Quand est-ce que les gens vont se rendre compte que je n'en ai rien à faire de leurs histoires qu'elles soient de cœurs, de culs ou du reste ? Merde, il y avait bien écrit égoïste sur mon front, ce matin ou est-ce que je n'avais pas été assez clair ? S'intéresser aux autres, quelle perte de temps. Je mâchouillai tranquillement quelque chose tandis que Caïn me racontait tous ses malheurs. Mmmh, je savais qu'il était amoureux d'Ephyre et je trouvai les gens in love pathétique. Je l'ai été moi-même. J'étais donc bien placée pour savoir de quoi je parlais. Mais quand même. Pourquoi est-ce que je me bornais à l'écouter lui ? Parce que c'était mon ami ? Non, non, il y avait autre chose. Je ne saurai dire quoi. Je passais doucement une main dans mes cheveux à nouveaux roux et me levai pour aller retirer mes fringues de travail. J'avais encore eu une absence aujourd'hui au zoo. A croire qu'elle gagnait du terrain, qu'elle voulait prendre mon corps tout entier. Je savais que je n'étais pas toute seule mais que dire, que faire dans ces cas-là ? Rien, juste se contenter de regarder et d'acquiescer. D'attendre. De se repaitre et de revenir finalement à soi. C'est comme ci, je m'endormais pour plonger dans des rêves infernaux, dans des cauchemars tous plus Burlesque les uns que les autres. Je ne saurai dire. Quoi qu'il en soit, je venais de raccrocher avec mon faux boyfriend et je devais donc mettre ce petit déshabillé noir qui ferait fondre n'importe qui. Et dire que je sortais avec un gay, que je baisais même avec. Jordane. Tu es tombée bien bas. Mais bon, il était doué.

Je venais tout juste de finir de m'habiller – enfin de me vêtir serait le terme le plus approprié – quand Nicodermus vint me chercher pour lui donner à manger. Et dire que j'avais sauvé la vie de la bestiole. Pour une fois que je ne me souciais pas que de moi, c'était bien une première. J'inserrai un bâton à mâchouiller dans ma bouche pour descendre et aller nourrir la bestiole. J'avais eu de la chance que ma maison ne soit pas trop détruite. Seulement quelques trucs par ci et par là. Mais j'avais assez d'argent pour me racheter une maison de toute manière. Je m'apprêtais à lui donner à manger quand soudain, j'entendis un coup à la porte. « Ah! » Je posai donc la nourriture, détachai les boucles et allai ouvrir pour regarder mon interlocuteur d'un regard affamé. « Tu en as mis du temps. J'ai failli appeler la police pour la lancer à ta recherche. »

Caïn éteignit le téléphone et le regarda quelques secondes durant. Jordane avait beau dire qu'elle égoïste et se moquait des affaires des autres, c'était une personne toutefois bienveillante, du moins à ses yeux. Il mit le petit objet dans sa poche arrière de jean, prit quelques clopes ainsi que son briquet et de l'argent que sa mère lui avait récemment envoyé. Malgré qu'il ait changé de vie et qu'il ait un travail, elle ne pouvait s'empêcher d'être désespérément inquiète pour son fils aîné. Il songea d'ailleurs au fait de devoir l'appeler prochainement pour l'informer de son possible départ et pour avoir de ses nouvelles. Après avoir prit tout cela, il s'empara des clefs, jeta un œil à l'appartement désert et désordonné avant de claquer la porte. Il fit tourner l'objet doré dans la serrure et descendit les marches avant de ses retrouver dehors. La nuit était glaciale. Le ciel semblait dégagé, laissant apparaître les étoiles qui brillaient et illuminaient un tant soit peu dans le noir. L'irlandais ne put s'empêcher de soupirer. Quand avait-il commencé à parler de ses déboires amoureux ? Quand avait-il commencé à se plaindre ? Quand avait-il commencé à emmerder les gens avec ce qui le concernait ? Plus il y pensait, plus il se trouvait ridicule. Mais en ce soir-là, il ne voulait plus y penser. La conversation téléphonique défilait dans sa tête et il se rappela la cause de l'appel. Ephyre, évidemment. Comment pouvait-on tomber amoureux d'un imbécile sociopathe comme lui ? Il fallait être sacrément être dingue. Après cette constatation effarante, Ca' se dirigea plus vers le centre de la ville avant de trouver un taxi. Certes le supermarché n'était pas loin mais tout de même. Il n'avait aucune envie de marcher. Il savait que s'il faisait ça, il penserait trop. Et ça n'était jamais bon signe pour lui.

Le taxi le déposa devant le magasin encore ouvert et illuminé. Le jeune homme demanda au transport de l'attendre pour l'emmener ensuite à Sunset District. Une fois que cela fut fait, il rentra dans le supermarché. Il avait toujours détester les courses en général. Le seul rayon qu'il connaissait était celui des bouquins et de l'alcool. Autrement dit, il ne perdrait pas beaucoup de temps ici, pour une fois. Comme convenu, il acheta des bouteilles de vodka, de tequila, de whisky, de manzana et quelques bières. Quand il eut trouvé tout cela, il se rendit à la caisse où une jeune femme travaillait visiblement pour les vacances. Les bouteilles étant passées, elle annonça d'un air monotone le prix qu'il lui donna puis rejoint la sortie non loin pour retrouver son taxi. Le chauffeur démarra tout de suite tandis que le garçon regardait par la fenêtre. San Francisco était agréable la nuit. Il n'y avait que quelques rares personnes qui se promenaient. On avait l'impression d'y être presque seul au monde et c'était un sentiment agréable lorsque l'on se languissait d'amour. Caïn chassa cette idée de sa tête et se concentra sur Jordane. Ils allaient boire un coup, faire l'amour et le lendemain, il s'en irait en la remerciant et ça serait tout. Il aimait cette relation sans attaches puisqu'il n'y avait aucun amour. C'était une sorte de règle tacite entre les deux. Jo' savait depuis le début que son "petit-ami" en aimait un autre. Un homme de plus. Mais elle n'en avait jamais rien et ne s'était jamais plainte. Au contraire, elle semblait être satisfaite des performances de son amant et c'était tout ce qui importait le garçon. Une fois arrivé, il paya le taxi et frappa à la porte. Jordane ouvrit, le déshabillé noir la couvrant plus que légèrement.

- Tu en as mis du temps. J'ai failli appeler la police pour la lancer à ta recherche.
- Très drôle "chérie". Je me suis dépêché pourtant, j'ai acheté de quoi finir complètement éclatés sur le parquet je pense.

Il l'embrassa comme il avait l'habitude de le faire et rentra immédiatement, non pas pour l'éviter ou quoi que ce soit, mais pour poser les boissons qui étaient décidément bien lourdes. Il jeta ensuite un œil sur la jeune femme et lui fit un sourire.

- Que de charmes ! Toujours aussi belle, hein. C'est du gâchis que certains pensent que tu es avec moi. Pense à tous ces gars qui se pavanent pour toi.

Il lui fit un nouveau sourire avant de déboucher la vodka; autant commencer fort.

Ce qu'il y avait bien quand on sortait avec quelqu'un – que cela soit vrai ou faux – personne ne venait nous emmerder. Enfin. Je ne portais pas d'alliance non plus, alors quand je sortais, j'attirai forcément les boulets / crevards / pervers mais j'avais appris à les gérer. Un à la fois, faite la queue. Cependant, comment faisait-elle ? Je ne savais pas et je m'en fichai. Enfin, pas totalement puisque c'était mon corps quand même. Il ne fallait pas qu'il me revienne abimé. Après, comment ferais-je ? J'avais bien baisé avec Maël tout en ignorant que c'était un homme marié. Et est-ce que cela allait m'arrêter ? Non, bien sûr que non. Discrétion requise cependant. Caïn était un chouette type et je ne voulais pas non plus qu'il se fasse humilier. Je devais être la plus grosse pétasse de la planète. Quoi que, des marie couche toi là, il devait y en avoir une paire dans ce foutu pays. Mais une garce nymphomane doublée d'une cambrioleuse. Hmm. Très peu. Et j'assumais pleinement ce statut. Qu'il soit voulu ou non. J'avais commencé par Robbyn, enchainé avec d'autres, refusée à certains comme Sonic et fait avec Maël qui étaient déjà casés. Mais comme on dit, ce n'est pas moi qui suis mariée mais eux. Si j'étais mariée, serais-je fidèle pour autant ? Bien que je doutais fortement de ma capacité à avoir un époux un jour. C'est vrai quoi. Regardez-moi, vingt trois ans et aucune relation sérieuse, aucune perspective d'avenir sauf celle d'ouvrir un club qui cachera un bordel plus bas. Sous terre. La famille était décidément bien disloquée, tordue. Nous n'étions que des ombres. I live in the shadows and I love that, I think the pleasure is better that the love. Je savais très bien que je ne pourrais n'entreprendre de sérieux et est-ce que cela me gênait ? Non. Je m'en fichai. J'aimais cette idée, cette possibilité d'être libre.

Lentement, je m'écartais pour laisser mon faux petit ami entrer et quand il appuya sur le chérie, mes yeux lancèrent des éclairs. Je détestai qu'on m'appelle par un quelconque surnom. C'est comme ça. Je me surélevai alors pour joindre nos lèvres. Si je ressentais un quelconque plaisir quand j'embrassai cet homme ? Non. Aucun. C'était plus par habitude. Et ce qui est bien, c'est que nous avions été très clairs. Sexe, oui. Sentiments, non. Avais-je été capable de ressentir quelque chose d'autre qu'un quelconque désir sexuel à l'encontre d'un homme ? Négatif, chief. Mais je m'en fichai. J'aimais, je me délectai de tout ça. J'accueillis sa remarque avec un sourire. Comme d'habitude. Toujours aussi charmant. « Tu sais très bien que cela n'est pas ça qui va les arrêter voyons. » Je pris une bouteille au hasard et en versai le contenu dans deux verres avant de lui tendre le sien. « Je t'en prie, fais comme chez toi. » Je devais plus effrayer les hommes que les attirer mais pas grave. Je n'avais pas que ça à faire de toute manière. Je me laissais donc tomber sur le divan, avant de jouer avec une de mes mèches, tapotant la place à côté de moi. Allez the game is on. Come to play with me, boy!

Caïn vit les yeux de Jordane lui lancer des éclairs lorsqu'il prononça le mot "chérie". Il savait pertinemment qu'elle détestait les surnoms. Et d'ailleurs, c'était pour cela qu'il l'appelait toujours ainsi. Il adorait voir ses yeux énervés et sentir la colère dans sa voix. Il se faisait tout le temps pardonner de toute manière, jamais elle ne lui en voulait vraiment. Entre eux, c'était un curieux mélange. Ils couchaient ensemble mais ne s'aimaient pas. Ils s'embrassaient mais il n'y avait pas de sentiments. Ils aimaient s'embêter l'un l'autre mais n'auraient pas pu se côtoyer tous les jours. C'étaient en fin de compte, de simples amis. Quoiqu'un peu plus pour le jeune homme. Elle était une des rares personnes auxquelles il avait accordé sa confiance et une des seules à savoir qu'il était irrévocablement amoureux de son meilleur ami. Il ne lui avait jamais caché cela. Mais elle, elle ne disait jamais rien à propos de ses amours. Elle ne se dévoilait jamais. Comme elle le répétait, elle était comme ses tigres. Attirante, véritable prédatrice et très dangereuse. Et puis, l'irlandais savait qu'il n'était pas le seul à coucher avec elle. Et d'ailleurs, lui non plus ne se privait pas lorsqu'une occasion se présentait à lui. Ce n'était jamais qu'un contact agréable entre deux corps. Une fougue soudaine. Un délice sous les draps. Une passion s'enflammant aussi vite qu'elle retombait. Après cela, il entra, en remarquant son sourire. Son regard se perdit, comme à son habitude, sur la fenêtre. Il savait qu'en couchant avec d'autres, il trahissait Ephyre. Mais lui ne se gênait pas. Et puis, s'il était là c'était pour l'oublier. Par pour se faire réconforter dans les bras de son amie et pleurer comme un gamin qui aurait perdu son jouet.

- Tu sais très bien que cela n'est pas ça qui va les arrêter voyons.

Le garçon ne put s'empêcher de rire. Oui il le savait. Mais il ne pouvait s'empêcher de se demander si Jordane était heureuse de cette situation. Elle couchait avec beaucoup de mecs différents, sans se soucier de ses sentiments depuis que Dwight et elle avaient rompus. Est-ce qu'elle l'aimait encore ? Y avait-il quelqu'un dans son cœur ? A vrai dire, il n'en savait strictement rien. Mais il savait qu'il osait poser la question, elle lui répondrait par une boutade ou laisserait le silence s'étouffer jusqu'à ce qu'elle discute d'autre chose. Il venait toujours un moment où l'on se lassait de relations éphémères et de coups d'un soir. Oui, il venait toujours ce moment où l'on venait à mettre un ordre dans sa vie et régler sa vie comme le tic-tac clair d'une horloge. Un moment où l'on devait se poser et se demandait quelles étaient vraiment nos responsabilités et que devions nous faire pour briller comme les étoiles dans la nuit. Caïn ne se posait jamais cette question. Trop de choses emplissaient son cerveau. Irradier comme une étoile. Quelle bêtise. Il devenait d'une mièvrerie qui l'agaçait profondément. Se rappelant qu'elle lui avait parlé auparavant, il sortit de ses pensées. Elle ne lui ferait aucun reproche car elle habitué à ce qu'il soit ailleurs, réfléchissant à des tas d'autres choses qui se bousculaient dans son esprit. Cependant, il ne répondit pas à la phrase de la demoiselle car, déjà, elle lui adressa à nouveau la parole.

- Je t'en prie, fais comme chez toi.
- C'est ce que je fais merci. Je crois que j'ai l'habitude de cet endroit.

La jeune femme prit une bouteille au hasard, qui se trouva être celle de vodka que Caïn venait juste de déboucher. Elle remplit deux verres presque à ras bord et en tendit un vers le garçon. Il porta la boisson à ses lèvres. Il savait que ces temps-ci, il buvait trop et fumait trop. Peut-être mettait-il sa vie en danger. Mais il était curieux et existant de vivre sur un fil, tel un acrobate au-dessus d'un cirque. Voyant que la jeune femme tapotait la place à côté d'elle, il se joignit à elle, non sans esquisser un sourire. Il savait parfaitement ce qu'elle voulait. Ce n'était pas la première fois qu'ils jouaient à ce jeu. Ca' s'approcha donc de Jo', son verre à la main, s'asseyant à la place indiquée. Amusé, il mit sa main autour de sa taille et embrassa sa nuque quelques fois avant de retourner à sa vodka pour la boire d'une traite. Tenant plutôt bien l'alcool, il savait qu'il devrait terminer plusieurs verres avant de finir complètement ivre. Qu'importait, ils avaient toutes la soirée de toute manière.

Je savais que certaines personnes s'inquiétaient pour moi. Comme Caïn par exemple. Robbyn, surtout. Mais que voulez-vous ? Je me fichai pas mal des répercussions que mes actes pouvaient avoir. On dirait que j'ai pété une sorte de plomb et que rien, ni personne ne pourra me faire revenir sur Terre, ce qui est... fâcheux. Je ne suis pas du genre à m'attacher aux autres. Je déteste ça. J'ai toujours détesté ça. Alors est-ce que le fait que j'allais me ranger changerait quelque chose à la donne ? Est-ce que j'allais devenir plus gentille, plus sage et moins... Dévergondée. Bien sûr que non. Je suis et je resterai toujours une garce, une abominable garce qui pensait que la vie ne valait pas être vécue si on ne la vivait pas à fond. J'ai toujours été éduqué comme ça. Les choix que j'ai fait en Angleterre, les choix que ma sœur a fait, étaient restés là-bas. Son mari, surement un ou deux gosses planqués par ci par là et peu de personnes savaient que ma sœur était morte. Est-ce que Caïn était au courant de tout ça. Hum. Non. Il ne connaissait pas l'existence de Charlie et ne la connaîtrait jamais. Je suis certaine qu'il a du avoir affaire à elle, une ou deux fois. C'est vrai que nous étions jumelles. Mais quand même. Non merci. Je préférai garder tout ce que j'avais sur le cœur pour moi-même. Ou autant aller s'allonger sur le divan d'un psychologue et tout lui déblatérer. Merci, mais non merci. On devient tous bizarres avec le temps, je crois qu'on évoluait soit en bien, soit en mal. Je regardai Caïn qui faisait donc comme chez lui et éclatai d'un rire sonore avant de prendre place sur le divan et qu'il me rejoigne pour devenir très entreprenant, collant ou autre et je le repoussai. « Je n'ai pas assez bu encore pour ça. »

L'amour était un sentiment bizarre et il est vrai que depuis Dwight, sa disparition qui me laissait perplexe, je restai sur mes gardes. Avais-je réellement aimé Dwight au point d'en mettre ma vie en danger comme il l'avait plusieurs fois auparavant ? Non, bien sûr que non puisque je n'aimais pas Dwight. Je ne l'avais jamais aimé et je ne l'aimerai jamais. Dommage. Être attachée, je pense que ça doit être ça. « C'est comment d'être amoureux, demandai-je pensive avant de boire une gorgée. » J'étais curieuse. J'avais une vie chaotique, un emploi du temps à la con et je couchais avec tout le monde mais je n'avais jamais aimé. Donc je ne savais pas ce que je ratais en quelque sorte. Si je devais rater quelque chose...

Jordane repoussa gentiment Caïn qui ne dit rien. Il était habitué à la jeune femme de toute manière. A ses gestes. A sa voix. A son corps, aussi. Pourtant, il avait parfois l'impression qu'ils étaient tous deux étrangers l'un à l'autre. Finalement, elle ne savait pas grand chose de son ami. Seulement qu'il était amoureux d'Ephyre et qu'il était irlandais. Et sûrement quelques autres choses sans grande importance qui avaient dû lui échapper un soir ou une journée qu'ils étaient ensemble. Oui car aux yeux de tous, ils sortaient ensemble. Pourtant la supercherie aurait aisément pût être découverte. Tout d'abord parce que le garçon restait rarement longtemps avec les mêmes personnes. Et ensuite parce que Jo' couchait avec tout le monde. Quand ils se voyaient une journée, elle se finissait généralement dans le lit d'un des amants. Aucun des deux n'étaient jaloux et ils ne s'imposaient aucune contrainte. Pas de fleurs. Pas de doux mots d'amours (hormis pour agacer la jeune femme). Pas de sourires tendres. Rien de tout cela n'était au programme. L'irlandais ne pouvait nier qu'il passait du bon temps avec elle. Mais cela se rapprochait bien entendu davantage de l'amitié que d'un quelque amour. Et il en était de même pour elle. C'était une relation sans attaches et, du même coup, sans souffrance. Caïn s'en délectait. Il fallait dire que Jordane était loin d'être une fille superficielle laide et sans aucun intérêt. Belle, intelligente et manipulatrice. Ce qui l'amusait particulièrement. Il se remplit un second verre. Il savait qu'il en boirait beaucoup. Beaucoup trop. Tant que l'on pourrait croire que l'alcool allait finir par remplacer son sang.

Après la phrase qu'elle dit, et à laquelle il n'avait pas répondu puisqu'il n'y avait pas de raison, le silence se fit et emplit la pièce. La demoiselle semblait réfléchir à autre chose. Il la laissa dans ses pensées, laissant les siennes bien loin. Il ne voulait pensait à rien. S'il était là, c'était justement pour se laisser aller et non pas avoir de grandes pensées philosophiques sur un lit avec lui-même. Il porta à nouveau le verre à ses lèvres. La boisson glissa lentement jusqu'à son ventre. L'irlandais avait l'alcool triste. Il ne buvait beaucoup que rarement, uniquement lorsqu'il se sentait mélancolique ou étrangement seul. Il finissait souvent ses soirées, ivre, devant des anciennes photos ou sur le parquet en s'endormant. C'était plutôt ridicule. Mais il préférait être ainsi que de finir complètement dingue dans la rue. Dieu sait combien il y avait d'accidents dans la vie à cause de l'alcool. Il préférait nettement la cigarette. Plus dangereux, certes, médicalement parlant. Mais au moins, on faisait moins de conneries en allumant ce truc. Se rendant compte qu'il avait très chaud, il se leva, retira sa veste et la posa sur une chaise. Sa chemise blanche aux manches courtes laissait voir la mutilation sur le bras gauche mais il s'en moquait. Il n'était pas avec n'importe qui mais avec Jordane. Elle ne le jugerait pas. Peut-être lui poserait-elle quelques questions cependant, jamais elle ne ferait avec véhémence. Finalement, étaient-ils ne serait-ce qu'amis ? Ca' se posait parfois la question. Il s'était parfois confié à la jeune femme mais ce n'était guère réciproque. Elle était si dure à approcher.

- C'est comment d'être amoureux ?

Caïn faillit s'étouffer avec le liquide qu'il avait porté à sa bouche. Rompant le silence, il ne s'attendait pas à une telle question. Puis, quand il eut reprit ses esprits, ce fut à lui de se poser une question. N'avait-elle pas été avec Dwight ? Ne l'avait-elle pas aimé ? Visiblement non si elle lui demandait quelque chose de ce genre. La jeune femme ne connaissait pas l'amour. Tout le monde dans sa vie avait dût connaître les amours éphémères qui disparaissaient après quelques semaines de passion. A l'adolescence par exemple. Du jour au lendemain, on se jurait fidélité, on parlait du futur, on s'embrassait toutes les minutes, on n'imaginait pas la fin. Et pourtant, ces amours faisaient de futiles efforts. Tout explosait. Tout se finissait. Plus tard, on refaisait la même erreur, encore et encore. L'amour touchait n'importe quand, n'importe qui. La preuve. Tomber amoureux d'un sociopathe dérangé limite associable, se tapant nombre de filles et de mecs, violent et qui s'en foutait de lui. Franchement, il avait réussit là un exploit. Il ne manquait pourtant pas dans son entourage de personnes attentionnées, gentilles, aimantes. Mille fois mieux que ce mec là. L'irlandais poussa un soupir, réfléchissant à la réponse qu'il allait bien pouvoir lui donner. Il savait déjà qu'il ne valait mieux pas évoquer l'ex de Jordane au risque de l'énerver ou de provoquer la fin de la discussion. Ca' déposa son verre sur la table et réfléchit. Il aurait simplement pût dire "C'est merdique" mais c'était faux et, cela se résumait simplement à son cas. "C'est merveilleux" était d'une telle mièvrerie qu'il en souria.

- Comment dire ... C'est égoïste, l'amour. Tu as toujours envie que la personne soit près de toi, tu n'acceptes pas que quelqu'un d'autre l'approche -et si ça se produit tu deviens irascible, tu as envie de la garder pour toi, comme ton unique trésor dans ce monde. C'est la seule chose qui vaille la peine. Tu serai prêt à prendre les armes et à te battre pour sauver cette personne. Tu as envie de l'aider à surmonter ses malheurs que tu supporte plus mal qu'elle parce que tu déteste voir ses larmes couler. Et tu sais, tu sais qu'à tout instant tu peux briser cette personne, la détruire, qu'elle peut té répugner, te détester et tu n'arrives pas. Tu n'arrives pas à t'empêcher de l'aimer ...

Il se tut, laissant le silence envahir la pièce et finit sa boisson, encore une fois, d'une traite. Il se rassit près de la jeune femme, regardant son verre vide transparent comme s'il y voyait quelque chose et se tourna vers Jo en lui souriant.

- Etre amoureux, c'est ça tu vois, être dingue. Et l'amour, c'est la merde.

Le jeune homme n'ajouta rien de plus, regardant juste la réaction de son amie. Il devait passer pour un fou mais il s'en moquait. Il n'avait plus rien à perdre dans ce monde.

Faire un faux couple avec Caïn n'était pas la chose la plus difficile au monde puisque j'étais habituée à sa présence. Certes, j'aurai du avoir du remords de me comporter comme ça mais non. J'aimais bien le bel irlandais. Il était gentil, attentionné et ferait un excellent petit ami, sauf que je n'avais pas la tête à ça. Je ne sais pas mais je ne voulais pas être en couple. Après Dwight, j'ai eu du mal à me relever, à trouver quelqu'un et j'avais lamentablement échoué. Je n'avais que vingt et un ans et j'aimais ma vie. Je me plaisais à en profiter, à faire de nouvelles expériences et rester dans mon boulot malhonnête et dangereux. Duncan n'était pas toujours d'accord avec ma façon de voir les choses et cela ne me déplaisait pas. Nous étions si différents dans ma famille que cela ne semblait plus être un problème, nous avions établi un accord. Ne pas nous mêler de la vie des autres. Point. Je me tournai vers Caïn avant d'avaler mon verre cul sec et le repousser. J'étais comme ça, j'avais besoin de m'éclater un peu avant de commencer à m'envoyer en l'air. C'est vrai que j'étais jeune encore. Je passais une main dans mes cheveux pour me relever et essayer de regarder les autres bouteilles qu'il avait acheté un peu plus tôt dans la soirée et choisir un alcool qui nous conviendrait parce que si on continuait comme ça, je finirai beurrée avant de m'élancer vers les toilettes pour vomir. Et sans trop réfléchir je lui posai une question qui me turlupinait depuis longtemps avant de le voir recracher sa boisson dans le verre. Je partis donc dans un grand éclat de rire, rajustant mon déshabillé et le regardai une bouteille en main, un sourire de gamine sur le visage essayer de chercher une réponse. Caïn, Caïn, Caïn. Un heureux hasard.

Depuis ma rupture d'avec Dwight, je faisais tout le temps la fête. Je ne me reposai guère, alternant les soirées, les cambriolages, les nuits au zoo, je ne voulais pas dormir sous peine de faire des cauchemars. Alors, je préférai m'envoyer en l'air et ensuite, tchao bye bye. Sauf que Caïn était différent. J'ai été attendri par sa sensibilité qui me rappelait celle de ma sœur alors j'lui ai proposé un deal. J'écoutai sa réponse en sifflant une bouteille de vodka. J'avais besoin de boire pour me chasser les idées. Je savais que Caïn avait vu les cicatrices sur mon corps mais ne posait jamais de questions et je lui en étais gré parce que je savais que ce n'était pas une chose facile. Je me rapprochai donc de lui quand il souffla que l'amour c'était de l'amour et me laissai tomber sur ses genoux pour caresser son visage d'une main. « On peut faire l'amour sans être amoureux mais ne pas être amoureux sans faire l'amour. C'est un fait. » J'avais chuchoté cette réplique en digne imbécile avant de me pencher et de capturer ses lèvres dans un baiser torride. Je ne savais pas trop où cette histoire allait nous mener car nous nous enfonçions dans un mensonge et je ne voulais pas le blesser. « Je ne voudrais pour rien au monde te blesser Caïn, lançai-je d'une voix froide. » Je savais que lui non plus et plus notre relation avançait, plus on se rapprochait. Je passais une main sous son tee-shirt, posant cette dernière sur son torse avant d'enfouir ma tête dans son cou. Gestes d'un couple qui n'en était pas un.

Caïn se sentait défaillir. Plus le temps passait, plus son amour grandissait. Et plus il devenait un parfait salaud. Il fumait trop, commençait à boire de plus en plus, traînait dans les rues ou au contraire restait chez lui à ne rien faire, couchait un peu partout, sortant avec diverses personnes. Il s'enfermait dans son tourment, ne dormant que très peu, préférant l'insomnie ou devenant presque diurne. Il aimait particulièrement, il était vrai, vivre la nuit. Voir les lumières s'éteindre. Laisser les gens quitter la rue pour regagner leurs pénates. Entendre le bruit qui se mut en silence. Se sentir seul, abandonné, au milieu du néant et du noir qui obstrue le cœur et la pensée. Délectable moment qu'il appréciait régulièrement et lorsqu'il trouvait le courage de sortir de son antre enfumée. Il ne s'était guère adonné aux drogues, à vrai dire, cela ne l'avait tenté, sans qu'il ne sache pourquoi. Peut-être était-ce dû à sa peur féroce des aiguilles ? S'il n'avait pas la fierté, il aurait hurlé à chaque fois que le médecin lui en mettait une dans le bras. S'il ne laissait pas sa colère sortir de sa bouche, il ne pouvait pas empêcher un regard furieux envers le pratiquant. Qu'importait. Il était en train de devenir le genre de mec qu'il ne voulait pas. Il aurait put aisément changer s'il l'avait réellement désiré. Jeter les cigarettes par la fenêtre, vider le contenu des bouteilles dans l'évier, sortir de temps en temps en veillant à ne pas privilégier l'agréable compagnie de la solitude, s'adonner à la pureté, retourner à une vie diurne et puis voilà. Cela paraissait d'une simplicité enfantine mais il savait que ce n'était guère le cas en réalité. C'était justement trop compliqué alors, il préférait garder cette vie outrageuse plutôt que de rester cher lui à remuer ses pensées déprimantes.

Alors que l'irlandais avait finit sa tirade, il remarqua que sa jeune amie buvait la vodka, en l'ayant écouté visiblement avec attention. Il savait qu'elle avait but ses paroles et qu'elle ne l'avait pas ignoré. Non, elle semblait davantage réfléchir, rassembler ses pensées ou peut-être chasser ses idées noires dans un coin sombre de son esprit. Il se sentait lui-même un peu perdu en réalité. Tout ce qu'il avait dit, il le pensait évidemment mais dit comme cela, ça aussi, ça paraissait simple. En réalité, rien n'était plus ardu que de mettre des mots sur des sentiments ou des pensées. Et cela était encore plus vrai lorsqu'il s'agissait de choses aussi profondes que l'amour ou la haine. Comme si, lorsqu'on le disait, cela perdait toute sa valeur, toute sa beauté. Mais surtout, le jeune homme se demandait comment il pouvait révéler ça de manière aussi naturelle, et avec le sourire en prime, à Jordane alors qu'il n'y arrivait décemment pas avec Ephyre. C'était pourtant trois mots accolés. C'était tout ce que c'était. Mais il n'y arrivait pas. Il avait bien tenté grâce à des insinuations à lui avouer son amour toutefois il prenait peur. Que ferait-il lorsque son ami le découvrirait ? Sans doute ne se parleraient-ils plus jamais. Et ça, ça il ne le voulait surtout pas. Il n'accepterait pas la distance imposée et le fait de devoir lire son nom sur son portable, dans les magazines. Le fait de voir son visage dans la rue, avec Constentin ou un(e) autre. Le fait d'avoir à l'éviter, à ne pas croiser son chemin, à ne pas lui donner de nouvelles. Il était lâche et égoïste.

- On peut faire l'amour sans être amoureux mais ne pas être amoureux sans faire l'amour. C'est un fait.

Ca' lui sourit, méditant sur cette phrase. Elle s'était assise sur ses genoux, sa main trouvant le chemin du visage de son petit ami factice. Avant qu'il ne puisse trouver une réponse cohérente, elle captura ses lèvres dans un baiser digne de cinéma. Il n'en fût pas étonné, entourant les hanches de la jeune femme de son bras gauche, gardant son verre dans l'autre. Elle avait toujours sut bien embrasser et il devait avouer qu'il en était ravi. De même qu'elle savait très bien lui donner du plaisir. Il rompit le baiser, son regard perçant le vide.

- Et est-ce que l'on peut être amoureux et faire l'amour à une autre personne, que l'on apprécie mais que l'on aime pas ?

Il eut un nouveau sourire et joua avec les cheveux de Jordane avant de déposer un chaste baiser sur ses lèvres, comme si c'était leur premier.

- Je ne voudrais pour rien au monde te blesser Caïn.
- Moi non plus Jordane.

Cela, l'irlandais le savait déjà. Malgré sa froideur, il avait toujours deviné que c'était une personne attentionnée et gentille. Elle ne faisait jamais rien pour briser le jeune homme. Au contraire, elle était là, prête à l'accueillir, à entendre ses caprices et ses mièvreries, à répondre au téléphone. Il ne l'en remerciait jamais assez d'ailleurs. Egoïste. Encore. Toujours. Jo' passa sa main légèrement froide sous sa chemise tandis qu'elle rangea sa tête entre son cou et son épaule. Il la serra dans ses bras, embrassant sa nuque avec gentillesse. Il voulait dire quelque chose mais il n'y arrivait pas. Quelque chose comme un merci. Mais il n'était guère doué pour ce genre de choses. Il préférait se taire, se complaisant dans le silence de leurs deux corps enlacés.

La discussion avec Caïn commençait à devenir rasoir et je savais que nous avions tous les deux envie de nous changer les idées. Lui comme moi puisque je passais tout mon temps à ressasser mon histoire avec Dwight qui c'était mal terminée et lui, son histoire avec Ephyre qui prenait de plus en plus des dimensions tragiques. Alors, je l'écoutai me parler pour laisser tomber négligemment une bretelle de mon décolleté – cent pour cent calculés bien sûr – et je me rapprochai de lui. « Bien sûr qu'on peut coucher avec quelqu'un qu'on apprécie. » C'est vrai, il s'apprêtait à faire quoi là ? Je me levai pour aller me resservir un verre et le vider cul sec. Je buvais trop, ça aussi c'était mal. Je devais au minimum boire pour oublier tous mes soucis bien qu'ils ne concernant pas l'argent fort heureusement. J'étais riche, mais riche. Oui, je cambriolais beaucoup de monde et souvent les personnes me payaient bien pour commettre leur petit larcin.

Je m'approchai doucement de Caïn avant de passer une main dans ses cheveux. « Si seulement Ephyre n'existait pas et si seulement je n'étais pas une immense garce. On aurait fait le couple parfait. » Je déposai un baiser sur ses lèvres, me surélevant un peu. Il sentait l'alcool, la vodka et cela avait le don de m'enivrer encore plus. J'avais envie de lui, là, maintenant, tout de suite. Je devais oublier. Oublier pendant un moment que je m'appelle Jordane Iver, que je suis une personne détestable, que je ne pourrais jamais avoir une vie normale. Tout simplement oublier qui je suis l'espace d'un instant. Et quoi de mieux qu'un orgasme pour se faire sentir mieux ?

[qu'est-ce que c'est nul. J'ai honte!]