Il y a des gens qui ont la chance d'avoir une histoire incroyable, une histoire pleine de rebondissements, de moments tragiques, d'instants magiques... pleine de choses à raconter, en fait. Ces personnes-là sont donc vachement avantagées dans des situations comme celle-là. Ils peuvent remplir des lignes et des lignes et des lignes de petits mots qui se mêlent et s'entremêlent pour former un récit des plus fascinants. Comme vous aurez donc pu vous en douter, ce n'est pas mon cas.
Je suis née dans la plus normale des familles, pour commencer. Christiàn, mon frère, avait tout juste deux petites années et mes parents roucoulaient dans leur deuxième année de mariage. Ils s'étaient rencontrés deux ans avant de célébrer dignement leur amour et étaient encore fous amoureux l'un de l'autre. En même temps, ils étaient jeunes et toujours un peu innocent: ma mère avait 20 ans et mon père 21. Oui, de jeunes parents. Pendant les cinq années qui ont suivie, nous avons vécu à Port-Louis, sur l'île Maurice, lieu de ma naissance et de celle de mon grand-frère. Mon père étant Mauricien de pures souches, et ma mère, d'origines Congolaises, vivant sur la magnifique île depuis ses 12 ans, cela semblait logique. À ma naissance, il venait de commencer à travailler dans une agence immobilière, afin de permettre à ma mère de finir ses études pour devenir professeur de français en lycée. Nous habitions dans une jolie petite maison, donnant sur la plage, pas immense, mais cosy. Quatre ans après ma naissance, alors qu'elle venait de finir définitivement ses études, ma mère mit au monde une belle petite demoiselle: Melody. Nous formions alors un joli petit tableau de famille parfaite.
Je me suis toujours bien entendue avec mes frères et soeurs. C'est d'ailleurs pour ça que je n'ai jamais rechigné à l'idée de partager ma chambre avec Chris quand Melody est née, ni de la partager avec elle en France quand elle atteint ses quatre ans. Je ne me disputais jamais avec aucun d'entre eux et j'étais celle vers qui ils se tournaient tous pour parler de leurs secrets ou s'énerver contre un autre membre de la fratrie. J'ai toujours été très complice avec chacun d'entre eux. J'avais donc cinq ans quand nous sommes partis pour la Provence. Une magnifique maisonnette perchée sur une colline, d'où l'on pouvait voir la mer au loin. Chris et moi avions chacun une chambre et Melody occupait une petite pièce où il était possible de mettre un lit de bébé, une table à langer et une petite armoire. Nous avions un petit jardin, ce que nous ne connaissions pas encore étant donné que notre ancienne maison n'était pas clôturée et donnait directement sur le sable blanc. Là non plus la maison n'était pas très grande, mais elle suffisait pour nous cinq. Sauf que trois ans plus tard, quand je croquais ma huitième année à pleines dents, un nouveau petit bout de chou vint agrandir la famille. Melody s'installa donc dans ma chambre, laissant la sienne à Merwan. Du haut de ses quatre ans, j'étais déjà son plus grand modèle, donc se coucher juste à mes côtés la comblait. C'est à ce moment que maman choisit de faire un petit travail supplémentaire, quelques soirs dans la semaine et les week-end, afin d'allonger les économies. Elle travaillait déjà dans un lycée, mais c'est vrai qu'avec quatre enfants dont un nouveau-né, son salaire plus celui d'agent immobilier de papa ne suffisait pas toujours à nager vers l'abondance. Je me chargeais donc de prendre soin de mes frères et soeurs, étant donné que Christiàn ne s'en sortait pas toujours très bien.
Je quittais les douceurs provençales lorsque ma douzième année retentit. Chris en avait 14, Melody huit et Merwan tout juste quatre. Je me rappelle que ce fut une période extrêmement excitante: s'exiler pour l'Australie, une grosse île si loin de nous, ça n'arrive pas à tout le monde. Je n'ai jamais eu de problèmes avec les langues, d'ailleurs. Je n'étais pas excellente à l'école, mais j'avais des facilités en langues. Du coup, je parlais l'anglais aussi bien que le français. L'Australie restera probablement mon endroit préféré comparé à tous ceux dans lesquels j'ai vécu. Le temps, peut-être. Ou les paysages. Peut-être que les gens aussi. Ou la maison. C'est clair que ça nous changeait. Chacun avait sa chambre à présent. Et la maison était plus grande, même si nous n'avions quasiment pas de jardin. C'est peut-être aussi parce que c'est quand j'étais en Australie quand j'ai commencé ma carrière de mannequin. C'était en me baladant en ville avec mon frère que tout à commencé. Un petit stand d'une marque de chaussures (et autres accessoires comme des sacs) pas super connue recrutait une jeune fille d'à peu près mon âge, c'est-à-dire 14 ans. Mon frère m'a forcé à m'y inscrire. J'ai donc commencé par ça, puis je suis passée aux vêtements et de fil en aiguille, j'ai décollé. A 18 ans, je jonglais entre les shooting et les cours sans problème. Ma popularité grandissait pourtant et les gens commençaient à me reconnaître dans la rue. J'étais heureuse et fière. Puis nous avons déménagé en Californie, ma carrière avec. J'avais un agent à présent, qui me trouvait des contrats avec les plus grands. Je me lançais dans des études de journalisme, que j'arrêtais au bout de deux ans pour me consacrer entièrement à mon rêve. On dit qu'il est toujours bien de se réveiller d'un rêve: moi, je ne veux surtout pas que ça s'arrête.