Un beau mardi de juin 1993 naquit une jeune fille. Une perle d’une rare beauté, aux taches de rousseurs uniques. Une fille adorable d’un couple de jeune adolescent. Ils n’ont jamais voulu d’elle. Ils n’ont même jamais mettre un nom sur le minois de l’enfant. Elle n’était rien pour eux, juste un bébé de plus sur la Terre. Contre l’avortement, la mère avait encore préféré porter le bébé et après, le proposé à l’adoption. Tuer un embryon, un futur bébé était hors de question pour elle. Une famille s’est de suite proposée, la famille Klain. Un couple d’une trentaine d’années tous les deux dont la mère ne pouvait avoir d’enfants sont tombés amoureux de cette Ginger. Ils l’ont donc accueilli dans leur famille, lui cachant toujours cette adoption. Ils ont toujours pensé qu’un jour, par un moyen ou un autre, elle saurait. La vérité referait bien surface un jour ou l’autre. Ce jour-là, ils devraient faire preuve d’une grande compréhension, se taire et attendre. Attendre que leur fille arrête de leur en vouloir. C’est le plus gros secret de la famille. Cette adoption honteuse, une jeune enfant recueillie à la suite de l’envie de ses parents. Ils ne veulent pas d’elle, elle ne veut pas d’eux par conséquent. Un cercle vicieux. Elle n’en saura jamais rien, c’est mieux comme ça.



« Calliope nom de Dieu, attends-moi ! » Je suis en tête et je trace. J’entends Orphée crier derrière moi et je ris. Elle prend toujours trois ans pour me rattraper. Je ne compte pas m’arrêter, je continue de courir. On va être en retard en cours si on se bouge pas. « Aller Orphée putain, on va être en retard, encore ! » Demain, c’est mon anniversaire. Demain, 17 ans. 17 ans de ma vie se seront écoulés précisément. C’est plutôt bien d’être née en juin, le beau temps est au rendez-vous dès qu’on souhaite faire quelque chose en extérieur. Soirée piscine. C’était prévu depuis le début de l’année. Le bruit des voitures s’intensifient, on arrive en ville. Je continue de courir. J’évite les différentes voitures qui s’enflamment alors que je passe devant elles. Je leur fais un doigt d’honneur et me met à rire. Je fais plus vraiment attention à savoir si Orphée est derrière moi ou pas, à partir du moment où on est en ville, c’est chacun pour soi. C’est l’habitude qu’on a, on emprunte très rarement les même chemins, alors on part chacune de son côté. Le lycée est encore loin. Je cours. Mes pieds filent sous mes jambes, j’ai même plus l’impression que c’est une corvée. Je suis en talons, pour une fois, alors parfois, je manque de m’écraser par terre. Un jour comme les autres. C’est ce que j’ai pensé en me levant et en entamant la routine comme tous les jours. Un hurlement. Je me retourne. Elle est là, allongée par terre, entre deux voitures. Le sang sur son visage me fait avoir un haut-le-cœur en même temps que je me mets à pleurer. J’ai pas réalisé de suite. « Putain ! » C’est le seul mot que j’ai pu sortir. C’est la seule chose que j’ai pu dire de toute la journée. Orphée, ma meilleure amie est décédée ce matin-là. Je ne m’en suis jamais remise.



« Je… Hmmm. Tu me plais. » Elle me regarde les yeux ronds. Je rougis. A travers la rousseur de mon visage, le spectacle ne doit pas être si plaisant. Je passe une main timide sur mon avant-bras, mes doigts frôlent mes entailles de la veille. La mort d’Orphée me hante, le stresse me ronge, la solitude me bouffe. Je baisse les yeux doucement. Je vais me prendre un vent. Elle me plait, et c’est ça le plus grand problème. Je me mordille doucement la lèvre. « Tu déconnes ? » Je ne dis rien, je laisse plané un blanc sur notre conversation. C’est fou l’effet qu’elle peut me faire. Il fallait que je lui dise, que ça soit positif ou non de son côté, elle le saurait. Elle ne me verrait plus comme avant. Je soupire « Oublies… » Je fais volteface et j’avance. Je veux m’enfuir, aller me cacher très loin de la honte que je viens de me payer. Qu’est-ce que je pouvais m’imaginer ? Qu’elle allait me tendre les bras ? Je suis amoureuse d’une fille. C’est un crime surement. Je m’en veux, je l’enfouis au fond de moi. Elle l’oubliera surement un jour. Elle ne me parlera plus, j’attends pas qu’elle se jette à mon cou, elle se fou de ce que je peux ressentir. « Calliope ? » Elle m’arrête, elle tient mon bras. Je me tourne lentement et je la regarde. « Je suis désolée de pas… De pas ressentir la même chose. » Je hoche timidement la tête. « C’est rien, t’occupes… » Je m’éloigne encore. Je suis conne d’avoir pensé que j’aurais pu lui plaire.


Derrière ce visage tendre et souriant se cache une douleur immense d’une perte. Une torture constante, une orientation sexuelle qu’elle refuse d’admettre. Calliope, pianiste d’ambiance passablement perdue dans un monde beaucoup trop grand pour elle.