Je soupire les mains dans les poches. Adossée à ce grand mur blanc, je regarde les gens qui rentrent, qui sortent de la boutique. Cette routine, cette ambiance, je l'adore d'ordinaire, mais aujourd'hui je suis pressée de rentrer à la maison. Alors je patiente, j'attend, je laisse le temps défiler à une lenteur presque insuportable. Ces derniers temps, il n'y a pas foule dans la boutique. A croire que les disques, ça n'intéresse plus personne. Tous avec leur Ipod, leur smartphone ... Existe-t-il encore dans leur coeur la place pour un vieux tourne disque poussièreux, grésillant, laissant l'âme de chaque morceaux se répandre dans l'air ? Je tourne en rond, je trie pour la énième fois les vieux vyniles derrière mon comptoir. Je clope, j'observe. Plus un chat. Téléphone dans les mains, je m'occupe sur les réseaux sociaux, je matte les photos, les discussions. Je décide d'envoyer un texto à mon colocataire, Noah : Coucou copain, juste un petit message pour savoir si tu es à la maison ce soir ou pas. Bisous. Je ne sais même pas si j'attend une réponse particulière. C'est plus un message pour lui faire comprendre que ça fait un bail qu'on a pas passé une soirée ensemble, à déconner comme au bon vieux temps. Il me manque. Et sans m'en rendre compte, il est déjà presque dix-neuf heures. Je m'occupe des dernières bricoles et ferme le rideaux en fer. J'attrape mon casque, enjambe ma bécane et roule. Lorsque je rentre dans notre appartement, ce dernier semble désert. Je claque la porte derrière moi, déçue. J'enlève mes pompes, pose mes clefs dans la coupelle. Je déambule dans le salon à la recherche d'un petit remontant, d'un truc pour décompresser. Je tombe dans un placard sur une bouteille à moitié pleine de tequila. J'esquisse un sourire, ça fera amplement l'affaire. Je m'affale dans le canapé en me servant un verre, puis deux. Soudain un bruit me fait sursauter, la porte d'entrée qui se claque. Je me redresse pour mater, comme si ça pouvait être quelqu'un d'autre que lui. Franchement. . .
Y'a du monde au shop aujourd'hui. Depuis que Magda s'est barrée à la capitale anglaise, je m'occupe limite tout seul de tout. Rendez-vous, tatouages, suivis des tatouages, entretien du shop... Bref tout ce qu'on faisait à deux avant. Mais tout seul maintenant. Ca fait un sacré changement, et heureusement que je continue de kiffer ce que je fais, sinon j'aurai déjà péter un câble. Mais faudrait que je songe à engager une autre personne, mais ça signifiait que je devrais faire des heures supp' pour me mettre à recruter. Bref, j'avais du boulot et je m'ennuyais pas du tout lors de mes journées. J'avais entrevu le texto que Sian m'avait envoyé, mais j'avais pas eu le temps de répondre. Trop occupé à gérer pleins de trucs. Puis à la fin de la journée, c'était dans les 19h où je fermais boutique, je me disais que j'allais lui faire la surprise. Donc je décidai de ne pas répondre à son message. Je marchais jusqu'à une pizzeria près d'ici, commandait deux bonnes pizzas -Felix rpz-, sur le coup j'allais acheter un pack de bière à l'épicerie du coin, puis je filai à l'appart. J'avais même pas besoin de tourner la clé, ma bonne copine blonde devait déjà se trouver à l'intérieur. N'enlevant même pas ma veste en cuir, je traversais le petit hall pour aller vers le salon, où bingo, je la trouvais, en train de me regarder. Surprise princesse ! Je m'exclame en lui montrant les boîtes en carton ainsi que le pack de bière, grand sourire aux lèvres avant de m'avancer vers elle pour lui déposer un bisou sur sa tête, posant le tout sur la table basse.
Lorsque mon regard croise le sien, j'oublie tout les tracas du quotidien, toutes les pensées négatives qui me traversent l'esprit. Je chasse avec un sourire le cavalier sombre qui se cache souvent en moi. Avec Noah, je n'ai pas besoin de me forcer, je n'ai pas besoin d'être quelqu'un d'autre. Il a toujours accepté mes excentricités, mes coups de gueule, mes coups de blues. Seulement ces derniers temps, on était plus aussi proche. Ce sont peut-être les aléas de la vie. Oh bordel ! ! Tu déchires ! Je crie fort, je m'exclame, j'exprime ma joie. J'évacue tout. Dans un élan de spontanéité, je lui saute au cou sans même lui laisser le temps de poser tout sur la table basse. Je le serre fort, je pourrais presque l'étouffer même avec ma force de mouche. Je l'embrasse sur la joue, lui laissant au passage la trace de mon rouge à lèvre. Je m'écarte pour le débarrasser, le laisser respirer. Mais lorsque je vois la marque sur sa joue, je pouffe de rire. Alors avant qu'il ne commence à râler, je lui efface avec mon pouce. Je me laisse tomber dans le canapé de tout mon poids puis j'hume le doux parfum qui s'échappe des cartons posés sur la table basse. Hummm, je sens d'ici le fromage. . . Tu me connais trop ! Chez moi, la pizza c'est une chose, mais la pizza au quatre fromage c'est le luxe. Je le laisse se débarrasser un peu de ses affaires et pendant ce temps je vais prendre un couteau dans la cuisine. Je range au passage la bouteille de tequila qui n'a plus lieu d'exister. Je m'installe en tailleur à même le sol et j'attend qu'il me retrouve. T'as l'air crevé, ça c'est bien passé le taff ?
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