Je voulais devenir princesse...

Vous croyez au karma ? Moi non, vous pouvez me croire, c’est une belle arnaque, cette histoire.
Je suis née dans un coin paumé de la Suède. Non, mais, pensez pas que je me plains, hein. Non non, juste, de manière objective, je suis obligée de dire que je vivais dans un quartier pourri. On vivait dans une tour HLM, avec ma mère, mon grand frère & ma petite sœur. Vous voyez, déjà là il y quelque chose qui cloche. Je parle pas du fait qu’on vivait à trois dans un appartement de 2 pièces (approximatives) mais bien du fait qu’il y avait pas de père. Je me souviens plus de lui, ou encore, je veux pas m’en souvenir. Choisissez la solution qui vous plait, je m’en fous.
Mon père est parti à la naissance de ma sœur, j’avais donc 2 ans. Mon grand frère en avait 5. Tout ce que je me souviens, c’est que je pleurais, parce que je voulais devenir princesse et il devait être mon prince, mais il partait, alors il foutait tous mes plans à l’eau. Mais mon frère a dit « T’en fais pas Frankie, je serai ton prince. » A partir de là, j’ai plus pleuré. Je crois que dans le fond, mon père en avait jamais eu rien à foutre de nous. Et quand il a vu que ma mère était encore enceinte, une troisième fois, il a genre... jeté l'éponge si on peut dire comme ça. Quel connard. Quel lâche. Peut-être qu'un jour, je le chercherai, je le trouverai & je lui cracherai à la gueule.
Comme vous voyez, j’ai grandi dans une ambiance joyeuse. Tout se passait disons… presque bien. d’un certain point de vue… Si, faut le dire, j’avais des bonnes notes à l’école.
En plus de ça ma mère, anglaise, m’apprenait l’anglais, ce qui fait que j’étais toujours la première en anglais à l’école et j’étais vachement fière.
Les maitresses disaient que je parlais pas beaucoup, mais que j'étais très. J'étais pas bavarde. Bref, personne avait rien à me reprocher.
J’avais des copines, mais c’était pas une obsession pour moi, je trouvais que les filles passaient leur temps à piailler, à se disputer, faire des histoires. Ça m’exaspérait. Mais quand même, j’avais des bonnes copines…
J’étais surtout proche de mon grand frère, parce qu’il était mon prince. Alors je trainais beaucoup avec lui et ses copains. Ils m’aimaient tous bien. Faut dire que j’étais pas difficile comme fille. J’aimais bien les blagues de garçons, ce genre de trucs, alors ils ne pouvaient que m’aimer. Non ?
Je pensais que tout ce passerait bien. Qu'ils seraient gentils avec moi. Ils l'étaient tous, mais lui ; c'était différent.

... Je suis devenue call-girl, c'est presque pareil.

Ma première fois, c’est avec Dan. Un ami de mon frère. Dit crument, j’ai pas à me plaindre, c’était plutôt bien. J’avais 15 ans, il en avait 17. Il a été très gentil. On était plus ou moins ensemble, mais pas officiellement ; je voulais pas dire à mon frère que je sortais avec un de ses meilleurs potes. Ça a duré trois ans comme ça. Et puis un jour, pour rire, je lui ai dit qu’il devrait me payer maintenant, que l’élève avait dépassé le maitre.
Il était plein aux as, il l’a fait. 300 euros, j’ai pris. Et je me suis rendue compte que c’était facile de faire ça. Et Dan m’a dit « Je connais du monde dans ce milieu, si tu veux, je te crée des contacts. » J’ai hoché la tête. C’était parti.
J’avais acheté un portable avec les 300 euros, mon premier salaire dans le fond… Et des tas de mecs, des hommes principalement ont commencé à m’appeler. C’était tellement facile de gagner de l’argent comme ça.
J’ai commencé à me créer un réseau, j’avais 19 ans. A coté de ça, il fallait bien que je tienne, que je continue à aller au lycée, même si je dormais peu la nuit. Alors il fallait quelque chose qui me booste. J’ai vite trouvé mon bonheur, il était blanc comme neige, poudreux, presque brillant dans la nuit des clubs et se respirait tellement facilement, m’emmenais tellement loin, que j’étais vite devenue accro.
Ma mère, mon frère, même ma sœur, ne voyaient, parce que j’arrivais à donner le change. J’étais plutôt bonne menteuse.
Dan ne me réclamait presque rien de ce que je gagnais. Alors, j’avais toujours largement assez pour faire des cadeaux à ma famille. Les pauvres n’ont jamais compris qu’on avait pas des salaires comme les miens au McDo, mais cette excuse leur suffisait. Est-ce qu’ils ne voulaient juste pas voir dans quoi je m’enfonçais ? J’en sais rien.
Et puis à 20 ans, j’ai voulu changer d’air. A part le suédois, je parlais l’anglais, alors je suis partie pour les USA. J’avais amassé assez d’argent pour partir. Call-girl, ça paie bien, surtout quand on est douée pour ce qu’on fait. On peut augmenter les prix, et devenir réputée. A 20 ans, j’étais réputée à Stockholm. Mais je voulais voir plus loin.
Pas pour ça, mais parce que je voulais quitter ce pays. J’en pouvais plus du HLM, d’être avec ma mère, mon frère & ma sœur, H-24.
20 ans, et fraichement débarquée, après quelques mois à New York, j’ai migré vers la cote ouest, à San Francisco.
Moi qui voulais sortir de la prostitution et de la drogue, c’était indéniablement plus facile pour moi de continuer. Alors c’est ce que j’ai fait. J’ai continué, et je continue toujours…