Deux semaines. Quatorze jours. Trois cent trente-six heures. Vingt mille cent soixante minutes. Un million deux cent neuf mille six cent secondes. Voilà le temps qui s'était écoulé depuis qu'Adrianno avait été embauché pour être l'assistant de Satine. Et autant dire que chaque seconde était passée à une vitesse trainante. L'idée de démissionner lui avait maintes fois traversé l'esprit, certes, mais aussitôt, l'image de sa supérieur, rayonnante de bonheur quant à son exploit d'avoir réussi à pousser l'italien à bout, apparaissait devant ses yeux et l'empêchait de commettre une grosse erreur. Car il ne pouvait abandonner, pas maintenant. Pas quand il commençait enfin à apercevoir une faible lumière au fin fond du tunnel. Il était conscient qu'il était encore loin du but - cela ne servait à rien de se faire des illusions - mais il était persuadé d'y arriver. Bientôt, le jour arriverait où il prendrait sa revanche sur les Calabria. Il récupérerait l'entreprise, son entreprise, et ferait honneur à sa famille qui la possédait depuis des générations. Le prix à payer lui paraîtrait alors fort insignifiant à côté de son succès.
Mais il n'en était pas encore à ce stade. Sortant de ses pensées, Adrianno constata qu'il s'était inconsciemment arrêté devant une boutique de chaussures moyenne gamme. Sa présence avait alerté la propriétaire qui lui faisait désormais signe de rentrer à travers la vitrine. Il esquissa un sourire narquois avant de tourner les talons. Comme s'il allait mettre ne serait-ce qu'un pied dans un magasin aux prix aussi bas. Une paire de Ray-Ban hissée sur son nez, la clope au bec, le jeune homme reprit sa marche à travers les rues de la ville qu'il avait arpentées un nombre considérable de fois depuis son arrivée à San Francisco, des années et des années de cela. Il n'était qu'un enfant lorsqu'il avait dû quitter son Italie natale pour aller habiter sur la côte Ouest. Son père avait été à l'origine de ce déplacement, bien évidemment, voulant à tout prix fonder sa société de haute couture là où la concurrence était moins rude. Et il avait réussi, jusqu'à ce que des évènements l'obligent à fermer boutique. Adrianno passa ses doigts dans ses cheveux en bataille. Ce n'était pas le moment de penser à cela, pas quand Satine l'attendait depuis cinq bonnes minutes. Elle lui avait donné rendez-vous chez Chanel à onze heures pile, et il savait qu'elle détestait lorsqu'il était en retard. Il allait encore avoir droit à des remontrances, remontrances qu'elle se faisait par ailleurs un malin plaisir à lui faire. Ses erreurs n'étant pas fréquentes, il lui semblait que la jeune femme attendait impatiemment le moindre faux pas de sa part afin de le pointer du doigt. Comme elle jubilait de l'avoir à ses ordres !
Onze heures sept. L'enseigne de luxe se dressait enfin devant ses yeux. Adrianno pressa le pas et poussa la lourde porte qui le séparait de l'intérieur. Un vendeur s'approcha de lui mais l'italien le repoussa d'un geste de la main. Rapidement, il scruta la pièce avant d'apercevoir Satine, en pleine discussion avec un photographe. Juchée sur ses hauts talons, elle faisait des mouvements incompréhensibles avec ses mains, ses longs cheveux blonds se balançant de part et d'autre de son dos au rythme de son agitation. Le jeune homme l'observa et, pendant l'espace d'une petite seconde, il la trouva tout simplement magnifique. Mais il se reprit aussitôt, secoua furieusement sa tête, et s'avança vers elle d'un pas décidé. « Désolé du retard. T'as besoin de quelque chose ? »
Lorsque Satine avait parcourus les diverses lettres de motivation et CV, elle avait été limite choquée de voir apparaitre le nom de son principal rival, ou du moins le nom de celui qui l'était de son père. Elle se demandait si c'était une blague, une façon de la narguer et avait alors tenue à avoir cet entretiens avec lui pour savoir ce qui se cachait réellement derrière tout ça. Bien entendu, pour ça elle avait tout de même fait sa petite enquête, en bonne Calabria et surtout nièce de Di Matteo ... et résultat ? Rien ! Il ne cachait rien, rien ne présageait qu'il faisait ça pour autre chose que pour réellement travailler. Saute, si elle savait. L'entrevu c'était passé avec plus ou moins d'hostilité, il fallait l'avouer, mais au final c'était elle qui était plus piquante que lui et surtout qui jubilait à l'idée de l'avoir pour assistant et puis quand bien même, elle était loin d'être folle, elle savait pertinemment qu'Adrianno était en mesure de pouvoir la supporter et surtout d'être à la hauteur du job. Parce que oui, être l'assistant de Satine n'était pas de tout repos, elle était exigeante avec ses employés, encore plus avec son assistant et pire avec elle même !
Aujourd'hui la jeune femme avait rendez vous au siège de Channel pour prendre les dernières photos pour la campagne de pub des sacs de Channel dont elle était l'égérie. Une partie avait été faite par Karl Lagerfeld à Paris, et là le reste était fait par un jeune photographe très en vogue mais particulièrement lourd et pénible. Durant toute la séance il n'avait cessé de faire des avances à l'italienne qui avait poliment refusé ... elle ne pouvait se permettre de l'envoyer bouler totalement sachant que tout de même il s'agissait de son visage et de ses courbes qui allaient apparaitre sur les photos. Hors de question que tout soit gâché à cause d'un photographe pitoyable qui n'aurait pas supporté le refus d'une femme ! Mais bon il commençait quand même à être légèrement lourd et Satine ne cessait de regarder sa montre pour voir si son assistant allait enfin apparaitre. Sérieux, elle ne lui en avait pas demandé énormément aujourd'hui, juste être à l'heure pour qu'ensuite ils préparent le déjeuner qu'ils allaient avoir avec une nouvelle styliste qui semblait être très prometteuse. Elle commençait à taper du pied, s'agitant quelque peu ce qui sembla interpeller le photographe qui lui demandait ce qui se passait.
Non non rien du tout ... Et ce fut à ce moment, salvateur pour la blondinette qu'Adrianno fit son apparition, il lui fallait vite une idée pour pouvoir se débarrasser du photographe et là elle venait d'avoir une idée ... en espérant -mais il valait mieux pour lui - qu'il la suive !
Mon chéri te voilà enfin ! J'ai cru que tu m'avais oublié, je n'ai pas l'habitude que tu sois en retard, je commençais à m'inquiéter ... Rick voici Adrianno mon assistant et ... fiancé, Chéri, je te présente Rick, le talentueux photographe dont je t'ai parlé Bien dans son rôle, Satine avait posé une de ses mains sur l'épaule de l'italien et venait glisser doucement ses doigts dans ses cheveux, histoire d'être crédible bien entendu et surtout de pouvoir se débarrasser de ce cher Rick ... ce qui vu sa tête n'allait pas tarder !
Il ne s'attendait pas à cela. Lorsqu'il s'était levé ce matin-là, Adrianno s'était intérieurement fait la liste de toutes les tâches qu'il allait devoir accomplir au cours de cette journée : passer au bureau pour récupérer des dossiers que Satine attendait, la rejoindre chez Chanel, puis ensemble préparer un déjeuner qui aurait lieu avec une styliste encore méconnue du monde de la mode. Il était donc loin de s'imaginer qu'il devrait, en plus de cela, jouer le fiancé de sa supérieur.
« Hein ? » Un haussement de sourcil ne put être réprimé par le jeune homme à l'entente du mot "chéri". C'était comme s'il n'était pas maitre de sa propre vie, qu'il avait zappé quelques années de son existence et qu'il se retrouvait désormais fiancé sans le savoir. Il lança un regard interrogateur en direction de Satine, regard auquel elle répondit en posant sa main sur son épaule, l'air confiant. Elle continua sur sa lancée, permettant à l'assistant de se décider à jouer le jeu. Il n'était pas certain d'avoir cerné la situation dans son ensemble, mais un rapide coup d'œil vers le photographe qui se tenait devant eux lui confirma bientôt sa théorie. Celui-ci n'avait pas réussit à dissimuler sa déception, et avait détourné les yeux pour ne pas avoir à contempler la jolie blonde dans les filets d'un autre. Adrianno afficha un sourire dédaigneux. Son bras gauche entoura la taille de l'italienne, la serrant délicatement contre lui, tandis qu'il déposa un baiser furtif sur sa joue. Son parfum fruité lui chatouilla les narines, et la douceur de sa peau lui provoqua de légers frissons. Il se tourna finalement vers le photographe qui avait assisté, maussade, à la scène. « Oui pardon, bien sûr, Rick. Satine m'a beaucoup parlé de vous. Il parait que vous faites des merveilles. Remarque, cela ne doit pas être très difficile lorsque l'on travaille avec une beauté comme celle-là. » Le compliment fut suivi d'un sourire en coin, avant que la main de l'italien ne s'aventure le long du dos de la jeune femme.
« Je peux vous emprunter ma fiancée pendant l'espace de quelques minutes ? » Sans attendre la réponse du photographe, Adrianno mena l'italienne dans un coin de la salle. Il lança un regard froid aux deux trois employés qui avaient eu le malheur de les fixer avec insistance, et ils se remirent à la tâche qu'ils étaient en train d'entreprendre. Il n'avait pas un poste plus important que les leurs, mais il se comportait toujours comme l'ancien patron qu'il avait été. Ceci ajouté à son côté arrogant, et voilà qu'il se permettait de traiter ses collègues comme ses inférieurs. L'assistant reporta son attention sur celle qui lui faisait face. « De rien. On peut dire que tu l'as échappé belle. » Un sourire aux lèvres, il continua. « Ca ne fait pas partie du boulot ça, normalement. » Il s'approcha de la jeune femme et replaça une de ses mèches rebelles, le visage à quelques centimètres du sien. « Il nous regarde encore. » Lui chuchota-t-il à l'oreille.
Satine non plus n'avait jamais imaginé pouvoir un jour jouer au petit couple avec Adrianno mais là il en valait de sa sureté personnelle, et franchement elle ferait tout, voir n'importe quoi pour pouvoir se débarrasser de ce photographe. Mais pourquoi c'était lui que Karl avait choisi, pourquoi il n'était pas lui même venu jusqu'à San Francisco ... non non, au lieu de ça elle devait se taper le regard pervers de cet homme ... une horreur ! La seule personne capable de la sortir de ce mauvais pas, fut à son grand désespoir Adrianno. L'italien allait devoir jouer le rôle de son fiancé, du moins elle l'espérait vraiment, surtout pour lui, non en fait pour elle, pour ne pas être décrédibiliser devant ce photographe. Et à sa grande surprise, il se prit au jeu. Un parfait petit couple, le jeune homme était vraiment bien dans son rôle et puis de l'extérieur il fallait bien l'avouer que l'un et l'autre étant très beaux, ils ne pouvaient que paraitre crédible. Au compliment de son "fiancé" la jeune femme sourit, roulant quelque peu des yeux, se dandinant. Putain, ce que ça pouvait être dur de jouer à la cruche !
Flatteur ... Tu as un truc à te faire pardonner c'est ça ? Réplique à la con, maos qui avait toujours son effet, et puis elle s'y donnait à coeur joie la blondinette pour paraitre crédible, sauf que pour avoir les joues qui s'empourprent ça c'était autre chose ... Autant elle savait pleurer, rire, même avoir un orgasme sur commande, or là ça ce n'était pas de son ressort. Néanmoins, elle eut un frisson en sentant la main de son assistant glisser le long de son dos. Finalement le "couple" s'éloigna et Satine était persuadé de s'être enfin débarrassé de Rick et de pouvoir reprendre son vrai rôle, soit celui de la chieuse de patronne qu'elle était.
Oui ben écoutes, je ne peux pas me permettre de le remballer il me prend en photo ! Et je suis l'égérie de Chanel donc ... disons que je dois faire avec lui dit elle alors avant que la jeune homme ne s'approche d'elle dangereusement. Elle le regarda alors en fronçant les sourcils, étant à peine plus petite que lui -merci les talons - avant qu'il ne lui dise que le photographe les observait toujours. Oh non ! Quelle misère, vite vite une idée ! La jeune PDG eut alors un petit sourire, elle avait l'idée parfaite en tête ... mais il fallait avant tout qu'elle pose ses règles.
Tu mets la langue je te la mord ! et sans attendre la réponse de l'italien elle déposa ses lèvres sur les siennes, passant ses bras autour de son cou pour offrir au photographe et à ceux qui les entouraient un baiser digne du cinéma ! La jeune femme décola enfin ses lèvres de celle d'Adrianno et eut un petit sourire en coin. Quoi elle avait apprécié ? Allez savoir ...
Ca y est il est parti ??? Il a enfin compris j'espère, parce que sinon là je ne sais plus quoi faire ! On va pas coucher devant tout le monde quand même !
L'art de faire semblant. Il s'avérait que tous deux étaient des maîtres en la matière. Logique puisqu'être des requins en affaires demandait une maitrise parfaite des apparences pour manipuler au mieux son adversaire. Satine et Adrianno n'avaient donc aucune difficulté à jouer le petit couple d'amoureux. Seul bémol : aucun des deux ne l'avait jamais été puisqu'aucun des deux ne croyait en l'amour. En apparence donc, ils avaient peut-être pu convaincre le photographe, mais une personne ayant réellement connu l'amour aurait sans aucun doute réussi à discerner le vrai du faux. Les regards ne trahissaient pas leur profonde affection mais au contraire un certain mépris, une certaine provocation. Pourtant, l'attirance mutuelle restait palpable, bien que dissimulée derrière un air de défi.
Le comportement de l'italienne le fit sourire. On était bien loin de la personnalité forte et assurée pour laquelle Adrianno avait un respect inavoué. Elle paraissait en ce moment niaise, sotte, et il se demandait comment un tel caractère pouvait plaire au photographe. C'était son énergie, sa détermination qui faisaient tout son charme pourtant. L'assistant se tourna vers l'homme qui dévorait sa "fiancée" des yeux. « Vous avez entendu ça ? Je ne peux pas lui faire ne serait-ce qu'un compliment sans qu'elle ait immédiatement des soupçons. » Plus bas, il enchaîna. « Vous avez une chance inouïe de ne pas être à ma place. » Il ne put réprimer un sourire taquin. C'était de la provocation pure et dure, et il jouissait de son effet sur ce bon-à-rien qui lui faisait face. C'était son passe-temps favori : pousser les gens à bout avec des petites répliques pleines de sous-entendus. C'était tellement plus drôle avec de la subtilité. Mais encore fallait-il que son opposant sachent lire entre les lignes.
Ce dont il se délectait encore plus, c'était d'avoir secouru la jolie blonde. Il n'attendait qu'une chose, c'était des remerciements. Qu'il jubilait d'avoir été celui sur qui elle avait dépendu pendant l'espace de quelques minutes ! Il était évident qu'il n'allait pas passer outre cet épisode. « Tu peux te justifier autant que tu veux, je t'ai littéralement été indispensable là. » Il lui lança un regard fier. « Je me contenterai d'un simple merci. »
Par la suite, tout s'enchaîna très vite. Après lui avoir murmuré ces quelques avertissements à l'oreille, l'italien observa les lèvres de Satine se transformer en un léger rictus. Il n'eut pas le temps d'émettre une quelconque réponse à l'entente de sa menace qu'elle avait déjà posé ses lèvres sur les siennes. Il sentit les mains de la jeune femme se positionner autour de son cou, ses doigts s'emmêlant dans ses cheveux tandis qu'il entourait une nouvelle fois sa taille menue à l'aide de ses deux bras. Submergé par ce baiser, il en oublia tous ceux qui assistaient, incrédules, à cette scène. Quelques secondes s'écoulèrent avant que l'italienne ne retire ses lèvres des siennes, les ramenant tous deux à la réalité. Décidément, cette journée était loin d'être comme celle qu'il avait anticipée !
« Je pense qu'il a compris. » Lançant un regard vers l'autre côté de la salle, il aperçut le photographe en pleine concentration sur ses objectifs entreposés sur une table. Adrianno se sentait - presque - désolé pour lui. Mais son arrogance était toujours plus forte. Il émit un ricanement avant de se mordre légèrement la lèvre. Son air de défi était revenu. « C'est une idée. »
Être de bons comédiens, se jouer des autres, manipuler pour parvenir à leur fins ... au final, là dessus, Adrianno et Satine étaient les mêmes, exactement les même ! Ils aimaient jouer, ils aimaient prendre les autres pour des cons seulement pour arriver à un ultime but final qui bien entendu irait dans leur sens et ne leur rapporterait gros qu'à eux. La seule et unique règle que s'appliquait l'italienne à la lettre c'était de ne pas jouer à ça avec sa famille et ses réels amis. Pour les autres personnes, elle n'avait aucun scrupule et d'ailleurs avec son meilleur ami Soh', leur jeu favoris était de détruire les personnes. Un peu méchant, voir même mesquin mais tellement amusant ! Et puis de nos jours si on ne rigole pas ...
Jouer la conne c'était franchement pas difficile, en même temps il suffisait de voir la majorité de certaines filles qui ne doivent vraiment pas se respecter et le tour était jouer. On se dandine sur ses pieds comme si on avait envie de pisser, on fait un petit sourire niais, on se marre alors que ce n'est pas drôle, laissant la sensation à un homme qui est entrain de vous faire jouir rien qu'en vous disant une blague pourrie et le tour était joué ! Un jeu d'enfant ... Satine était très forte dans ce rôle là et surtout c'était très caricatural au final. Leur "couple" était vraiment du grand n'importe quoi, c'était sur joué, ils en faisaient trois fois trop mais tant pis, l'effet escompté était là !
Ils s'éloignèrent enfin, du moins ils n'avaient plus besoin d'être aussi proche, enfin ça c'était ce qu'elle pensait. Quand même il fallait l'avouer, Adrianno était un beau gosse mais avec un caractère tellement à la con qu'on avait plus envie de la gifler que de l'embrasser, non mais franchement comment faisait il pour avoir autant de femmes assez pieds ? Elles étaient complètement débiles ou quoi ?!
Du calme Roméo retombes sur tes pieds, t'étais là comme ça aurait pu être n'importe qui d'autre à ta place ! ... et puis faut bien que tu serves à quelque chose non ? Et toc ! Manges toi ça dans la tronche !
Les choses se mirent par la suite en place très rapidement, Adrianno avait dit à sa boss que le photographe les regardait toujours et là en une fraction de seconde, une idée aussi géniale que stupide lui vint en tête : l'embrasser. Oui mais comme au cinéma, autrement dit avec des règles strictes et simples : on ne met pas la langue et bon ce n'était pas dit mais sous entendu, on en profite pas pour la ploter ! Le baiser sembla des plus véridique puisque Adrianno lui assura que le photographe était passé à autre chose et en tournant la tête pour vérifier-la confiance n'est pas dans ses habitudes- elle put effectivement voir que c'était le cas. En l'entendant lui dire que coucher ensemble devant tout le monde serait une idée, la blondinette eut un éclat de rire franc.
Je rêve ou tu es entrain de me mettre au défi là ? Je connais ce regard, je l'ai moi même souvent ... Tu sais quoi ? Même pas en rêve, même saoule je ne coucherais jamais avec toi!
Il n'était pas difficile pour Adrianno d'attirer une pelleté de femmes dans son lit. Son physique plaisait à la plupart et son côté charmeur jouait en sa faveur, de sorte qu'il ne lui arrivait pratiquement jamais de repartir d'une soirée sans une demoiselle à son bras. Son nom de famille et sa réputation lui servaient également d'appas, et l'italien disposait de ses atouts sans aucun scrupule. Après tout, ce n'était pas comme s'il les manipulait, elles venaient vers lui d'elles-même! Il ne comprenait pas d'ailleurs celles qui, lors d'un second face-à-face malencontreux, se la jouaient peinées ou, encore pire, hystériques. Elles savaient très bien dans quoi elles s'embarquaient pourtant, puisqu'aucune promesse ne sortait jamais de la bouche du Dom Juan.
Quoi qu'il en soit, cette réputation de croqueur de femmes ne s'appliquait pas au cas de Satine. Au contraire, ils étaient bien loin de toute forme de proximité, autant physique que morale - proximité étant le terme le plus approprié puisque le sexe n'était en aucun cas vu comme de la complicité ou de l'affection par le jeune homme. Ils s'abandonnaient plutôt à de la méprise, n'hésitant pas à se lancer des insultes dès que l'occasion se présentait. Aussi Adrianno ne fut-il pas étonné par la réaction de l'italienne. Un remerciement ne pouvait surement pas sortir de sa bouche sans qu'il soit empoisonné. « Tu ferais bien d'être reconnaissante. Ou alors tu préfères peut-être que je retourne voir le photographe, histoire de le briefer sur notre mise en scène improvisée ? »
Le commentaire déplacé qui suivit leur baiser ne fut, bien évidemment, pas reçu chaleureusement non plus par la jeune femme. A en dire vrai, Adrianno était tout aussi réticent à l'idée de passer une nuit avec elle. Elle était plus qu'attirante, certes, mais leur caractère de feu respectif se mettaient sans cesse entre eux. Et c'était tant mieux, car cela aurait été la pire des idées. Pourtant, à l'entente de la réplique de Satine, une envie de lui prouver qu'elle avait tord le prit aux tripes, et une lueur de défi éclata de nouveau dans le regard de l'italien. Il fonctionnait à cela, aux défis et à rien d'autre. Il semblait que c'était contre sa nature que de se voir lancer un challenge et de ne pas y répondre. Il avait ce besoin irrépressible de montrer ce dont il était capable, et là était justement le problème car il était capable de tout. De tout et de n'importe quoi. « T'es si sure de toi ? Tu serais prête à parier ? » Cette question fut accompagnée d'un sourire en coin, dont lui seul avait le secret.
Satine était fière et indépendante et ça depuis toujours. Elle n'avait ni frères, ni soeurs, des cousins certes, mais au vu des ses parents, elle avait toujours été au centre de l'attention. Pour elle c'était même quelque chose de devenue normal, et puis il fallait l'avouer avec sa beauté, elle parvenait bien vite à attirer les regards sur elle. Ensuite et bien, c'était à elle de faire le tri. D'ailleurs la blondinette sait bien que des bruits courent à son sujet au niveau de son entreprise, comme quoi elle a peut être usé de son corps pour parvenir à la maintenir au plus haut, mais elle s'en fiche totalement. Elle seule sait la vérité, et elle seule sait à quel point elle a du travailler d'arrache pied pour pouvoir se faire respecter.
Bien entendu, il ne faut pas se leurrer, Satine peut donner l'impression d'être une femme forte et sure d'elle, et bien certains mots, certaines phrases peuvent l'atteindre. Sa seule et réelle force, reste et restera ses amis et sa famille. C'est vrai, c'est quand même pour elle un énorme soutient, parce qu'il y a des jours ce n'est pas facile de devoir gérer tout ça. Oh ça oui, il y a des jours elle aurait envie de tout plaquer et de partir vivre ailleurs, incognito. Mais voilà, quand on a un tel héritage sur les épaules et surtout une telle famille on ne le peut pas ... On ne choisit pas sa famille, c'est bien connu. Là pour le moment avec l'aide d'Adrianno, elle était parvenu à se débarrasser d'un photographe un peu trop gênant et encombrant, mais bien entendu, un merci c'était trop lui demander ... surtout à lui !
Je rêve où tu es entrain de me menacer, mais vas y je t'en pris, vas lui dire que tu as pris ton pied à te payer sa tête ... et puis ce n'est pas comme si tu tenais également à ton travail n'est ce pas ?
Petites piques de part et d'autres, puis baiser digne d'un film échangés et voilà notre blondinette entrain de claironner que jamais elle ne coucherait avec lui. Mais elle voyait bien qu'il avait cette lueur de défis dans les yeux, ça oui elle le savait, elle l'avait souvent elle aussi, mais là pour elle, nul besoin de parier, c'était une évidence.
Bien entendu ! C'est même une évidence, tu crois sincèrement que je pourrais un jour coucher avec toi ? Tu es peut être beau pour certaines, voir même séduisant, mais désolée de te le dire aussi franchement, tu n'es absolument pas mon style ! Et puis avouons le ... ça ne ferait pas bon ménage, même seulement du sexe, je suis certaine qu'on en viendrait aux mains et je ne suis pas maso ou même sado !
La jeune femme regarda alors l'heure sur son portable et fronça les sourcils, à bavasser ils en avaient perdus du temps.
Bon, dépêches toi nous sommes déjà pas mal en retard ! Je n'ai pas pour habitude de faire attendre mes rendez vous, alors allons y au lieu de continuer à raconter des conneries !
Des menaces, toujours des menaces. Adrianno était un expert dans ce jeu d'ordinaire. Pourtant, il lui fallait bien avouer qu'il ne pouvait pas aller aussi loin qu'il le voulait avec Satine. Il lui fallait choisir : son ego ou son ambition ? C'était son corps entier qui criait sous l'envie d'aller voir ce photographe et de lui cracher la vérité à la figure. Ses muscles aboyaient, ses tripes grondaient. Mais il se retenait. Il résistait à cet appel de son corps, à cette envie qui lui prenait la gorge. Il le devait s'il ne voulait pas perdre cet emploi. Car il n'aurait pas de deuxième chance, il le savait pertinemment. C'était une occasion unique, des circonstances qui ne pourraient se répéter dans un futur proche. Et il se devait d'empoigner cette chance à deux mains. « T'as toujours recours à la même ruse. C'est si difficile de dire merci ? » Il ne fallait pas s'attendre à ce qu'il se taise en baissant les yeux, mais au moins il ne s'était pas laissé aller à cette envie qui le démangeait.
La même chose ne pouvait pas se dire de son instinct de défi. A la simple entente du « Bien entendu. » articulé par l'italienne, le sang du jeune homme ne fit qu'un tour. Elle prétendait ne jamais céder aux avances de son assistant ? Ce n'était pas dans ses plans, mais il comptait bien lui prouver qu'elle avait tord. « Défi accepté. » dit-il simplement avec un clin d'oeil. Il s'autorisa un léger sourire quand il visualisa la scène décrite par la blonde - les deux en venant en mains, c'était quand même assez comique, avouons le - mais il reprit son sérieux rapidement. De toutes façons, elle verrait très vite son erreur. Il ne se souvenait pas de la dernière fois qu'il avait perdu un pari, et il comptait encore moins perdre face à une Calabria. Son unique hésitation était celle qu'il avait quant à sa famille. Comment verraient-ils le fait qu'il se rapproche un peu trop de son ennemie ? Bien sûr, il ne s'éprendrait d'elle, mais son père penserait peut-être autrement. Il ne lui restait plus qu'à lui prouver qu'il n'avait pas oublié leur but initial, la repossession de l'entreprise familiale.
Le commentaire de la jeune femme le tira de ses pensées. Voilà qu'avec toute leur mise en scène, ils étaient maintenant en retard. Et bien sûr, la faute retombait sur lui. Il était habitué, mais il ne put s'empêcher de rétorquer.« Je peux pas regarder l'heure pour toi. Tu veux que je fasse mon boulot en plus du tiens peut-être ? »