HISTOIRE !
Depuis ce petit village qu'il n'appelait déjà plus sa maison jusqu'à ce grand édifice qui avait l'air aussi chaleureux qu'un pied de biche à la gueule, il y avait une longue histoire. Et comme bien des gens -non, comme tout le monde en fait- cette histoire débutait dans le ventre de sa mère, entre les intestins et la vessie. Bien que peu utile, cette partie de l'histoire reste quand même le début de sa vie, coincé dans une bulle de liquide gluant avec pour seul compagnie la voix de son géniteur à travers la paroi de chaire l'englobant de part en part. Bien qu'il ne se souvienne pas de ce bout de chemin, l'inconfort de savoir avoir déjà passer neuf mois dans le ventre de sa génitrice plombait sa vie. Ce bout de chemin l'obligeait à reconnaître le lien l'unissant à cette femme...

De sa naissance à son jeune âge, nous dirons donc jusqu'à ses 6 ans, le charme de la vie de famille enveloppait la demeure des Breeze. La mère donnait tendresse et affection, le père autorité et fierté. Élevé dans un petit village dont les habitants dépassaient à peine le 300 âmes, chaque bout de chou avait sa part de pincement de joue et de décoiffage quotidien. Malheureusement, c'est souvent dans ces petits villages que la tolérance est au niveau le plus bas, car les valeurs bien ancrées restent dures et intouchables.

Au fil des années, l'attirance inéluctable des garçons pour Alex se fit de plus en plus présent, sous le regard sévère et accusateur des villageois. De plus, allant à l'école de la ville plutôt que celle du village, il apprenait bien des choses qui n'étaient pas sans agacer les plus vieux de la place. Il eut sa première claque quand il revient avec un percing, à 11 ans. Il eut sa première bataille avec les jeunes du village quand il revint de l'école avec les yeux maquillés de noir, à 12 ans. À 13 ans, il revint avec un nouveau percing, à la lèvre cette fois, ce qui lui valut une raclée de la part de son père. 14 ans, les insultes ne cessaient plus, et 15 ans, les batailles avec les autres étaient constantes.

Malgré les tentatives désespérées de ses «parents» pour le remettre dans le droit chemin, rien n'y faisait. Alex passait le plus clair de son temps en ville et dormait souvent chez des amis là-bas. Il travaillait au noir pour payer ses achats personnels, vivait presque littéralement d'appartement en appartement avec des plus vieux de l'école. À 17 ans, il ne voyait ses parents qu'une fois par mois.

Après avoir épuisé ses ressources, il dû retourner temporairement vivre chez ses parents. Ce qui l'attendait dans son coin de village fut comme un coup de poignard pour lui. On l'ignorait ou crachait devant lui, on l'insultait et le bousculait sans raison, on le traitait de toutes sortes de nom, mais tous voulaient dire une chose; sale gay, on ne te veux pas ici. Gay, il l'était... il n'était pas assez stupide pour ne pas le réaliser. Mais de se savoir haï pour quelque chose qu'il ne pouvait pas contrôler... il avait la haine.

L'inscription dans une autre école fut sa solution. Sa porte de sortie. Et son nouveau début. Il y rencontra d'ailleurs plusieurs personnes très sympathiques pour qui il se prit d'amitié rapidement pendant son court séjour. L'une d'elle habitait près de chez lui, et c'est avec joie qu'il commença à fréquenter November Stevens. Évidemment, dans l'optique où ils iraient à la même école, cela s'avérait positif, mais...

Au final, November fut le seul à partir étudier à San Fransisco. Les problèmes avec sa famille avaient monté en flèche et il lui était impossible de partir sans créer un véritable scandale. Pourtant, à peine un an plus tard, alors que tout commençait à se calmer, Alex eut une véritable crise de rage contre son père qui avait tenter de le forcer à «s'accoupler» avec une jeune demoiselle après une petite fête au village. Il avait frappé pour la première fois son géniteur et était partit après avoir fait ses valises en tremblant de colère. De sa famille il ne restait rien... ils n'étaient plus que des inconnus pour lui. Ils avaient reniés ce qu'il était, et cela ne pouvait pas être pardonné.

Se sauvant de son monde, de ce village qui l'avait renié, il n'eut pas d'autre choix que de se rendre en ville. Évidemment, c'est quand on cherche des amis que l'on n'en a plus, et il réalisa bien vite que ce n'était pas vers cet endroit qu'il pourrait trouver refuge. November restait sa plus grande chance de résidence... mais après un an sans le voir, et à ne parler que par téléphone ou internet, le jeune homme accepterait-il de le recevoir?

Et bien, oui.

Depuis ce petit village qu'il n'appelait déjà plus sa maison jusqu'à ce grand édifice qui avait l'air aussi chaleureux qu'un pied de biche à la gueule, il y avait une longue histoire. Cette histoire n'était ni triste ni sanglante, et elle n'était pas anormale. Une histoire de tous les jours, son histoire. Mais en bas de cet endroit, devant les portes vitrées, se tenait un jeune homme qui recommençait son histoire, à neuf, à zéro, avec toutes les chances d'un nouveau né...