« Bref, je vous souhaite à tous, de passer une très bonne année. » conclut le directeur de la fac de journalisme avec un bref sourire. Je frissonnai. C'était toujours ce moment étrange, à la fin du dernier mot du dernier discours du premier jour. Ca y est, une autre année d'étude commençait vraiment, c'était lancé. On ne pouvait plus reculer. J'attendis quelques secondes pour laisser le temps à la foule d'étudiants groupés dans l'amphithéâtre commencer à se frayer un chemin jusqu'aux portes. Puis je me souvins de Lucas, qui m'avait promis de venir me chercher à la fin de ma journée. Je me dépêchai donc de me lever, malgré la file qui avançait lentement devant les portes. J'essayais tout de même de remettre mon sac sur mon épaule et de me faire un chemin jusqu'à dehors. Quelques minutes plus tard, après un bon bain de foule et de commérages déjà bien en route, je me trouvai devant les grilles de l'université. Je m'arrêtai une minute, scrutant les personnes allant et venant pour essayer de trouver mon ami. Mon meilleur ami devrais-je dire ? Il s'en rapprochait beaucoup maintenant. Ne le trouvant pas, j'étais sur le point de sortir mon téléphone portable pour lui passer un coup de fil, quand je l'aperçus soudain. Sur ma droite, il m'attendait appuyé contre un mur, avec la nonchalance qui était toujours la sienne. Je vis qu'il ne m'avait pas encore repérée, je m'avançais donc tout sourires vers lui. Arrivée devant lui, je lui balançai un faux coup de poing dans les côtes, taquine. De toute façon cela aurait été un "vrai" pour moi qu'il n'aurait rien senti quand même. « Hey Lulu' ! » m'exclamai-je, et mon sourire s'agrandit. J'étais vraiment contente de le revoir, cela faisait trop longtemps. Heureusement, hier soir, il m'avait proposé de venir dormir chez lui, ce qui était une excellente idée pour moi. C'était mon premier jour de cours, et on n'avait pas vraiment de travail encore, à part remplir les derniers papiers ce qui prenait cinq minutes maximum. Donc j'avais dit oui. Et puis j'avais trop besoin de le revoir.

Je l'embrassai rapidement sur la joue en guise de bonjour, avant de me poster devant lui. J'ignorais s'il voulait que l'on reste un peu traîner en ville ou si on allait directement chez lui, ce pourquoi je lui demandais « Alors, quel est le programme de la soirée ? »

« Ben Mademoizelle j'ai prévu une soirée film auquelles vous choisirez le film que vous voulez avec une pizza à la façon italienne ! » Un grand sourire m'échappa. Inconsciemment - ou peut être consciemment - il avait pris son vieil accent italien en me disant ça. J'adorais quand il le prenait, ça donnait un petit air exotique qui me faisait toujours voyager. Il le savait, c'est pourquoi il le prenait souvent en ma compagnie. Je revins sur son « programme de soirée ». Soirée films. Pourquoi pas ? J'en faisais souvent avec des ami(e)s, et on passait plus de temps à papoter qu'à regarder un film. Je me doutais que ça serait pareil avec Lucas, surtout que je ne l'avais pas vu depuis longtemps. Alors j'acquiesçai rapidement, toujours le sourire aux lèvres. De toute façon, quand j'étais avec lui , il m'était difficile de perdre mon sourire. « Super ! » m'exclamai-je. Comme s'il lisait dans mes pensées, il s'approcha soudain pour me prendre dans ses bras. Cela faisait si longtemps que j'en étais presque soulagée de retrouver cette proximité avec celui que je pouvais appeler mon meilleur ami.

Il me lâcha quelques secondes plus tard, et il m'entraîna en passant un bras autour de moi pour me guider vers sa voiture. J'esquissai un sourire, heureuse d'avance de passer la soirée avec lui.

Il me retourna mon sourire, ce qui ne fit qu'agrandir le mien. Avec Lucas parfois on ne parlait pas. On n'en avait pas besoin, nous voir, nous sourire, sentir l'autre à côté de sois nous suffisait. Et puis c'était l'une des rares personnes qui arrivait à me comprendre en un coup d'oeil, je n'avais donc pas besoin d'en dire beaucoup pour qu'il sache ce que je pense, ou ce que je ressente. D'ailleurs j'avais toujours trouvé ça extraordinaire. Je le connaissais depuis moins longtemps que d'autres de mes amis, mais pourtant il me connaissait par coeur. C'était un des faits qui m’amenais souvent à le considérer comme mon meilleur ami, avec Peter. Mais le mieux, c'était que ça marchait dans les deux sens. J'arrivais à le cerner en un coup d'oeil, ce qui avant n'arrivais qu'avec Riley, mon amie d'enfance, ou Apple-Blue qui était ma demi-soeur. C'est aussi pour ça qu'on ne se cachait rien tous les deux : on voyait tout de suite quand l'autre allait mal, quand il était mal à l'aise. Mentir ne ferait que nous séparer, et ce n'était pas ce qu'on voulait, loin de là.

Quelques minutes plus tard j'étais assise dans sa voiture, Lucas au volant. Je me laissai aller sur l'appui-tête, contemplant les rues de San Francisco qui défilaient lentement par la fenêtre. On mit assez longtemps pour aller chez Lucas ; à cette heure, les rues de San Francisco étaient plutôt encombrées. Alors que l'on roulait, je tournai la tête un instant pour observer Lucas. Concentré comme toujours quand il conduisait, il gardait cependant son petit air nonchalant qu'il avait toujours, et qui faisait craquer la plupart des filles. Je connaissais d'ailleurs plusieurs filles qui étaient venues me voir, que je ne connaissais pas du tout, qui était venues me demander le nom de mon bel ami blond et même son numéro de téléphone. J'avais systématiquement refusé car, même si je savais que Lucas était ouvert et sociable avec tous, je ne pensais pas que ça lui plairait de se faire harceler par un groupe d'inconnues. En plus, il était déjà amoureux de quelqu'un d'autre. Et puis aussi peut être parce que je n'aimais pas l'idée que quelqu'un soit aussi proche de lui que moi. Oh je n'étais pas aussi proche de lui que l'on pouvait l'être de quelqu'un, mais on était très proches tout de même. Et quand ces filles me demandaient son numéro, j'avais un pincement. Etait-ce de la jalousie ? Non, je n'étais pas amoureuse de lui. Avec Lucas, ce n'était ni de l'amitié ni de l'amour je pensais. Quelque chose de fort entre les deux, ça c'était sûr.

Arrivés chez lui, je m'installai tranquillement dans son canapé et me lovai à l'intérieur pendant que monsieur prenait sa douche. Certaines personnes auraient pu se plaindre Je viens pour le voir et lui il va prendre une douche ! Ah ces mecs ! mais je n'étais pas de ce genre. Ce qui m'importait c'était d'être chez lui, de le savoir tout près. Alors j'attendis en textant et en feuilletant des magasines qui traînaient sur la table. C'était évidemment plutôt des magasines de mecs, mais bon, j'avais l'esprit ouvert ! Quelques minutes plus tard il sortit de la salle de bain et me lança, comme à son habitude « Hey la naine , tu va te doucher j'ai fini ! ». Je me levai et, taquine, lui balançai un coup de poing dans les côtes qu'il reçut sans le moindre mal. Je faisais souvent ça avec lui, une façon de riposter à ses taquineries et je savais que ça ne lui ferait rien de toute façon. Tous sourires, je m'enfermai dans la douche à mon tour. L'eau chaude m'aida à me détendre après une journée de boulot bien remplie et je restai les yeux fermés quelques minutes, savourant l'eau dégoulinant sur mon visage. Il m'appelait souvent la naine, un surnom qu'il avait trouvé. On devait l'avouer, il était beaucoup plus grand que moi. A côté de lui, je devais lui arriver à l'épaule par là ! Enfin quand je n'avais pas de talons, comme c'était le cas aujourd'hui.

Je séchai rapidement mes cheveux dans une serviette avant de m'habiller en vitesse avec mon jean préféré - le gris avec des trous près des poches -, mon pull bleu foncé et je décidai de rester pieds nus pour le moment. En sortant de la salle de bain, je le retrouvai allongé de tout son long sur le canapé, là où je me trouvais quelques minutes auparavant. « Tu pourrais au moins me laisser une petite place ... » lui lançai-je d'un ton faussement réprobateur. Sans attendre sa réponse, je m'assis sur lui rien que pour l'embêter.