Alors Rose, que veux-tu savoir au juste ? Car me demander de te relater mon histoire, c’est plutôt vague, tu ne trouves pas ? Bon, on va donc commencer par ma famille. Qui plus est, ça ne nous prendra pas des masses de temps.
Je suis l’unique héritière des Rosebury, mais ce n’est pas pour autant que j’ai été réellement désirée. Je suis un accident. Un malheureux accident. Mais un accident qui allait permettre à mes très chers géniteurs d’avoir une héritière à qui léguer toute leur fortune, une fois qu’ils auraient rejoint l’autre monde. Et pourquoi me préférer moi ? Tout bonnement parce qu’ils n’avaient pas la moindre intention de verser ne serait-ce qu’un kopeck au reste de ma famille. Tu te demandes encore d’où je tiens mon caractère ? Eh oui, les chiens ne font pas des chats, très chère. Et malgré que, petite, j’ai pu souffrir de leur manque d’attention, j’ai rapidement appris à m’y faire. Je n’avais pas tellement le choix, de toute manière, puisqu’on ne tarda pas à m’envoyer ailleurs autant que possible, pour ne pas m’avoir sur le dos. Bienvenue à l’internat, Cataleya.

Mais la période durant laquelle je fus éloignée de Londres, où je résidais habituellement, ne fut cependant pas très longue, juste le temps que je sache me débrouiller seule et être complètement indépendante. A partir de mes dix ans, devant ma détermination qui ne faiblissait, mes parents acceptèrent que j’intègre une école dans la capitale. Je rentrais sans l’aide de personne à mon domicile, allant même jusqu’à déambuler dans les rues de la métropole en solitaire, mais cela m’était égal : j’avais recouvré un semblant de liberté.

Que je continue ? Mais par quoi, Rose ? Le combat ? Bon, d’accord. J’avais depuis un moment déjà développé un grand intérêt pour les sports de combat, et m’y étais initiée depuis mon plus jeune âge. Mais ce ne fut qu’à l’aube de ma dixième année que je pus réellement m’y mettre, mon temps libre étant accru. Le combat devint une réelle passion, ainsi qu’un brillant système de défense comme d’attaque. Je ne tardais pas à commencer des compétitions, à passer dans le groupe d’au-dessus, malgré mon âge et ma stature plutôt fine. Mais comme on dit, il ne faut pas se fier aux apparences. Mon poids léger me valait de me retrouver contre toujours les mêmes adversaires mais je n’en avais que faire. A partir du moment où je pouvais m’améliorer, cela me convenait. J’expérimentais divers sports de ce type : boxe, judo, aïkido, karaté, lutte, avant de m’orienter plutôt vers le ju jitsu que je préférais pour la souplesse que cela développait, mais également parce que c’était une excellente manière de se défendre lorsque l’on est désarmé. Si mes parents étaient au courant ? Je n’en sais rien, et je m’en fiche comme d’une guigne. Si c’était le cas, je n’en ai jamais eu la moindre nouvelle. Après tout, leur absence n’avait plus rien d’étonnant. L’inverse, qu’ils soient à la maison, était une réelle surprise, rare et pas vraiment de très bon goût.
Jusqu’à ma majorité, je vécus plutôt sous la tutelle de gouvernantes, auxquelles je ne m’attachais généralement pas le moins du monde, mais qui avaient au moins le mérite de bien cuisiner et tenir la maison en bon état. J’allais et venais à ma guise, me forçant à quelques apparitions lors des venues de l’un de mes parents. J’avais appris depuis longtemps qu’ils ne s’aimaient pas réellement, mais conservaient leur statut marital qui était bien vu dans leur milieu. Ce qui n’empêchait en aucun cas l’un comme l’autre d’aller voir ailleurs. Qu’ils fassent leur vie ; cela faisait bien longtemps que j’avais cessé de m’en soucier.

Que veux-tu que j’ajoute, à présent ? L’essentiel est dit. Oh, ma venue en Amérique, oui. Eh bien une fois ma majorité atteinte et mon diplôme en poche, n’ayant plus aucune obligation de rester à Londres, je préférais m’éloigner du Royaume-Uni. Mes rapports avec mes parents étaient loin d’être au beau fixe, et puis, je souhaitais voir du monde, voyager. Je me lassais quelque peu de la capitale britannique, et n’aspirais qu’à en partir. Je fis donc mes bagages pour les Etats-Unis, direction San Francisco. Je m’orientais vers des études de médecine, curieuse de découvrir les secrets dont pouvait receler l’anatomie. J’en avais déjà de bonnes bases, notamment des endroits craints en cas d’attaque. Mais je souhaitais aussi tout bonnement devenir médecin légiste. Car même si je n’étais pas asociale, la compagnie des autres – si ce n’était pour les combattre, m’amuser à les torturer ou les mettre dans mon lit – était loin d’être des plus agréables à mon goût. Au moins, avec les morts, je pouvais être tranquille. Et puis, le corps d’un défunt avait souvent beaucoup à offrir. Comme de bonnes idées d’attaque et d’idées pour causer des souffrances…

Quoi encore ? Tu ne crois pas que j’en ai assez dit ? Ah, tu te demandes comment, après un tel parcours, j’ai pu en arriver à un tel caractère. Je suppose que tu entends par là mon général non-respect des règles de savoir-vivre – sauf lorsqu’elles me p,t utiles –, ma froideur quasi constante, mon besoin viscéral de me défouler aussi souvent que possible et de frapper. Il est clair qu’on a de quoi se poser des questions. Tu as écouté mon histoire, et dois donc bien avoir quelques pistes. J’ai depuis bien longtemps cessé de croire en l’amitié. L’hypocrisie s’y fait toujours son nid, selon moi. Et puis, jouer avec les autres est bien plus divertissant. Je n’ai pas besoin d’amis. Ni d’amour. Je préfère amplement réussir ce que j’entreprends. Tu comprendras alors d’où me vient l’absence d’inquiétude ou de préoccupation à l’égard de quelqu’un. J’ai une fois fait l’erreur d’accorder ma totale confiance à quelqu’un, d’apprécier et d’aimer réellement quelqu’un. Ca a failli me détruire. Je n’ai besoin de rien ni personne – sauf peut-être de l’argent versé de mes parents pour le moment. Oh et oui, je suis peut-être et même sans doute égocentrique, et vantarde. Mais on dit que la vérité n’a que faire de la modestie, tu sais. Je suis douée, en matière de combat, de blessures physiques. Réellement douée. Je me débrouille également en attaques verbales. Je ne suis donc pas vraiment démunie. Mais je n’ai jamais prétendu être quelqu’un de bien. Je me sers des gens, leur parle souvent plus pour un quelconque intérêt qu’autre chose, et me débarrasse d’éventuels pots de glue en me servant de mots ou de coups. La vie n’a jamais été rose, contrairement à ton prénom, ma chère, et comme il faut de tout pour faire un monde, je n’hésite pas à poser ma candidature chez les « méchants ». Bienvenue dans la réalité, Rose.