dépenser. Il jouait vraiment de malchance par-contre. Il avait à peine caché l’immense sac contenant une tonne de fric quand la police débarqua chez lui et le mis en état d’arrestation pour le meurtre d’un policier lors du cambriolage. Jordan avait assisté à la scène en se demandant ce qui s’était passé. On l’avait certes interrogée, mais convaincus qu’elle n’avait rien à voir là-dedans, on ne l’avait pas amenée au poste de police. Ce n’est que quelques jours plus tard, après avoir découvert la cachette de Nicolas – l’idiot avait été cacher le butin dans le garage de Mrs Porter – qu’elle comprit ce qu’il avait fait… et qu’il lui mettait tout ça sur le dos. Elle avait vu une photo d’elle durant un journal télévisé. On disait qu’elle était armée et dangereuse, de l’approcher avec prudence, qu’elle avait déjà tué un flic. Sa grand-mère l’avait regardée, horrifiée. Elle savait que sa petite-fille n’aurait jamais pu faire une telle chose, aussi la poussa-t-elle à prendre le fric et à partir loin, ainsi qu’à prendre sa jolie perruque blonde – faite de véritables cheveux – qu’elle s’était faite offrir par une amie à cause de la perte de ses cheveux. Jordan n’avait fait ni une ni deux… elle avait écouté sa Mamie et elle était partie. Pas parce qu’elle le voulait, mais parce que sa grand-mère avait dit que c’était ce qu’il fallait faire. Jordan n’avait rien pour prouver qu’elle n’était pas présente sur les lieux du braquage… et Nicolas était habile, c’était sans aucun doute de sa faute si la police en avait après elle maintenant.

Jordan avait donc quitté New York pour gagner Miami. Là-bas, elle fit la connaissance d’un type qui faisait de faux papiers contre une somme mirobolante. C’était une dépense utile, aussi Jordan décida-t-elle de se faire faire quelques identités différentes. Durant le trajet entre New York et Miami, elle avait eu le temps de réfléchir. Elle laisserait un sac avec une identité, une perruque blonde, des verres fumés et beaucoup d’argent dans différentes consignes dans des aéroports dans plusieurs grandes villes à travers le pays. Sans compter ce qu’elle garderait sur elle, évidemment. Elle pouvait se le permettre, elle avait entendu dire durant un journal télévisé qu’elle aurait volé pour près d’un million de dollars durant le braquage. Ça l’ennuyait de devoir dépenser ce fric plutôt que de le rendre, mais tant qu’elle ne serait pas en mesure de prouver son innocence, c’était tout ce qu’elle avait. Sa carte de crédits était à oublier, les distributeurs automatiques également… Elle n’avait pas le choix.

Une fois que tout fut près, Jordan commença à se balader à travers le pays, voyageant de nuit pour éviter qu’on ne la remarque trop. Elle laissait un sac à différents endroits comme prévu et reprenait sa route, rangeant bien dans son sac à bandoulière qui ne la quittait jamais les clefs qu’elle récupérait. Elle parcourut le pays de long en large et finit par avoir plein de points de replis si jamais elle venait qu’à devoir quitter un endroit rapidement. Durant sa fuite, Jordan eu souvent très chaud. Une voiture de police qui passait près d’elle dans la rue, un commerçant qui avait l’impression d’avoir déjà vu sa tête à quelque part, une conversation qu’elle surprenait entre le patron – elle se trouvait toujours des petits boulots pour ne pas épuiser trop rapidement son fric – et un employé où il était question de la police qui était venue l’interroger au sujet d’une fugitive qui ressemblait pas mal à la petite Savannah. Parce que oui, c’était son deuxième prénom et celui sous lequel elle se présentait. Il n’en fallait pas plus pour qu’elle décide qu’il était temps de bouger. Grandement temps!

Elle passa trois longues années sur la route, à déménager sans cesse ses pénates, à envoyer de l’argent à sa grand-mère afin de payer ses traitements pour son cancer… mais malheureusement, la maladie gagne la bataille. Jordan était allée la voir à l’hôpital dès qu’elle avait appris que sa grand-mère était hospitalisée. C’est en la voyant que la jeune femme avait compris qu’il ne restait plus beaucoup de temps à vivre à sa chère Mamie. Celle-ci la chassa en lui disant que c’était trop risqué pour elle de rester là, de ne pas revenir pour ses funérailles, que tout ce qu’elle voulait, c’était que sa petite-fille soit libre et qu’elle ne renonce pas à prouver son innocence, qu’elle l’aiderait de là-haut si c’était possible. Jordan s’était obstinée, elle ne voulait pas quitter sa Mamie comme ça, mais cette dernière avait encore assez de force pour lui ordonner de partir. Elle avait pris le même ton qu’elle prenait lorsque Jordy était petite et qu’elle se faisait gronder. La jeune femme avait donc embrassée sa grand-mère, lui avait dit qu’elle l’aimait et qu’elle ne l’oublierait jamais avant de partir, le cœur gros. Elle traina quand même quelques jours à New York et assista discrètement aux funérailles de sa grand-mère. Maintenant qu’elle n’était plus là, Jordan était vraiment seule au monde…

Sa vie de fugitive l’avait conduite à San Francisco. Elle s’était installée dans un petit appartement meublé – loué à la semaine – d’un quartier pas très riche où on ne la remarquait pas trop. C’était tout près d’une autoroute, alors elle pouvait ficher le camp rapidement si c’était nécessaire. A San Francisco, elle avait fait la connaissance d’un homme qu’elle aimait bien. Ils s’étaient rencontrés à la buanderie. Banal comme rencontre. Jordan avait oublié le damné savon à lessive et Alexys lui avait prêté le sien. C’était comme ça qu’ils s’étaient rencontrés, avaient continué à discuter et qu’ils en étaient venus à sortir ensembles. Elle avait cependant déchanté légèrement lorsqu’il lui avait dit qu’il était policier, mais sa méfiance naturelle s’était endormie, ce n’était pas trop grave. Belle idiote! Elle était tombée sous le charme et ils avaient commencé à sortir ensembles. Ils ne fréquentaient personne, même si leur relation n’était pas des plus sérieuses. Ils vivaient chacun de leur côté et se retrouvaient souvent pour regarder un film, sortir, diner ensembles… C’était la belle vie, il connaissait Jordan sous son véritable prénom et n’avait jamais fait le lien entre elle et la fugitive. Peut-être n’en avait-il même jamais entendu parler? Enfin, toujours était-il que Jordan était heureuse et même amoureuse.

Mais c’est connu, quand les choses commencent à bien aller, c’est toujours à ce moment-là que la vie se retourne et vous frappe de plein fouet. Un soir alors qu’Alexys devait venir la retrouver pour diner ensembles chez elle, elle eut le choc de sa vie. Ce soir-là, ils avaient une soirée en amoureux. Ça faisait maintenant 6 mois qu’ils étaient ensembles et ils devaient célébrer. Les choses n’allèrent pas comme prévu… A son arrivée, Jordan s’approcha pour l’embrasser et il répondit à son baiser, mais sans… entrain. C’était étrange, mais Jordan n’insista pas. Après tout, il avait peut-être simplement eu une mauvaise journée et qu’il se détendrait pendant le diner. Ils passèrent donc à table – Jordan avait fait le plat préféré de son homme – mais plus le temps passait, plus il devenait évident que quelque chose n’allait pas et qu’Alexys n’était pas pour se mettre à s’expliquer. Jordan lui demanda donc carrément ce qui se passait, si elle avait fait quelque chose de mal… et c’est à ce moment-là que sa porte fut défoncée et que des flics entrèrent en force dans son minuscule appartement. Elle ne comprenait que trop bien ce qui se passait. Ils avaient découvert qui elle était. Jordan avait raison, elle s’en rendit compte lorsque son… petit ami se mis à l’interroger. Loin d’être bête, Jordan décréta qu’elle ne dirait rien sans la présence de son avocat. Al ne pouvait donc pas continuer à la cuisiner et lorsqu’on lui mit les menottes, elle demanda à ce qu’on lui donne son sac. En temps normal, Al aurait dû refuser, mais il avait accédé à sa requête. Grave erreur. L’officier qui la conduisit jusqu’à la voiture de patrouille la relâcha afin d’ouvrir la portière de la voiture et c’est ce moment-là que la jeune femme avait choisi pour le frapper solidement. Après avoir réussi à l’assommer, elle parvint à ramener ses mains devant elle et jeta rapidement un coup d’œil dans la rue. Il n’y avait personne dans les parages et elle prit donc la fuite en courant. Ce n’était pas très pratique avec ses menottes, mais elle arriverait bien à trouver un endroit où se cacher. Elle avait les outils nécessaires dans son sac à malices…

Après s’être libérée des menottes et les avoir mis dans une poubelle, Jordan s’était cachée dans une station-service afin de mettre la perruque blonde sur sa tête et ses verres fumés sur son nez. Après, elle était sortie de là et avait pris un bus pour aller dans un autre quartier. Durant le trajet en bus, Jordan s’était interdit de pleurer, elle n’était pas faible, elle avait couru après. Ce n’était – après tout – qu’une question de temps avant qu’Al ne se retourne contre elle et ne découvre la vérité… Elle en avait donc été réduite à partir de son petit chez elle et à prendre la fuite. Il fallait d’abord qu’elle se fasse oublier avant de tenter de prendre la fuite. Jordan avait donc habité dans des motels miteux, ne sortant que tard le soir pour aller s’acheter quelques bricoles pour manger, du shampooing, faire sa lessive… Voilà ce qu’était devenue sa vie. Tout allait bien et voilà que tout allait de travers.

Revenant au moment présent, Jordan poussa un petit soupir de soulagement lorsqu’elle vit la voiture de patrouille passer directement devant son motel et continuer son chemin. Ils n’étaient pas venus pour elle. Du moins, pas encore… Et ça faisait un mois et demi qu’elle vivait ce même enfer soir après soir…