Voilà qu'une soirée supplémentaire à l'Elbo Room s'achevait sous les nombreuses consommations ingurgitées, sous les nombreux pourboires amassés par le tôlier, sur une euphorie liée à la consommation d'alcool. Ca faisait plaisir d'avoir un bon pote comme Camil, après tout. Un peu dingue, un peu décalé, mais surtout très libre dans sa tête et son esprit. J'avais appris à le connaître un peu par hasard, après ma séparation avec Denver, puis on s'est fréquenté pour boire quelques bières de temps en temps. Au moins avec lui, j'peux parler de tout et n'importe quoi, mais surtout de cette question qui me tracassait depuis longtemps; la question sur mon orientation sexuelle, que je gardais au fond de moi depuis des années. Je ne sais pas si je suis simplement curieux ou réellement attiré par la gente masculine. A ce jour, je n'ai eu que des femmes dans ma vie, mais je sentais bien qu'il me manquait quelque chose, en matière d'épanouissement. Mais je ne savais pas vraiment ce qu'il me manquait. Ce n'était pas lié à l'ablation de mes couilles ou quoi, ca remonte à bien plus loin, genre à l'adolescence. Mais étant considéré comme le seul vrai hétérosexuel de la famille Lewis, tout le monde comptait sur moi au niveau de la descendance, avant qu'on ne me déclare un cancer génital.
Quelque peu éméché, et l'Elbo Room étant plus près de chez Camil que de chez moi, il m'a proposé de passer me reposer chez lui, et je n'étais pas tellement fatigué. J'avais encore envie de faire la fête, de boire ou de je ne sais quoi. Peut-être de tenter cette chose inconnue, de donner une réponse à la question qui me tourmente depuis tant d'années. Puis, quand j'ai bu, j'suis assez tactile. L'inhibition n'est plus de moi. Mais je ne sais pas du tout comment aborder la chose. Je demeure alors silencieux, absorbé par mes tourments intérieurs, dans l'attente d'un mot de sa part, ou d'un geste, j'sais pas vraiment. J'sais me débrouiller avec les femmes, mais alors les mecs, j'suis dans l'inconnu le plus total.