J’étais en chemin vers le starbucks où j’avais rendez-vous avec Charlotte. Qui l’eût cru ? Le moins que l’on pouvait dire c’était que j’avais longuement hésité, déjà à accepter de la voir et ensuite à venir. L’envie de me désister au dernier moment m’avait plusieurs fois effleuré l’esprit mais puisque, dans la plupart des cas, je me tenais à ce que je disais, je décidai d’honorer ma promesse. A contre cœur cependant. Qu’avait-elle de si important à m’annoncer ? Qu’allait-elle me dire que je ne savais pas déjà ? Je savais qu’elle ne m’aimait pas, la réciprocité était tout aussi vraie. Je ne voyais pas ce que nous avions à faire dans un café ensemble. Surtout que je craignais de ne pouvoir me retenir si jamais je me retrouvais en face d’elle. Elle avait tellement meurtri Eliott et quiconque faisait du mal aux personnes qui m’étaient chères, devait en payer le prix. Jamais, je ne laisserais passer cela. Pourtant me voilà prête à prendre un café avec une personne dont je ne peux supporter la vue. Comment diable avait-elle pu se laisser avoir par ce con d’Elia ? Cela me dépassait. Véritablement. Il fallait vraiment être aveugle pour ne pas se rendre compte de l’immense connerie de ce dernier. Et encore ! Après tout, elle faisait bien ce qui lui chantait. Si elle l’aimait, grand bien lui fasse. Cela m’était égal, ce qui me restait en travers de la gorge c’était la souffrance occasionnée autant à Eliott qu’à Will. Celle-ci était tellement désespérée à l’entente de cette nouvelle qu’elle avait attentée à sa vie. Pour ca, je ne pardonnerais jamais à ce couple d’infortune, surtout à Elia. Il était responsable de tout, ayant joué avec la blonde avant d’en disposer comme il eût s’agit d’un vulgaire objet. Je m’allumais une cigarette. La nicotine était nécessaire si je voulais me calmer et ne pas passer ma mauvaise humeur sur tout le monde. Les pertes, auxquelles j’avais dû faire face ces derniers temps, m’avaient quelque peu fait disjoncter. Je me refusais dans un premier temps à sortir de chez moi –ce qui était loin d’être la solution- puis, au contraire, toutes les nuits j’étais dehors à arpenter, comme à mon habitude, les rues désertes de San Francisco, me souciant peu des mauvaises rencontres que j’aurais pu faire. A quoi bon ? Je me foutais pas mal de ce qui pouvait bien advenir de moi. Je soupirai, tirant une nouvelle fois sur ma cigarette. Ce n’était pas le moment de songer à tout cela. La principale raison pour laquelle j’avais accepté de voir Charlotte était le fait qu’elle soit venue demander à me voir. Je savais qu’elle ne me portait pas dans son cœur et que cela ne l’enchantait pas plus que moi mais c’était nécessaire. Pourquoi ? Je n’en savais rien. Je ne tarderais pas à le découvrir, d’ailleurs j’arrivais. J’écrasai le filtre de ma cigarette contre une poubelle et avançai vers Charlotte attablée devant un café fumant. Je m’assis devant elle, prenant soin de rien laisser paraître et l’observai. « Qu’est-ce que tu voulais me dire ? » Mon ton pressé, signe que j’avais mieux à faire que d’être ici.
Attablée au Starbuck, je regardais en dehors de la vitrine. C’était assez surréaliste comme situation. Je ne me serais jamais dit que je serais un jour ici, en train d’attendre… Lera. Comment j’avais réussi à me trouver dans cette situation ? A vrai dire, je l’avais voulu. J’avais été obligée de lui demander d’accepter de me voir. J’avais passé le mois de juillet en compagnie d’Elia, tout se passait très bien entre nous. Mais le mois d’aout signalait le début de la fin. Le problème étant que lui (autant que moi, finalement) était en train de se rendre compte de la place que prenait encore Eliott dans ma vie. Eliott était notre principale source de dispute. Part ma faute, de toute évidence. Je savais que j’étais toujours attachée à Eliott et même si je faisais des efforts, je ne pouvais pas m’empêcher de m’inquiéter pour lui et plus. Je me devais de savoir comme il allait et si tout se passait bien pour lui. Bien sur, ça avait déjà été le cas à notre dernière rupture, mais c’était différent : nous avions réussi à rester ami, du moins nous avions réussi à rester relativement en bons termes. J’aurais du me douter que cette fois, ce serait impossible. Notre rupture n’avait rien à voir avec la précédente et j’avais clairement eu l’air de recommencer une nouvelle vie. Eliott avait fait de même de son coté. Avec Willa et je devais bien avouer que ça m’avait rendu complètement malade. Le voir avec une autre fille que moi me donnait envie de vomir. Je m’étais dis que le fait que je sois avec Elia ferait que je me ficherai de ce qui se que faisait Eliott. Mais ce n’était clairement pas le cas. Et je n’avais que trouvé la solution de demander à Lera d’accepter de me voir. Depuis qu’elle avait accepté, j’avais fumé clopes sur clopes. Je ne savais pas ce qu’il m’avait pris. Prendre le temps de dire tout ça alors que je savais qu’Eliott me détestait, de toute façon. C’était ridicule de ma part. mais je voulais la voir elle, parce que je savais qu’elle ne m’aimait pas, mais je savais aussi qu’elle ne me mentirai pas sur la situation, sur comment allait Eliott, je savais qu’elle me dirait la vérité ; parce que quel que soit l’état d’Eliott, elle jugeait que tout était de ma faute, et ça l’était. J’étais donc attablée au Starbucks, devant mon café, je regardais mon prénom écrit sur le gobelet et jouais nerveusement avec l’étiquette collée dessus. Je ne vis pas Lera entrer, ni se poser vivement devant moi. Elle s’assit et je me contentais de la fixer. « Qu’est-ce que tu voulais me dire ? » Elle avait autant envie que moi d’être ici, c’était clair. Autant aller droit au but. Mais en vérité, je n’étais pas encore prête pour ça. Je devais continuer de tourner autour du pot quelques instants, juste pour que j’arrive à lâcher la bombe que j’avais à lancer : j’aimais toujours Eliott, je le voulais ; peu importait Elia, Will ou n’importe qui d’autre. « Comment va Eliott ? » Tourner autour du pot, mais pas trop…
Lorsque l’on vint me demander ce que je désirais, je pris soudain conscience que je n’avais rien avalé depuis…longtemps. Je ne me souvenais plus de la date exacte et ne m’en inquiétai pas plus que cela. A l’origine je n’étais pas une grande mangeuse et je pouvais passer des jours sans manger, non pas parce que je le voulais mais simplement parce que je m’oubliais. Je ne ressentais la faim que rarement, de longues années du régime ventre vide à mon actif. Je commandai un café noir bien serré dont je humai d’abord la fragrance ensorcelante avant de le boire. Je me sentis tout de suite mieux. Je carburais au café ces derniers temps, Morphée refusant de m’accueillir en son sein. Je secouai imperceptiblement la tête afin de chasser toutes ces réflexions de mon esprit. Elles n’avaient pas leur place dans l’immédiat, je m’y pencherais plus tard. Je portai mon regard sur Charlotte dont la réponse tardait à venir, m’impatientant par la même occasion. Au risque de radoter, j’avais franchement du mal à comprendre pourquoi elle m’avait choisi moi, surtout moi.
« Comment va Eliott ? »
Eliott. Ce n’était plus absurde désormais. Du moins plus autant. Après tout quel autre sujet de conversation pouvions-nous avoir toutes les deux ? Je me retins de lui cracher l’une des répliques les plus acerbes que j’avais dans mon répertoire, au lieu de quoi je me contentais d’un simple « A ton avis ? » d’un ton tranchant. C’était une question démesurément stupide. Elle avait clairement déchiqueter son cœur et elle débarquait le bouche en cœur me demander comment il se portait. Comme s’il pouvait aller bien. Il était dévasté et je le comprenais. Un désenchantement aussi brutal et violent ne pouvait en aucun cas le laisser indemne. En outre ses différents statuts facebook ainsi que ses commentaires sur ceux de Charlotte, du moins lorsqu’il le faisait encore, en disait très long sur son état. J’étais balancé entre l’envie de lui rire au nez ou de m’emporter, je demeurai cependant imperturbable, ne laissant rien paraitre. Rien ne servait de s’énerver, pour le moment du moins. J’attendais la suite.
« Bon je suppose que tu ne m’as pas fait venir ici pour simplement d’enquérir de l’état d’Eliott, si tu arrêtais de tourner autour du pot et crachais enfin le morceau ? »
Je doutais qu’elle ait demandé à me voir pour quelque chose dont elle aurait très pu faire sur Facebook. Il devait certainement avoir plus et je n’étais pas du tout d’humeur à me montrer patiente à son égard. Pour être tout à fait honnête sa vue me débectait purement et simplement. Moins je la verrais, mieux je me porterais. Et je savais la réciprocité vraie.
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