Etre totalement piégée. C'était la sensation qu'avait Lohéliya après avoir parlé plus de 3 heures avec la grand mère Di Mattéo. En l'espace de quelques minutes, Lola était passée du statut de jeune femme indépendante à la future épouse totalement dévouée et soumise à Swann. Pour ne pas faire de scandales et surtout pour ne pas contrarier sa meilleure amie, la brunette prit sur elle. Ils venaient tout juste de débarquer en Italie et Loh' avait promis à Satine de faire des efforts. C'était sans compter la grand mère qui la considérait comme sa nouvelle petite fille, celle qui allait lui donner ses premiers arrières petits enfants.
A ce moment là, elle regrettait d'avoir accepté l'invitation de Satine et donnerait tout pour être dans son petit appartement à Bayview à entendre ses voisins se gueuler dessus. Sans plus réfléchir, elle se rendit dans la chambre qu'on lui avait accordé à son arrivé. Elle ressortit son sac et balança toutes ses fringues sur le lit. C'était décidé : retour à SF !
Alors qu'elle refaisait son sac, Loh fut interrompu par Swann en personne.

Ne dis rien, je veux même pas te voir sourire ! dit-elle en l'agressant. Tu dois être satisfait : je rentre ! Je peux même pas passer la soirée ici... Ah au fait...

Elle prit la bague que la grand mère lui avait précédemment confié : une bague que les femmes de la famille se transmettaient de génération en génération. Loh finit par la balancer sur Swann avant de reprendre.

Tu lui rendras ! Maintenant, tu peux disposer ou limite, tu m'appelles un taxi et tu te tires après !

Rien qu'avec la présence de Swann, Loh était davantage agacée. Elle ne supportait pas de le voir si sûr de lui, sortant le refrain classique de celui qui avait déjà tout prévu. Bien qu'elle ait suivi de nombreux cours pour conserver son self control, la brunette avait encore de sacrés progrès à faire à ce niveau là. Elle était continuellement sous pression et prête à exploser à tout moment. C'était très certainement l'un de ses défauts et le calme de Swann la contrariait d'autant plus.
Elle tentait de se calmer mais la manière assez brusque de plier ses affaires pour les mettre dans son sac témoignait de son état.

C'est quel moment de ma phrase que t'as pas compris ? Je t'ai dit que tu pouvais disposer ! Disposer : verbe du premier groupe qui signifie que tu peux te retirer.

Elle marqua un temps d'arrêt, le regardant jouer avec cette bague et d'un geste vif, elle récupéra l'objet en plein vol.

Arrête avec ça ! Elle la posa sur la table de chevet, reprenant ses activités. J'ai aucune confiance en toi ! Je me démerde seule... Limite, tu vois, je préfère encore me taper "je ne sais combien de kilomètres" en taxi pour me rendre dans un plus grand aéroport ! Profite de ta victoire !

Pourquoi répondre ? Tout avait été dit et au moins, ils avaient fini par tous deux admettre que Lohéliya n'était pas à sa place au sein de cette demeure. Elle ne se sentait pas à sa place : trop d'espace et pourtant pas assez d'intimité. Elle se sentait scrutée par tous les membres de la famille qui devaient tous avoir un petit jugement sur sa personne. A ce sujet, elle se doutait qu'ils devaient s'en donner à coeur joie sur son compte : "trop grande", "pas assez", "trop hautaine", "je la sens pas", "d'où elle sort ?".
Pourquoi ne l'avait-elle pas vu venir ? Sur ce coup, elle s'était trouvée particulièrement naïve. Non pas qu'elle n'avait pas été flattée d'être considérée comme la fiancée de Swann mais elle ne désirait pas avoir un tel statut et rien que de penser à une vie de famille lui donnait la nausée.

Trainant sa valise, elle ne manqua pas de bousculer Swann avant d'apercevoir la grand mère de ce dernier. Retour à la case départ... La scène s'était déroulée à une telle vitesse qu'elle n'avait pas eu le temps de réaliser avant de se retrouver dans la chambre de son supposé futur mari. Première fois qu'elle rentrait dans la chambre "d'ado" de Swann. Par simple réflexe, elle belaya la chambre du regard. Très calmement, elle se décida à rompre le silence.

Dis moi, quand elle viendra avec moi faire les essayages de ma robe, je suis supposée faire quoi ? T'es en train de t'enfoncer ! Plus tu joues le jeu, plus ça sera compliqué de lui dire la vérité !

Nan, bien sûr, c'est pas mentir. C'est quel moment que t'as loupé quand je t'ai dit que je voulais partir ? Rentrer chez moi ?

Au moment où Swann lui parlait de sa relation avec sa grand mère et des mots qui l'affaiblissaient, Loh voulait uniquement récupérer ses affaires et quitter les lieux pour sortir de ce cauchemar. Cette histoire et le lien avec la grand mère ne la concernaient pas. Elle n'était pas chez elle, ne comprenait pas la langue, n'avait aucune connaissance des coutumes locales et ne maitrisait pas du tout la situation. Elle se retrouvait au milieu d'une famille soudée qui avait sans doute de gros dossiers à dissimuler. Sa présence n'était certainement pas désirée et Loh ne s'était pas vantée de sa profession. Généralement, les attitudes se modifiaient juste après la révélation. Aux personnes qu'elle connaissait, Lola se contentait d'être assez vague en se présentant comme simple flic... Même Swann n'était pas au courant de son véritable statut.

Ok, je vais à peine te foutre mal à l'aise. J'ai aucune famille !

Loh s'installa sur le lit de Swann et l'invita à faire de même en tapotant légèrement la place à ses côtés.

Tu veux savoir, tu vas être servie. J'suis née au Brésil, sans mère. J'ai jamais su où elle était. Y avait pleins de rumeurs, j'en écoutais aucune. J'ai grandi avec mon père... Enfin, si tu pouvais appeler ça comme ça. C'était pas du tout un homme respectable. Il pensait plus à sa gueule... Je vais pas te faire le remake de Cosette, je suis pas là pour ça. J'ai gardé cette image des hommes. Comment tu veux avoir confiance quand t'as eu cette exemple dans ta vie ? Pour moi, un mec, ça sert pas à grand chose. Il est mort quand j'avais 8 ans et j'ai pas pleuré bien au contraire. Je sais même pas où il est enterré ! Je me suis jamais renseignée à vrai dire ! C'était plus une libération. Après on m'a placé dans un foyer vu que j'avais personne. J'ai eu pas mal de familles d'accueil et là, je pariais sur le temps de mon séjour. Ils craquaient bien avant ! Une fois, ça a duré un peu plus longtemps et j'ai bien aimé la famille sauf que la mère m'a viré par rapport à une histoire avec son fils. J'ai eu tendance à me débrouiller seule et j'en suis fière ! J'ai vraiment pas à me plaindre en fait... Parce que j'ai vécu bien plus d'expériences que n'importe quelle femme de 24 ans ! Y a quelques mois, j'ai appris que j'avais une soeur, je te zappe les détails, tu la connais en plus. Sauf que je peux pas la considérer comme telle... Je connais rien d'elle hormis qu'elle a une fille et basta quoi ! Je suis peut-être solitaire mais ma vie me plait ! L'esprit de famille, je connais pas ! Donc quand tu me demandes quel est mon problème avec ça... J'ai juste envie de dire : l'inconnu !